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Les Correspondances du Capitaine Daumas, Consul de France à Mascara

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  • Les Correspondances du Capitaine Daumas, Consul de France à Mascara

    La Honte ne monte pas au visage de l’hôte, si celui-ci a le visage de l’espion.

    Tout l’objet de la réédition des Correspondances du Capitaine Daumas, Consul de France à Mascara (1837-1839) (*) semble tendre à démontrer l’hypocrisie des sentiments de l’hôte et sa malhonnêteté. On a pu lire, ailleurs, chez Camus dans son recueil de nouvelles L’Exil et le Royaume, ce que pouvait, au comble de l’absurde, valoir la parole de L’hôte: «Tu as livré notre frère. Tu paieras.»

    L’éditeur Fayçal Houma justifie ainsi son dessein: «Cet ouvrage, édité en 1912 à Alger, est une synthèse des événements et rapports de l’époque 1838-1839 transmis par le capitaine à ses supérieurs sur les mouvements des troupes et la vie des hommes sans le contrôle de l’Émir. La maison d’édition El Maarifa a pris le soin d’éditer ce livre, support de référence appréciable pour les historiens, universitaires et public, toujours impatients de mieux découvrir leur passé.»

    De son côté, le préfacier Mahfoud Smati rappelle que: «Le capitaine Eugène Daumas, consul de France auprès du gouvernement de l’Émir Abdelkader à Mascara, vit son premier contact avec l’Algérie profonde six ans après le débarquement de Sidi-Ferruch. Sa mission militaire puis diplomatique, lui permet de connaître la société arabe, à travers ses moeurs et ses coutumes. Il était aidé dans son activité par le médecin Warnier [...] Le docteur ne se limite pas à l’exercice de sa profession, mais il parcourt la campagne sous prétexte, dit-il, de cueillir des plantes médicinales. Tout était consigné dans les lettres confidentielles par le consul, et expédié au gouvernement via le général de la province d’Oran par voie détournée.

    Le diplomate Daumas faisait semblant d’utiliser l’attelage officiel, mais en réalité, il ne lui remet que des coupures de journaux et des notes sans signification. Le courrier destiné aux autorités françaises était acheminé par un homme inconnu du public. Le Consul soupçonne les autorités algériennes de chercher à découvrir le contenu de sa correspondance. Il détenait des informations qu’il protégeait et notamment celles concernant un homme qui, selon le chef de mission, siégeait dans le gouvernement de l’Émir.» Il apparaît clairement que Daumas, «l’ami» et «le confident» de l’Émir, a profité de la situation privilégiée que lui assurait généreusement son hôte exceptionnel, - d’autant que c’était à l’époque où, du fait du traité dit «Desmichels», Mascara était la Capitale de tout l’Ouest algérien.

    Sachant parler la langue arabe et fidèle à son chef hiérarchique le général Bugeaud, le consul Daumas s’est livré, au profit de son pays La France de la conquête, à l’espionnage du gouvernement de l’Émir Abdelkader.

    Au reste, Bugeaud avait désigné lui-même Daumas, indirectement, comme l’agent secret idéal au regard de son engagement volontaire au 2e régiment de chasseurs des Alpes (1830) et de ses longs et bons services militaires en Algérie, notamment lors du combat de Sidi Embarek (1835). «Après les généraux commandant les provinces, écrivait, en effet, Bugeaud au ministre de la guerre, l’homme, qu’il est le plus important de bien choisir, est, sans contredit, celui qui doit résider auprès d’Abdelkader. Il doit être militaire, instruit, intelligent et bon observateur. Son esprit doit être conciliant, sans exclure la fermeté et la dignité nationale. Il faut qu’il connaisse les moeurs des Arabes et leur langue.»

    Le courrier du consul Daumas, adressé aux hautes autorités françaises, était constitué de Rapports et entrevues sur l’Émir Abdelkader.


    Longtemps considérées comme archives secrètes, ces communications sont réunies et publiées pour la première fois, en 1912, par Georges Yver, alors professeur d’histoire de l’Afrique Moderne à la Faculté des Lettres d’Alger. C’est la réédition de ce gros livre (640 pages, y compris quatre cartes et plans) que nous propose, beaucoup plus à étudier qu’à lire, les éditions El-Maarifa. Nonobstant quelques remarques sur la mise en page et sur la correction assez négligée, l’ouvrage conserve en totalité la démarche du professeur spécialiste de «L’Afrique du Nord française» et auteur de plusieurs articles sur Alger, Algérie, Maroc que l’on peut retrouver dans la célèbre Encyclopédie de l’Islâm, par exemple.

    Ces «Correspondances» couvrent la période (1837-1839) durant laquelle le capitaine Daumas était l’agent spécial de la France auprès de l’Émir Abdelkader à Mascara, ainsi que le stipulait l’article XV du traité de la Tafna. Dans une longue introduction à son ouvrage, Georges Yver rappelle l’état des relations de la France conquérante et du gouvernement de l’Émir Abdelkader et quelles ont été les circonstances administratives et militaires, à l’examen des exigences du Traité, qui ont présidé à la mise en place de principe d’un droit de regard français sur l’exercice de l’autorité du chef prestigieux de la résistance algérienne. Yver nous met ensuite sous les yeux, extraites des Archives Historiques de la Guerre, des notes, des dépêches, des relations, des entrevues, des instructions, etc.

    Suivent aussi en bas de page, des explications, des références, des remarques, des précisions. La lecture des «Correspondances», riches en informations de toutes sortes (entretiens avec l’Émir, missives officielles, rapports sur les moeurs des Arabes), devient intéressante, voire passionnante.

    Cependant, il reste à bien nous instruire sur la véracité des propos et des observations du capitaine Daumas qui s’était manifestement inspiré des idées du docteur Warnier et qui était mû par le désir de servir son général, c’est-à-dire le Bugeaud de la conquête absolue, le Père Bugeaud qui, lors d’une attaque de nuit, oublia sa casquette, l’ennemi «bien sympathique» et juré de l’Émir Abdelkader et qui disait: «Ense et aratro, par l’épée et par la charrue. Il faut faire la guerre avec succès, par une activité incessante, par un système de colonnes agissantes. Il faut soumettre Abdelkader; il faut le détruire. Il faut être fort ou s’en aller.»

    Voilà du pain sur la planche pour nos historiens. Il y a de l’analyse à faire et surtout à suivre ce vrai chemin de l’Histoire, la nôtre, sereine et libre, à écrire et à enseigner. Pour mémoire, Daumas a écrit de nombreux ouvrages sur l’Algérie et la civilisation arabe, dont Le Sahara algérien (1849), La Grande Kabylie (1847), La Civilité puérile et honnête chez les Arabes (1857), Moeurs et coutumes de l’Algérie (1853), Les Chevaux du Sahara et principes généraux du cavalier arabe (1858).

    (*)Les Correspondances du Capitaine Daumas
    Consul de France à Mascara (1837-1839)
    (Rapports et entrevues inédits sur l’Émir)
    par Georges Yver (1ère édition, 1912)
    Éditions El Maarifa, Alger, 2008, 640 pages.


    Par l'Expression
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