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Le Planning familial, 50 ans et de nouveaux combats

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  • Le Planning familial, 50 ans et de nouveaux combats

    Le planning familial a été un énorme mouvement bienfaiteur pour le contrôle des naissances, l’épanouissement de la femme et donc de l'homme et du couple en France.

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    Assise au fond du canapé, elle tripote en silence les franges d'un grand châle noir qui lui recouvre les épaules. Elle laisse parler les jeunes filles qui se sont installées à ses côtés, dans la salle d'attente du Planning familial de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avant de s'enhardir et de prononcer quelques mots. "Je suis allée voir un médecin pour avoir un certificat pour mon dossier de mariage, résume-t-elle. J'avais un petit retard, je ne m'inquiétais pas, mais il a fait un test et c'était positif. Il m'a demandé si je voulais le garder, j'ai dit non. Cet été, je me marie au Maroc et je ne veux pas avoir un gros ventre. Je ne ressemblerais à rien du tout."

    Ses voisines s'inquiètent, demandent aux animatrices du Planning si un avortement peut déclencher des stérilités ou si l'expulsion provoque des douleurs, mais Salma ne pose pas de questions. "Le médecin a dit que c'était encore petit, je veux juste l'enlever, répète-t-elle. Ma seule peur, c'est que ça ne marche pas." Une fois seule avec les animatrices, elle se met cependant à raconter son histoire. "Je me marie en juin, mais j'ai insisté auprès de mon père pour que la cérémonie ait lieu d'abord en France et ensuite, seulement, au Maroc, souligne Salma, qui est arrivée en France il y a six ans. Comme ça, je suis tranquille. Ils ne pourront pas me trouver quelqu'un à épouser là-bas, sans me demander mon avis."

    Salma, qui prépare son baccalauréat, vit à Stains (Seine-Saint-Denis), avec ses parents et sa petite soeur. Ses deux aînées ont quitté la maison après avoir épousé l'homme de leur choix. "Mais mon père voulait me faire épouser le fils de son frère, il me disait qu'il avait donné sa parole à la famille, explique-t-elle. L'été dernier, je n'ai pas voulu partir au pays pour les vacances, j'avais trop peur qu'ils me fassent épouser mon cousin ou qu'ils m'en présentent d'autres. J'ai dit à mon père que je devais rester en France pour travailler."

    Il y a quelques mois, Salma a présenté à son père le petit ami qu'elle fréquente depuis un an et demi. Après beaucoup d'hésitations, la famille a accepté le mariage à condition qu'il ait - aussi - lieu au Maroc. La petite soeur de Salma, qui a 18 ans, convolera en revanche avec son cousin germain : "Elle va épouser le fils de la soeur de mon père. Je lui ai dit de refuser, je suis sûr que mon père comprendrait, mais il répète que celle qui se mariera en famille aura un appartement et toute son affection, et il a fini par la convaincre."

    Parce que les animatrices du Planning sont présentes lors de chaque accueil, Salma et les jeunes filles qui étaient présentes ce matin-là quitteront les lieux en ayant parlé de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) qui les attend, mais aussi de tout ce qui entoure cet acte qui les soulage et les angoisse à la fois : la sexualité, l'amour, les rapports avec les hommes. "Ici, la salle d'attente est avant tout un espace de parole, explique l'une des animatrices, Corinne Mélis. Elles peuvent dire leurs inquiétudes sur l'IVG ou parler de la contraception, des hommes, de l'amour. De fil en aiguille, nous en venons souvent aux inégalités hommes-femmes, aux violences, au sexisme."

    Fondé en 1976, au lendemain de la légalisation de l'avortement, le Planning familial de Seine-Saint-Denis s'est installé il y a quatre ans dans un grand local de la ville de Saint-Denis. Il compte onze salariées, qui touchent toutes le même salaire horaire et qui effectuent toutes les mêmes tâches : "Ici, il faut savoir tout faire", résume en souriant Pierrette Lenquette, qui travaille au Planning du 93 depuis vingt-six ans. Les animatrices interviennent dans les collèges et les lycées pour évoquer les relations entre filles et garçons, forment des enseignants, des soignants ou des travailleurs sociaux, et animent des réunions sur la contraception ou l'avortement dans les permanences de planification familiale de la protection maternelle et infantile (PMI).

    Le Planning propose plusieurs fois par semaine des consultations sur l'avortement et la contraception, mais, malgré la légalisation de l'IVG, en 1975, et l'allongement des délais, en 2001, il continue à envoyer des femmes à l'étranger. "Nous le faisons plusieurs fois par semaine, car certaines femmes sont sur liste d'attente à l'hôpital ou ont déjà dépassé les délais, note Mélanie Mermoz, l'une des animatrices. Nous connaissons bien deux cliniques, aux Pays-Bas, qui font des rabais pour le Planning et qui nous donnent des rendez-vous très rapidement. Les femmes partent en car, souvent de nuit : c'est moins cher."

    Cet après-midi-là, elles sont plus d'une dizaine, dans la salle d'attente, à attendre une consultation gratuite avec la gynécologue. Il y a là des adolescentes qui s'interrogent sur la contraception, une Africaine avec un bébé et une jeune femme blonde qui reste silencieuse. Les deux animatrices, Cécile Sarafis et Mylène Guardia, répondent longuement aux questions sur la contraception, évoquent les relations garçons-filles à l'adolescence, en viennent à la question du respect. "C'est vraiment dur d'aider quelqu'un qui se fait insulter ou taper dessus, soupire une femme d'une trentaine d'années, qui semble savoir de quoi elle parle. Pourtant, ce n'est pas ça la vie. Il y en a, des hommes qui respectent leurs femmes."

    Tout à coup, la jeune femme blonde lève la tête et lance d'un trait, sans même réfléchir : "Mon ami, il a le droit de tout, moi de rien. J'ai pas de copine, j'ai pas le droit de travailler. Si je vais aux courses, c'est trop long, si j'achète des fleurs, c'est : qui te les a offertes ? Mais je l'aime quand même, j'ai eu ma petite avec, je me suis habituée, et puis voilà, c'est comme ça. C'est juste que j'ai pas le droit de sortir." Son amie et voisine lâche alors à mi-voix, en se tournant vers elle. "David, il m'enfermait à double tour. Il mettait même des bouts de papier au-dessus des portes pour voir si j'étais sortie. Mais je l'ai quitté, finalement."

    Le Monde
    Je suis père et fais de mon mieux au regard de cette citation :
    L'exemple, c'est tout ce qu'un père peut faire pour ses enfants. Thomas Mann
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