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L’évangile selon Saint-Foot

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  • L’évangile selon Saint-Foot

    Ecrit par Henri Tincq dans No Sports , le 14/06/2010


    Signes de croix et gris-gris sur le terrain, invocations des supporters, liturgie des stades: un match de football possède tout le rituel du cérémonial religieux.

    «Les hommes, ayant perdu le paradis, se mirent à courir après une balle.» Cette citation de Blaise Pascal est apocryphe, mais elle indique assez que le football est devenu un rituel de substitution des temps modernes. Dans un continent aussi religieux que l’Afrique, où se joue pour la première fois une Coupe du monde, on va retrouver, en version amplifiée, sur les terrains et dans les gradins, toute une série de pratiques quasi-religieuses, superstitieuses ou magiques, dont la multiplication ces dernières années stupéfie les sociologues: pour eux, la montée en puissance des manifestations sportives de masse, dont la ferveur est relayée et accentuée par les grands médias, est l’effet du déclin des Eglises et autres lieux qui produisent du sens et du lien social.

    Le mot «rituel» pour désigner le football n’est pas excessif: un match marque bien une rupture avec la routine quotidienne, une concentration du jeu dans l’espace et dans le temps, un scénario qui se répète, des paroles et des gestes, etc. En Afrique du Sud, on va voir refleurir les signes religieux à l’entrée des joueurs sur la pelouse, pendant le match et après. Les plus nombreux sont les signes de croix des footballeurs de pays marqués par la tradition catholique (Italie, Espagne, Amérique latine, Afrique) ou orthodoxe (pays slaves). Chez les joueurs des pays arabes et asiatiques, les signes religieux sont plus furtifs et discrets, mais par exemple, Franck Ribéry, converti à l’islam, ne commence jamais son match avant de faire le rituel musulman de purification des yeux et du visage.
    I love Jesus

    Toujours dans l’univers des signes, avant le coup d’envoi, le joueur se prosterne et embrasse la pelouse qu’il va fouler. Ou, quand il marque un but, il lève son maillot et exhibe, devant le public et les caméras, son tee-shirt porteur d’un message à destination familiale ou religieuse. On y lit des «I love Jesus» ou des «Dieu est notre force», surtout chez les joueurs d’un pays comme le Brésil dominé par l’influence des Eglises protestantes évangéliques. La magie de la télévision et les angles des caméras accusent l’effet de cette religiosité ambiante des terrains. A côté de ces pratiques, dont on ne peut exclure pour certains la sincérité, cohabitent des formes de superstition comme les gris-gris glissés dans les chaussures-fétiches.

    Mais d’autres rituels collectifs ont fait leur apparition, comme ces cercles formés par l’équipe, épaule contre épaule, avant le coup d’envoi, comme pour une sorte d’ultime entraînement spirituel. Ou l’empilement des corps sur le joueur qui a marqué un but, dans lequel certains croient déceler des tendances homosexuelles. Ou encore la «chenille» qui réunit après la victoire une équipe avançant à genoux sur la pelouse. Ce dernier rite est un peu tombé en désuétude, comme le geste du «berceau» –un balancement de bras portant un enfant fictif– inventé par le Brésilien Bebeto au Mondial 1994, aux Etats-Unis. Ce n’est pas un symbole religieux explicite, mais certains y ont décelé une louange à la vie et au créateur. Sociologue suisse et professeur de religions à l’université de Lausanne, Denis Müller y voit plutôt «un hommage rendu à la femme dans ce monde de mecs que demeure le football», malgré une mixité plus grande dans le public et le corps arbitral.
    Reliques et cantiques

    La religion affleure aussi dans les gradins. L’entrée dans un stade plein à craquer donne lieu à tout un cérémonial: échauffement des joueurs, ferveur du public hérissé de drapeaux, présentation des équipes, poignées de mains, hymnes nationaux. Des supporters se sont appliqués des peintures rituelles sur le visage, qui sont les couleurs du club. Les plus «dévots» ont apporté les bannières et les reliques de leurs «dieux»: autographes, ballons, photos. Puis les chants montent des tribunes, repris par les «chœurs» des fidèles, lancés par des «célébrants» qui tournent le dos à la pelouse et donnent le rythme. Très typique est le cas des publics de supporters anglais de Liverpool ou d’Arsenal, chantant, pendant tout le match, des «carols» (cantiques) à la gloire de leur équipe, venus de la plus ancienne tradition chrétienne locale et des écoles du dimanche du XIXe siècle.

    Quasi-religieux aussi sont les encouragements, les invocations, les imprécations contre l’équipe adverse ou les arbitres, ces sortes de chants de louange lorsque l’équipe favorite est sur le point de l’emporter. A ce moment, un autre geste collectif apparaît: c’est la fameuse «ola», mouvement de liesse qui balaie tout le stade. Ce rite du match qui se joue en un lieu et un espace précis est remarquablement relayé par la télévision. Il se constitue ainsi une autre «communauté», celle des téléspectateurs qui participent à l’événement en ne quittant pas leur domicile, rivés à heures fixes devant leur «autel domestique»: la télévision. Comment ne pas faire enfin l’analogie avec les manifestations religieuses qui remplissent les stades, autour de grands prédicateurs comme les télévangélistes américains ou le pape? Communauté de foi, célébration émotive, desservants, hymnes, cantiques, invocation du bien et dénonciation du mal: une sorte de rivalité mimétique s’est instituée, accréditant la thèse que le football est une autre religion, une «quasi-religion», disait le théologien Paul Tillich.
    Communion et mains de dieux

    Que le football soit devenu un rite de substitution, qui pourrait encore en douter quand on voit comment le vocabulaire religieux a recouvert celui du commentateur sportif. C’est le vocabulaire usuel des fidèles et des expressions mille fois psalmodiées. Dans le stade devenu «temple», le match devient une «liturgie», un «culte». Une victoire arrachée est qualifiée de «miracle». Le public des dévots «communie» avec des joueurs promus au rang d’«idoles», de «dieux», de «messies» (surtout depuis qu’au firmament du football a grimpé un joueur argentin du nom de… Lionel Messi). Les participants au culte vont, à la fin du match, porter «témoignage» de ce qu’ils ont vu, des exploits auxquels ils ont assisté. L’expression de «main de Dieu» est enfin passée dans le vocabulaire courant: elle est née d’un but marqué de la main par Diego Maradona, à l’époque où l’actuel entraîneur argentin était un dieu vivant dans son pays. Elle a beaucoup resservi après le but aussi litigieux de Thierry Henry qualifiant la France contre l’Irlande pour la Coupe du monde en Afrique du Sud.

    Mais en faisant du football la nouvelle religion, n’y a-t-il pas abus de termes, instrumentalisation, prise de Dieu en otage? C’est ce que pense, avec beaucoup de bon sens, le professeur d’éthique et de religions Denis Müller, qui vient d’écrire Le football, ses dieux et ses démons (éditions Labor et fides): l’idée que Dieu puisse vouloir donner la victoire à «notre» équipe plutôt qu’à l’adversaire révèle une mentalité religieuse assez primaire et une «théologie» bien peu critique. Plus qu’une religion, le football est un révélateur universel de tous les antagonismes sociaux et mondiaux: «La plupart du temps, explique Denis Müller, le football demeure soumis à la compétition brute et à la violence déshumanisante d’une pauvre imitation de la religion et de la beauté. Ce n’est que par à-coups et par intermittence qu’il laisse entrevoir le surgissement possible de la grâce et de la gloire.».

    Henri Tincq
    slate
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    Boris Vian

  • #2
    ca me fait toujours sourire ces joueurs qui font le signe de croix sur le terrain..........ou qui regardent le ciel.............inchallah on va gagner!
    on fait avec..........

    Commentaire

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