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Maroc, l'essence de la rose

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  • Maroc, l'essence de la rose

    Sept heures. L'animation bat son plein dans les vallées luxuriantes du M'Goun et du Dadès. Depuis l'aube, hommes et femmes s'adonnent à la cueillette des fameuses roses Damascena qui, fraîchement écloses, ornent les haies délimitant vergers et champs de blé. Un véritable jardin d'Eden d'où s'échappe la mélodie des cours d'eau, des boulboules et des tourterelles des bois.

    Dix heures trente, au comptoir n°13 de Touzrikt. Mohamed vient de réceptionner la cueillette du jeune Saad. Soit 23 kilogrammes de fleurs collectées en famille, à raison de 9 dirhams le kilo. Un prix fixe négocié dès le début de la récolte par les chefs de village avec les distilleries locales. Bientôt, l'un des camions emportera vers les usines les quelque 700 kilos entreposés dans la réserve, qui fermera alors ses portes jusqu'au lendemain matin.

    Midi, dans le village de Hadida. Lahcen s'affaire au coeur de sa petite distillerie. Grâce au financement du laboratoire français Hévéa, spécialisé dans la fabrication de cosmétiques naturels selon des procédés équitables et traditionnels, ce jeune Berbère assure depuis trois ans sa production d'eau de rose estampillée du label bio Ecocert. Ici, la Damascena n'en finit pas d'exhaler son parfum suave et sucré. Plus encore en fin de matinée, quand les sols frais et ombragés de la casbah se couvrent d'un épais tapis de fleurs.

    Chaque année, c'est le même rituel. Dès la mi-avril, cette vallée du centre marocain se met aux couleurs de la rose pour un mois de récoltes, de réjouissances et de labeur. Les habitants prennent leur sac en bandoulière, les grossistes ajustent leurs balances, les enfants arborent des couronnes fleuries et Kelaa M'Gouna, la capitale locale, atteint des sommets d'effervescence. De part et d'autre, pas une échoppe qui n'affiche le nom de la Damascena ou n'en décline les produits dérivés, tels savons, crèmes, huiles, laits, shampooings, masques et fleurs séchées. Car, plus qu'une tradition transmise de génération en génération, la rosacée relève presque, ici, du sacerdoce. Mais en poussant à 1 400 mètres d'altitude, malgré le froid, ne justifie-t-elle pas tous les élans ? Une ferveur, semble-t-il, ancestrale. La légende raconte que, de retour de la Mecque, les pèlerins semèrent sur leur passage quelques boutons de roses de Damas. Nous sommes au Xe siècle, la fleur n'est pas encore au centre de l'économie locale, mais on lui prête déjà d'étonnantes propriétés, comme celle d'éloigner les maléfices et les mauvais esprits...

    Si la production a longtemps fonctionné en circuit fermé avec ses récoltes familiales et ses deux grosses distilleries, elle tend de plus à plus à s'émanciper sous l'impulsion d'hommes passionnés. Parmi eux : Mohamed Soufi, propriétaire d'une plantation de 5 hectares exclusivement dévolue à l'arbuste et fournissant jusqu'à 200 kilos de pétales par jour. "

    Habituellement, les rosiers forment les haies des potagers. Chez moi, ils occupent des champs entiers et les villageois sont employés pour la saison ", explique-t-il, tout en dévoilant les murs de sa future distillerie. Avec son association, créée il y a deux ans en vue de fédérer les différents acteurs de la vallée (une trentaine ont déjà répondu présent) et d'optimiser les méthodes de production, l'homme travaille également à l'obtention d'un label de qualité attribué, comme pour le safran et l'huile d'argan, par le ministère de l'Agriculture. Inutile de dire qu'à ce rythme-là le parfum de la rose n'a pas fini de nous entêter...


    Bouquet. Chaque année, à la mi-avril, débute la cueillette de la fameuse Damascena, dans la vallée du Dadès, dite des Roses, près de Ouarzazate © Gil Giuglio

    Le Point
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