Enquête. Aux origines de la M6 mania
Mohammed VI fait et défait les tendances. Sa voiture, son look ou son goût pour les arts plastiques fascinent. On s’arrache les services de son joaillier ou de son traiteur. Zoom sur un véritable phénomène de société.
La scène se déroule sur une grande artère marchande, au centre de Casablanca. Le passage, au ralenti, d’une berline noire arrache des cris aigus et nerveux à un groupe de jeunes adolescentes, tout droit sorties d’un magasin de prêt-à-porter à la mode. Au volant, un homme souriant, à la barbe bien taillée et au costume impeccable : Mohammed VI. Un détail attire particulièrement l’attention de nos jeunes Casablancaises : les lunettes de soleil du monarque. “Il ne met que des Ray Ban”, affirme l’une d’entre elles, le ton assez fébrile. “Ça doit être une édition limitée”, renchérit, tout excitée, une autre qui ne lâche pas la voiture royale des yeux.
Mohammed VI poursuit ainsi sa tournée quotidienne dans la métropole, arrachant, au hasard des ruelles et des grands boulevards, des commentaires sur la marque de sa voiture, la couleur de sa chemise, son téléphone portable ou sa coupe de cheveux. “En marketing, le roi est ce qu’on appelle un trend-setter ou initiateur de tendances. Il suffit qu’il touche à un objet pour que la majorité le désire et fasse tout pour l’obtenir”, analyse une consultante en communication.
A la naissance de Lalla Khadija par exemple, Mohammed VI avait choisi de poser avec une tenue traditionnelle verte, assez peu conformiste. “Croyez-le ou pas, cela a été suffisant pour remettre cette couleur au goût du jour, raconte cette styliste casablancaise, spécialisée dans la haute couture traditionnelle. A la base, ce vert était effectivement utilisé pour les caftans masculins mais il est tombé dans l’oubli depuis quelques années. Immédiatement après la naissance de Lalla Khadija, j’ai reçu plusieurs commandes pour la réalisation de tenues identiques à celle du roi”.
Mode royale pour tous
Mimétisme ? Certainement, mais il n’y a pas que cela. Le besoin d’identification est très fort dans les sociétés de consommation comme la nôtre. Chacun a forcément une star de cinéma, un footballeur, une figure historique ou un grand patron à qui il veut ressembler. En l’absence d’un véritable star system marocain, le roi, charismatique et populaire, reste donc un vecteur de tendances très important.
On ne compte d’ailleurs plus les modes initiées par le monarque : jet-ski, arts plastiques, voitures, etc. A chaque fois, il a été le premier à adopter un hobby ou un look avant que cela ne devienne une mode plus ou moins populaire. Et c’est là un autre aspect du phénomène. “Les tendances royales ne sont pas toutes réservées aux plus riches. On trouve souvent le moyen de les adapter en fonction des bourses des uns et des autres”, nous explique ce sociologue. Se coiffer comme Mohammed VI est par exemple à la portée de tout le monde. Des répliques chinoises de ses lunettes de soleil sont vendues à moins de 100 dirhams sur les étalages informels de Rabat et de Casablanca. Et même si tout le monde ne peut pas se payer un jet-ski, ces gros bolides des mers se louent désormais à la demi-heure sur les principales plages du pays.
Se pose alors une question : imiter le roi est-il normal ? Imite-t-on Mohammed VI comme on le faisait avec Hassan II par exemple ? La question fait sourire ce vieil homme politique aujourd’hui à la retraite : “Imiter Hassan II pouvait se révéler dangereux. Très peu de gens s’y risquaient d’ailleurs”. L’anecdote dont il nous fait part est à ce propos particulièrement édifiante. Rendant visite à l’un de ses proches collaborateurs, alité et gravement malade, le défunt monarque est surpris par le faste dans lequel vit ce dernier. En le quittant, il aura cette phrase assassine : “Si tu n’étais pas malade, je t’aurais confisqué ce palais”.
Un roi plus accessible
Avec Mohammed VI, les règles du jeu changent en profondeur. Le roi semble plus proche de son peuple, plus accessible. Ses goûts sont également plus simples, limite populaires. Aux compositions musicales sophistiquées, il dit préférer Jonnhy Hallyday et le R’n’B dans l’air du temps. Il ne vit pas dans des palais, mais dans des résidences privées et des villas assez intimistes. Il conduit lui-même sa voiture et pratique le jet-ski plutôt que le golf ou l’équitation. “Lui ressembler ne semble donc pas impossible. Certains grands patrons pourraient même considérer être aussi bien logés que lui et rouler dans des voitures aussi luxueuses”, analyse notre sociologue.
Mohammed VI a l’âge de ces fameux quadras qui dirigent aujourd’hui le pays. L’identification est donc plus forte. Le risque de dérapage l’est tout autant. Au début des années 2000 par exemple, Mounir Erramach, un narcotrafiquant connu dans la région de Tétouan, a poussé très loin l’imitation de Mohammed VI, son idole. L’homme se faisait escorter dans tous ses déplacements par des berlines noires. Dès qu’il apprenait que le roi avait un nouveau jet-ski, il se faisait livrer le même et venait parader au large de M’diq. La légende dit même qu’il se faisait appeler Mohammed VII. Ce n’est pourtant pas ce mimétisme qui l’a perdu, mais une banale course-poursuite entre dealers de drogue… aux portes de la résidence royale dans le Nord.
“Ce mimétisme est plus fort aujourd’hui parce que le roi est plus exposé qu’avant, fait remarquer notre consultante en communication. Il ne faut pas oublier le rôle des médias dans le développement de cette M6 Mania. Le roi est bien le meilleur client médiatique du pays. Ses apparitions à la télé, en couverture des journaux et des magazines sont fréquentes. Sur Internet, ses vidéos et ses photos, même des clichés volés, se comptent par dizaines de milliers”. Les fans peuvent ainsi consulter à l’infini les instantanés de leur star préférée.
Mohammed VI fait et défait les tendances. Sa voiture, son look ou son goût pour les arts plastiques fascinent. On s’arrache les services de son joaillier ou de son traiteur. Zoom sur un véritable phénomène de société.
La scène se déroule sur une grande artère marchande, au centre de Casablanca. Le passage, au ralenti, d’une berline noire arrache des cris aigus et nerveux à un groupe de jeunes adolescentes, tout droit sorties d’un magasin de prêt-à-porter à la mode. Au volant, un homme souriant, à la barbe bien taillée et au costume impeccable : Mohammed VI. Un détail attire particulièrement l’attention de nos jeunes Casablancaises : les lunettes de soleil du monarque. “Il ne met que des Ray Ban”, affirme l’une d’entre elles, le ton assez fébrile. “Ça doit être une édition limitée”, renchérit, tout excitée, une autre qui ne lâche pas la voiture royale des yeux.
Mohammed VI poursuit ainsi sa tournée quotidienne dans la métropole, arrachant, au hasard des ruelles et des grands boulevards, des commentaires sur la marque de sa voiture, la couleur de sa chemise, son téléphone portable ou sa coupe de cheveux. “En marketing, le roi est ce qu’on appelle un trend-setter ou initiateur de tendances. Il suffit qu’il touche à un objet pour que la majorité le désire et fasse tout pour l’obtenir”, analyse une consultante en communication.
A la naissance de Lalla Khadija par exemple, Mohammed VI avait choisi de poser avec une tenue traditionnelle verte, assez peu conformiste. “Croyez-le ou pas, cela a été suffisant pour remettre cette couleur au goût du jour, raconte cette styliste casablancaise, spécialisée dans la haute couture traditionnelle. A la base, ce vert était effectivement utilisé pour les caftans masculins mais il est tombé dans l’oubli depuis quelques années. Immédiatement après la naissance de Lalla Khadija, j’ai reçu plusieurs commandes pour la réalisation de tenues identiques à celle du roi”.
Mode royale pour tous
Mimétisme ? Certainement, mais il n’y a pas que cela. Le besoin d’identification est très fort dans les sociétés de consommation comme la nôtre. Chacun a forcément une star de cinéma, un footballeur, une figure historique ou un grand patron à qui il veut ressembler. En l’absence d’un véritable star system marocain, le roi, charismatique et populaire, reste donc un vecteur de tendances très important.
On ne compte d’ailleurs plus les modes initiées par le monarque : jet-ski, arts plastiques, voitures, etc. A chaque fois, il a été le premier à adopter un hobby ou un look avant que cela ne devienne une mode plus ou moins populaire. Et c’est là un autre aspect du phénomène. “Les tendances royales ne sont pas toutes réservées aux plus riches. On trouve souvent le moyen de les adapter en fonction des bourses des uns et des autres”, nous explique ce sociologue. Se coiffer comme Mohammed VI est par exemple à la portée de tout le monde. Des répliques chinoises de ses lunettes de soleil sont vendues à moins de 100 dirhams sur les étalages informels de Rabat et de Casablanca. Et même si tout le monde ne peut pas se payer un jet-ski, ces gros bolides des mers se louent désormais à la demi-heure sur les principales plages du pays.
Se pose alors une question : imiter le roi est-il normal ? Imite-t-on Mohammed VI comme on le faisait avec Hassan II par exemple ? La question fait sourire ce vieil homme politique aujourd’hui à la retraite : “Imiter Hassan II pouvait se révéler dangereux. Très peu de gens s’y risquaient d’ailleurs”. L’anecdote dont il nous fait part est à ce propos particulièrement édifiante. Rendant visite à l’un de ses proches collaborateurs, alité et gravement malade, le défunt monarque est surpris par le faste dans lequel vit ce dernier. En le quittant, il aura cette phrase assassine : “Si tu n’étais pas malade, je t’aurais confisqué ce palais”.
Un roi plus accessible
Avec Mohammed VI, les règles du jeu changent en profondeur. Le roi semble plus proche de son peuple, plus accessible. Ses goûts sont également plus simples, limite populaires. Aux compositions musicales sophistiquées, il dit préférer Jonnhy Hallyday et le R’n’B dans l’air du temps. Il ne vit pas dans des palais, mais dans des résidences privées et des villas assez intimistes. Il conduit lui-même sa voiture et pratique le jet-ski plutôt que le golf ou l’équitation. “Lui ressembler ne semble donc pas impossible. Certains grands patrons pourraient même considérer être aussi bien logés que lui et rouler dans des voitures aussi luxueuses”, analyse notre sociologue.
Mohammed VI a l’âge de ces fameux quadras qui dirigent aujourd’hui le pays. L’identification est donc plus forte. Le risque de dérapage l’est tout autant. Au début des années 2000 par exemple, Mounir Erramach, un narcotrafiquant connu dans la région de Tétouan, a poussé très loin l’imitation de Mohammed VI, son idole. L’homme se faisait escorter dans tous ses déplacements par des berlines noires. Dès qu’il apprenait que le roi avait un nouveau jet-ski, il se faisait livrer le même et venait parader au large de M’diq. La légende dit même qu’il se faisait appeler Mohammed VII. Ce n’est pourtant pas ce mimétisme qui l’a perdu, mais une banale course-poursuite entre dealers de drogue… aux portes de la résidence royale dans le Nord.
“Ce mimétisme est plus fort aujourd’hui parce que le roi est plus exposé qu’avant, fait remarquer notre consultante en communication. Il ne faut pas oublier le rôle des médias dans le développement de cette M6 Mania. Le roi est bien le meilleur client médiatique du pays. Ses apparitions à la télé, en couverture des journaux et des magazines sont fréquentes. Sur Internet, ses vidéos et ses photos, même des clichés volés, se comptent par dizaines de milliers”. Les fans peuvent ainsi consulter à l’infini les instantanés de leur star préférée.
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