D'ici fin juillet, l'enveloppe annuelle de la compensation sera déjà épuisée ! Que va faire l'Etat ?
Publié le : 12/07/2010
En 5 mois déjà, les produits pétroliers ont «absorbé» 8,6 milliards de DH, à fin mai, sur les 14 prévus pour l'ensemble de l'année 2010.
Le pétrole brut est en recul sur les marchés, mais les prévisions de hausse de la demande chinoise inquiètent.
Un décret pour une rallonge de l'enveloppe paraît inévitable.
A moins d’un miracle, comme une chute des cours du pétrole à un niveau historiquement bas, il faudra bien trouver une rallonge budgétaire pour financer le soutien des prix de certains produits à partir du mois d’août prochain.
C’est que l’enveloppe de 14 milliards de DH dédiée à la compensation au titre de l’année 2010 est déjà consommée à plus de 61% rien que par les produits pétroliers (carburants, gaz butane et fioul). A fin mai, en effet, le soutien des produits pétroliers a coûté à la Caisse de compensation 8,6 milliards de DH, dont 5,5 milliards ont été réglés aux sociétés de distribution. En tenant compte du milliard qui va annuellement au sucre (dont 600 millions de DH déjà réglés) et d’un autre milliard pour la farine, il ne reste donc que quelque 3 milliards de DH environ, qui serviront tout juste à couvrir les charges de compensation des produits pétroliers pour les mois de juin et juillet.
A moins de laisser se cumuler les arriérés à l’égard des distributeurs -ce qui pénalise fortement leur trésorerie-, le gouvernement sera sans doute amené à prendre un décret, comme cela est déjà arrivé en août 2008, pour pouvoir payer les montants de la subvention. C’est évidemment une situation des plus désagréables, car le déficit budgétaire risque de se creuser au-delà des 4% prévus. Et cela d’autant que les recettes fiscales et non fiscales sont globalement en baisse, avec une accentuation pour les principaux impôts : -27% et -13% respectivement pour l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt sur le revenu (IR).
Cela dit, les cours du pétrole, ces jours-ci, ont beaucoup baissé. Le brent sur le marché londonien est en effet revenu de 75,34 dollars le 29 juin à 71,75 dollars le 6 juillet. Le 3 mai, rappelons-le, il avait atteint 89,36 dollars. Des inquiétudes sur la faiblesse de la reprise mondiale ont, ces derniers temps, allégé la pression sur les cours. Mais, ce répit ne devrait pas tarder car, selon de nombreux analystes, la demande chinoise devrait augmenter de quelque 10% au cours du deuxième semestre de cette année, pour soutenir sa croissance, boulimique en énergie. Et compte tenu de la masse volumineuse de sa consommation, les 10% de hausse sont évidemment significatifs. La remontée du dollar, ne l’oublions pas, a aussi joué dans le renchérissement de la facture pétrolière (même si le billet a quelque peu perdu de sa valeur ces derniers jours). Toujours est-il qu’à fin mai, le prix moyen de la tonne de pétrole importée avait augmenté de 63,2% à 4 689 DH par rapport aux cinq premiers mois de 2009.
Le démantèlement du système ne peut être complet et immédiat
Aujourd’hui, quelle que soit l’évolution des cours des matières premières, la réforme du système de compensation semble de plus en plus incontournable. Atteignant en 2008 un niveau sans précédent avec 32 milliards de DH, soit 5,2% du PIB (21,8% du Budget général) contre 1% en 2003 (4,4% du Budget), le soutien des prix soulage sans aucun doute une bonne partie des ménages marocains, en particulier en matière de consommation du gaz butane. Mais au-delà, il y a certainement beaucoup de choses à recadrer, comme toutes les études sur le sujet le montrent bien. Le constat est donc ancien et presque tout a été dit sur le caractère «aveugle» du système actuel qui profite aussi bien aux classes aisées qu’à celles qui ont réellement besoin de prix encadrés. Un système de ciblage de la subvention n’est pas non plus une sinécure, il a aussi ses propres travers ; il s’agit donc de choisir le moins problématique des deux ! Une évidence toutefois : pour les finances publiques, un système de ciblage est sans doute plus avantageux, et en cette période de tassement des recettes, cet avantage n’est pas des moindres. En réalité, même des mécanismes comme l’aide directe ne paraissent plus adaptés au XXIe siècle, et en tout leurs effets semblent peu significatifs sur la vie des concernés. Une politique mettant l’accent sur la santé, l’éducation, le désenclavement des zones déshéritées et, plus globalement, la mise en place d’une protection sociale renforcée, sont autant de moyens modernes d’action à même de tirer vers le haut les populations qui en bénéficient.
Il est clair cependant que le démantèlement complet et immédiat du système actuel, du moins s’agissant de certains produits comme le butane, affecterait considérablement les populations pauvres et vulnérables. La réforme est donc nécessairement progressive, conduite étape par étape.
En attendant, et sauf si le marché continue de se calmer, il faudra trouver l’argent manquant pour boucler l’année !
La vie éco
Salah Agueniou
Publié le : 12/07/2010
En 5 mois déjà, les produits pétroliers ont «absorbé» 8,6 milliards de DH, à fin mai, sur les 14 prévus pour l'ensemble de l'année 2010.
Le pétrole brut est en recul sur les marchés, mais les prévisions de hausse de la demande chinoise inquiètent.
Un décret pour une rallonge de l'enveloppe paraît inévitable.
A moins d’un miracle, comme une chute des cours du pétrole à un niveau historiquement bas, il faudra bien trouver une rallonge budgétaire pour financer le soutien des prix de certains produits à partir du mois d’août prochain.
C’est que l’enveloppe de 14 milliards de DH dédiée à la compensation au titre de l’année 2010 est déjà consommée à plus de 61% rien que par les produits pétroliers (carburants, gaz butane et fioul). A fin mai, en effet, le soutien des produits pétroliers a coûté à la Caisse de compensation 8,6 milliards de DH, dont 5,5 milliards ont été réglés aux sociétés de distribution. En tenant compte du milliard qui va annuellement au sucre (dont 600 millions de DH déjà réglés) et d’un autre milliard pour la farine, il ne reste donc que quelque 3 milliards de DH environ, qui serviront tout juste à couvrir les charges de compensation des produits pétroliers pour les mois de juin et juillet.
A moins de laisser se cumuler les arriérés à l’égard des distributeurs -ce qui pénalise fortement leur trésorerie-, le gouvernement sera sans doute amené à prendre un décret, comme cela est déjà arrivé en août 2008, pour pouvoir payer les montants de la subvention. C’est évidemment une situation des plus désagréables, car le déficit budgétaire risque de se creuser au-delà des 4% prévus. Et cela d’autant que les recettes fiscales et non fiscales sont globalement en baisse, avec une accentuation pour les principaux impôts : -27% et -13% respectivement pour l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt sur le revenu (IR).
Cela dit, les cours du pétrole, ces jours-ci, ont beaucoup baissé. Le brent sur le marché londonien est en effet revenu de 75,34 dollars le 29 juin à 71,75 dollars le 6 juillet. Le 3 mai, rappelons-le, il avait atteint 89,36 dollars. Des inquiétudes sur la faiblesse de la reprise mondiale ont, ces derniers temps, allégé la pression sur les cours. Mais, ce répit ne devrait pas tarder car, selon de nombreux analystes, la demande chinoise devrait augmenter de quelque 10% au cours du deuxième semestre de cette année, pour soutenir sa croissance, boulimique en énergie. Et compte tenu de la masse volumineuse de sa consommation, les 10% de hausse sont évidemment significatifs. La remontée du dollar, ne l’oublions pas, a aussi joué dans le renchérissement de la facture pétrolière (même si le billet a quelque peu perdu de sa valeur ces derniers jours). Toujours est-il qu’à fin mai, le prix moyen de la tonne de pétrole importée avait augmenté de 63,2% à 4 689 DH par rapport aux cinq premiers mois de 2009.
Le démantèlement du système ne peut être complet et immédiat
Aujourd’hui, quelle que soit l’évolution des cours des matières premières, la réforme du système de compensation semble de plus en plus incontournable. Atteignant en 2008 un niveau sans précédent avec 32 milliards de DH, soit 5,2% du PIB (21,8% du Budget général) contre 1% en 2003 (4,4% du Budget), le soutien des prix soulage sans aucun doute une bonne partie des ménages marocains, en particulier en matière de consommation du gaz butane. Mais au-delà, il y a certainement beaucoup de choses à recadrer, comme toutes les études sur le sujet le montrent bien. Le constat est donc ancien et presque tout a été dit sur le caractère «aveugle» du système actuel qui profite aussi bien aux classes aisées qu’à celles qui ont réellement besoin de prix encadrés. Un système de ciblage de la subvention n’est pas non plus une sinécure, il a aussi ses propres travers ; il s’agit donc de choisir le moins problématique des deux ! Une évidence toutefois : pour les finances publiques, un système de ciblage est sans doute plus avantageux, et en cette période de tassement des recettes, cet avantage n’est pas des moindres. En réalité, même des mécanismes comme l’aide directe ne paraissent plus adaptés au XXIe siècle, et en tout leurs effets semblent peu significatifs sur la vie des concernés. Une politique mettant l’accent sur la santé, l’éducation, le désenclavement des zones déshéritées et, plus globalement, la mise en place d’une protection sociale renforcée, sont autant de moyens modernes d’action à même de tirer vers le haut les populations qui en bénéficient.
Il est clair cependant que le démantèlement complet et immédiat du système actuel, du moins s’agissant de certains produits comme le butane, affecterait considérablement les populations pauvres et vulnérables. La réforme est donc nécessairement progressive, conduite étape par étape.
En attendant, et sauf si le marché continue de se calmer, il faudra trouver l’argent manquant pour boucler l’année !
La vie éco
Salah Agueniou
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