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Loin des yeux , prés du coeur

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    Par Ahmed R. Benchemsi
    Loin des yeux, près du cœur
    Ahmed R. Benchemsi
    (ALEX DUPEYRON)

    Quand El Himma est là, tout tourne autour de lui.
    Et quand il n’est pas là, tout tourne autour de son absence…


    Les instances dirigeantes du Parti authenticité et modernité (PAM) se sont réunies en conclave le week-end dernier à Tanger. Grand absent : Fouad Ali El Himma, “lider maximo” du parti, et (car) ami personnel du roi Mohammed VI. Du coup, le conclave n’avait plus qu’un seul enjeu : “Le PAM peut-il exister sans El Himma ?” Bien sûr, les cadres du parti réfutent énergiquement cette lecture. La preuve, disent-ils : le conclave était programmé depuis 3 mois. Et alors ? L’ordre du jour peut être
    changé la veille. Et de toute façon, ordre du jour ou pas, quand on assiste à une réunion générale – a fortiori si elle se tient à huis clos – on saisit l’occasion pour évoquer les problèmes de l’heure. Les gens du PAM pourront dire ce qu’ils voudront (lire en page 36), leur problème de l’heure s’appelle bien Fouad Ali El Himma.
    Pourquoi l’ami du roi et pierre angulaire du PAM a-t-il “disparu” ? Pourquoi n’a-t-il assisté, depuis février, à aucune réunion des instances du parti, qu’il a pourtant rassemblé autour de son nom ? Les moins portés sur la langue de bois répondent ceci : “Parce qu’il veut démontrer que le PAM n’existe pas seulement à travers lui”. Eh bien c’est raté, parce qu’il a démontré le contraire : quand il est là, tout tourne autour de lui, et quand il n’est pas là… tout tourne autour de son absence ! Inutile de se voiler la face : le PAM a été créé par et pour Fouad Ali El Himma. Sans lui, il n’aurait pas remporté les élections un an après sa création (!), et sans lui, il deviendrait un parti comme les autres, sujet aux hémorragies les plus aigües et luttes de clans les plus diverses. Pédagogiquement parlant, la disparition du leader ne sert à rien… sinon à déboussoler les vraies bases du parti : ces notables bien campés dans leurs fiefs régionaux, et qui ne sont là que pour faire allégeance à “Si Fouad”, et à travers lui à Mohammed VI. Quant à se doter d’un programme digne de ce nom, d’une vision d’avenir à même de satisfaire le roi… croire que les cadres du PAM y arriveront sans leur mentor relève de l’absurde.
    Non pas que ces gens n’aient rien à dire ni à proposer. Mais ils viennent d’horizons tellement différents que si leur ciment n’existe plus, ça ne peut que partir dans tous le sens. A part El Himma, qu’est-ce qui réunit les notables convaincus de faire du Basri sans Basri, les gauchistes convaincus que la démocratie n’avancera qu’en collaborant avec le Palais, et les technocrates convaincus qu’il n’y a point de salut hors du capitalisme à tout crin prôné par ce même Palais ? Avec tout ce fatras (et on en oublie bien des composantes), comment arriver à donner une définition unique au mot “modernité”, cœur du projet de société royal ? Comment, surtout, le concilier avec le mot “authenticité”, socle de la légitimité royale ? La vraie mission du PAM, je l’ai déjà écrit sur cette même page, c’est de trouver le juste dosage entre ces deux options contradictoires. Un juste dosage, de surcroît, béni par le roi. Or, qui connaît le roi personnellement, qui sait quel dosage lui conviendra ? Fouad Ali El Himma et nul autre.
    Peut-être que la vraie raison de sa disparition, c’est qu’il ne sait pas comment résoudre cette équation royale complexe. Du coup, il délègue ça à des gens… qui le savent encore moins que lui. Ça n’a aucune chance de marcher. En attendant, plus l’absence de “l’ami du roi” durera, plus les notables locaux – atout électoral n°1 du parti, comme l’ont démontré les municipales 2009 – se poseront de questions… A terme, si ça continue comme ça, ils finiront par se dire que finalement, le PAM n’est pas ce “nouveau parti de l’Etat” qu’ils croyaient. Alors ils repartiront, aussi facilement qu’ils sont venus. Alors, il n’y aura ni programme, ni victoire électorale. Et le PAM disparaîtra aussi vite qu’il est apparu. Et Fouad Ali El Himma aura tout perdu. Le mesure-t-il, enfermé dans son conclave personnel ?


    Telquel
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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