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L'AMDH dans le collimateur

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  • L'AMDH dans le collimateur

    Le refus forcené de la dissidence, aussi insignifiante soit-elle, est un indicateur de dérive autocratique. Un de plus…

    Certains signes ne trompent pas. La récente conjonction d’attaques contre l’Association marocaine des droits humains (AMDH) en est un. Il y a d’abord eu, en fin de semaine dernière, cette étonnante sortie publique de Abbas El Fassi. Le Premier ministre s’en est violemment pris à “cette minorité qui exploite les droits de l’homme pour défendre le séparatisme”. Et d’ajouter : “Il est honteux qu’une association reçoive une lettre de félicitations du Polisario – c’est une insulte pour le Maroc”.
    L’AMDH n’était pas citée nommément, mais tout le monde a compris. Quelques jours plus tard, un certain Driss Radi, chef du groupe parlementaire conjoint RNI-UC, a lu en pleine séance de la seconde chambre un texte incendiaire visant l’AMDH – nommément, cette fois. Vite relayé par la MAP, Radi a déclaré : “Ce qui s’est passé lors du dernier congrès de l’AMDH – des slogans séparatistes ont notamment été scandés – n’est qu’une instrumentalisation odieuse des nobles valeurs des droits de l’homme dans une vaine tentative de porter atteinte aux valeurs sacrées de la nation”. En signe de protestation contre “ces intolérables dérapages”, l’honorable député a demandé une suspension de séance de 5 minutes. Le président lui en a accordé 10. A noter que la semaine précédente, Achourouk, organe de presse officieux du RNI, avait descendu l’association en flammes sur pas moins de 6 pages. Parmi une foule de titres incandescents, retenons-en deux : “Pour qui roule l’AMDH ?” et “L’horrible silence gouvernemental et politique approfondit la blessure causée par des provocations sur des sujets sensibles”. Eh ben ! Ils sont motivés, ces braves gens…
    Ce soudain prurit patriotique n’est évidemment pas innocent. Le message est clair : l’AMDH est dans le collimateur du Pouvoir. Lequel, comme d’habitude, choisit d’attaquer par la bande en lançant ses relais habituels (Abbas, le RNI, l’UC, la MAP, etc.) à l’assaut. Lesquels, comme d’habitude, ne reculent pas devant le mensonge et l’amalgame. L’AMDH n’a évidemment jamais reçu de lettre de félicitations du Polisario, ni cette année ni les précédentes. Et en guise de “slogans séparatistes”, le “pire” qui ait été scandé lors de ce fameux congrès est “pas d’alternative à l’autodétermination (des Sahraouis)”. Qu’une des tendances de l’AMDH s’accroche à l’idée de référendum au Sahara (démocratiquement combattue, d’ailleurs, par une autre tendance pro-autonomie) n’est absolument pas nouveau. Ce qui l’est, c’est que le Pouvoir, tout à coup, trouve cela insupportable.
    Au fait, c’est qui, “le Pouvoir” ? Comme d’habitude, on ne sait pas. Sans doute une ou deux personnes tapies à l’ombre du Palais royal. En tout cas, le “la” officiel est donné. Après l’offensive rageuse contre la presse indépendante lancée mi-2009, et qui s’est traduite par des saisies et fermetures de journaux généralement illégales, voici venu le tour de la plus indépendante et courageuse ONG du pays. Sur un point, Abbas El Fassi n’a pas tort. Sur 30 millions de Marocains, l’AMDH et ceux qui la soutiennent sont en effet minoritaires. Tout comme le lectorat cumulé de la presse indépendante, qui ne pèse quasiment rien à l’échelle nationale. Raison de plus pour se poser la question : pourquoi les derniers refuzniks de l’ordre makhzénien sont-ils ainsi harcelés ? Non seulement il n’y a rien à craindre d’eux, vu leur influence plus que réduite, mais le Pouvoir – bien au contraire – aurait tout intérêt à les laisser s’exprimer librement, puisque cela lui conférerait – à peu de frais – une certaine onction démocratique…
    Le refus forcené de la dissidence, aussi insignifiante soit-elle, est un signe de dérive autocratique – un de plus. C’est ainsi que cela a commencé en Tunisie, avant que cela ne tourne à la dictature grossière. Est-ce, à terme, le destin du Maroc ? Dieu tout puissant, donnez-nous des raisons de ne pas y croire…

    TelQuel - juin 2010 n. 428

    Encore un signe…

    par Ahmed R. Benchemsi
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