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Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique ?

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  • Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique ?

    17 juillet 2010

    La fondation Abderrahim Bouabid, a présenté Samedi 17 Juillet 2010 une étude économique de son « Cercle d’Analyse Economique CAE » intitulée : « Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique ? ».


    Quelques grandes lignes du rapport:

    Le progrès économique nécessite inexorablement le débat, la transparence sur les motifs de prise de décision et une liberté d’accès à l’information. Sur tous ces points, le Maroc accuse un retard considérable.

    (a) Les progrès réalisés au cours de la décennie passée sont réels. Cependant ils sont à nuancer car la base de comparaison, à savoir les années 90, est trompeuse. Du point de vue de la croissance, le Maroc était à son plus bas niveau historique depuis l’indépendance à la fin des années 90; ainsi il est aisé de mettre en avant les progrès du Maroc après cette date.

    (b) Contrairement au climat d’autosatisfaction prévalent, si le Maroc a bel et bien crû plus rapidement depuis 2002-2003, cela s’est fait dans une conjoncture extérieure très favorable et avec l’aide de conditions pluviométriques clémentes. Une rapide comparaison avec la performance d’autres pays émergents remet les choses en perspective : le Maroc a plutôt moins profité de la forte période de croissance mondiale entre 2002 et 2008 et, à plusieurs égards, a été moins performant que ses concurrents (y compris en termes de croissance, d’attractivité d’investissements étrangers…etc.).

    (c) Les indicateurs internationaux, pour contestables qu’ils puissent être, sont relativement unanimes : le Maroc n’a pas réalisé de progrès significatifs dans la plupart des classements. En tant que tel, cela n’est pas un problème étant donné les méthodologies de ces travaux, mais cela indique ;

    (d) Le Maroc ne peut construire sa stratégie de développement économique sur les seuls secteurs du tourisme, de l’immobilier et de l’infrastructure. L’immobilier est un secteur improductif qui introduit des distorsions spéculatives et inflationnistes potentiellement graves dans l’économie, et induits des effets négatifs tels la désindustrialisation et une augmentation des prix des biens non échangeables. L’argument social est peu recevable, car s’il est évident qu’une politique de logement social volontariste est une composante clé de toute politique sociale digne de ce nom, il y a d’autres moyens d’aboutir à des résultats meilleurs et à moindre coût. Concernant le tourisme, s’il s’agit là d’un secteur économique à part entière qui mérite d’être encore plus développé, il ne peut à lui seul être le moteur de croissance que certains s’imaginent. Il faut aussi réaliser qu’une économie trop dépendante du tourisme court le risque d’une spécialisation prématurée irréversible. Quant à l’infrastructure, il s’agit là d’une condition nécessaire mais non suffisante à la croissance : il y a beaucoup à faire encore en la matière, mais il faut s’astreindre à rationaliser les dépenses d’infrastructure (et notamment faire les arbitrages qui s’imposent au regard du retard social du Maroc), éviter les éléphants blancs, mais en aucun cas, il ne faut se faire d’illusions : s’il suffisait de construire des routes, des ports, des aéroports et de bétonner à tout va pour devenir un pays à fort niveau de développement, cela ce saurait…

    Au total, et malgré encore une fois l’amélioration enregistrée, la croissance marocaine demeure en deçà des niveaux nécessaires pour assurer le décollage économique du pays et lui permettre de rejoindre le club des pays à revenus intermédiaires en l’espace d’une génération. Pour ce faire, le Maroc devrait enregistrer en moyenne une croissance de son PIB/habitant en termes réels de l’ordre de 5%-7% par an, soit en termes de croissance et en supposant un taux stable d’accroissement de la population de 1%, réussir une croissance moyenne en termes réels de 6% à 8% en moyenne. Force est de reconnaître que nous sommes encore loin du compte.

    Nous ne pouvons donc que conclure que le Maroc n’a pas de stratégie de développement économique visible ou évidente. Bien que de nombreux » plans stratégiques « , politiques sectorielles soient mis en place, il est difficile de trouver des éléments tangibles et factuels soutenant la thèse qu’il existe bel et bien une stratégie économique cohérente. Certes, il faut saluer les efforts faits par certains des nouveaux décideurs publics – un certain nombre d’entre eux déployant des efforts démesurés et très probablement sincères pour mettre en oeuvre leurs actions. Hélas, l’important demeure le résultat et non l’action : malgré nos dépenses d’énergie et d’argent, le recours aux cabinets de conseil étrangers, l’arrivée d’une nouvelle génération de » managers » publics formés aux meilleures écoles académiques et professionnelles, sur la dernière décennie, nous avons » fait » moins bien en matière de croissance que la Tunisie, l’Egypte, ou la Jordanie, sans parler bien entendu des pays asiatiques ou mêmes de certains pays d’Amérique Latine… Et encore hélas, les dernières prévisions de croissance à moyen terme du FMI nous placent encore parmi les pays les moins performants en termes de croissance à court terme dans la région

    Source : Extrait d'une étude du Cercle d’Analyse Economique CAE

    * Les membres de ce cercle CAE sont : Fouad Abdelmoumni Najib Akesbi Omar Balafrej Ali Bouabid Amine Bouabid Yasser Charafi Khalid Elhariry Kamal El Mesbahi Najib Guedira Driss Rachidi Omar Rharbaoui Karim Tazi

  • #2
    Je rejoins la fondation Bouabid quant à l'aspect de rationalisation des ressources, avec l'allusion faite au TGV.

    Avec autant d'argent .. on aurait pu parfaire le transport urbain à Casablanca (deux lignes de RER, dont une sur le tracés existant (.., ain sbaa, casa voyageur, oasis, et l'autre via tunnel depuis casa port .., 4 lignes de tramway).
    C'est cela rendre sa capitale économique attractive.

    Pour le reste, je trouve le diagnostic un peu sévère faisant l'impasse sur le secteur industrielle et les services autres que le tourisme.

    C'est peu ce qui a été fait .. oui je concède.

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    • #3
      Quelques autres extraits

      Alors ? Quelles sont les causes profondes qui empêchent le développement d’une stratégie économique cohérente qui permettrait de nous catapulter vers un autre palier de croissance ? En ligne avec la science économique du développement, nous examinons les déterminants profonds de la croissance qui sont aujourd’hui par les économistes du développement traitant ces questions fondamentales : (a) la géographie (l’idée étant que les ressources naturelles d’un pays, son climat et sa localisation géographique sont des déterminants de sa croissance) ; (b) l’ouverture économique (la tradition économique néo-classique met en avant le rôle du commerce comme un facteur de développement); et (c) les institutions (au sens des déterminants des règles du jeu économique).

      108. Dans le cas du Maroc, les facteurs géographie et ouverture économique sont à éliminer car le Maroc a une position géographique d’exception et a fait le choix d’une économie de marché ouverte avec moults accords de libre échange déjà signés (le Maroc est à 13 km de l’Espagne qui est un pays riche et industrialisé – malgré ses difficultés actuelles –, et il est difficile d’argumenter que le Maroc est un pays peu intégré dans les flux d’échanges mondiaux). Restent donc les institutions…

      109. Et en matière institutionnelle (au sens large du terme), force est de reconnaître que le Maroc soufre de carences majeures. La thèse que ce rapport soutient est que l’absence d’une stratégie de développement économique dont le Maroc pâtit est due à deux contraintes majeures, des » méta-contraintes « : (a) un système de gouvernance économique structurellement déficient; (b) l’analphabétisme économique des décideurs économiques – ou de certains d’entre eux en tous cas.

      110. La gouvernance économique déficiente se caractérise par : (a) un fonctionnement en » mode dégradé » des contrôles usuels qui existent ou devraient dans le système de gouvernance marocain – Parlement, Cour des Comptes, administration…etc ; (b) de plus en plus hélas, par une circonvention pure et simple de ces contrôles; (c) par la prise de décisions servant sciemment des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général; et (d) par l’absence pure et simple des instruments de base qui caractérisent un système de gouvernance fonctionnel – par exemple, des instances d’évaluation rigoureuse, ou des instances de vérification a priori qui pourraient éviter l’adoption et la mise en oeuvre irréfléchie de stratégies commandées à des cabinets de conseil.

      111. L’analphabétisme économique lui se caractérise par la prise de décisions en toute bonne foi, mais sans le recul et le discernement économique nécessaire. Ainsi, il est possible d’ignorer, en toute bonne conscience et sincérité, les enseignements et les leçons de l’expérience économique. Il est ainsi fréquent de croiser des hauts commis de l’Etat manquant d’une culture économique de base : il leur est ainsi difficile de considérer différentes perspectives et de poser les bonnes questions avant l’adoption d’une politique publique donnée. C’est ainsi par exemple que peu de personnes se souviennent des risques associés à une expansion non contrôlée des entreprises publiques ou des risques associés à la formation de bulles spéculatives, etc.

      112. Bien entendu, nous ne questionnons pas les hommes, mais un système de gouvernance économique : c’est la structure et l’organisation du système politique marocain qui, à notre sens, piège le Maroc dans un équilibre sous-optimal. Et c’est cela qui pousse les décideurs économiques vers les deux écueils connus de la politique publique : (a) le refus de la décision politique au sens noble du terme – pas de réformes politiques majeures à quelques exceptions près, mais des » plans stratégiques « ; et (b) la tentation de la verticalité sectorielle au détriment de la transversalité multisectorielle.

      113. Ce système n’est aujourd’hui propice ni à faire émerger les consensus économiques (et par extension sociaux) nécessaires, ni à faire les arbitrages requis par l’intérêt général (parfois douloureux), ni à établir les systèmes de contrôle ex ante et ex post indissociables de la pratique moderne de l’action publique, ni à développer les mécanismes de coordination et de transversalité nécessaire, ni à développer les cultures de responsabilité, de transparence et de débat essentielles pour moderniser un pays. Tous ces éléments sont consubstantiels à une stratégie de développement économique volontaire et à la conduite rigoureuse des politiques économiques publiques. Et c’est en ce sens que le déficit de démocratie dont souffre le Maroc se paie au prix fort en matière économique : non pas qu’une évolution vers une démocratisation complète soit la recette magique qui résoudrait tous nos problèmes économiques, mais c’est le seul instrument à notre disposition pour définir, créer le consensus, faire les arbitrages nécessaires et mettre en oeuvre les axes prioritaires du développement économique du pays à moyen terme (le Maroc ayant rejeté l’option du retour en arrière autocratique).

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      • #4
        jawzia : sans vouloir juger de la pertinence de ce topic...

        on a pas encore fait le tour de leconomie nationale....pour soccuper de celle de nos voisins

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        • #5
          Conclusion

          En conclusion de ce travail, nous souhaitons terminer sur une note optimiste et proposer quelques pistes de réflexion pour prolonger le débat. Mais précisons d’emblée que nous n’avons pas de recettes toutes faites à donner, et ce pour une raison quasiment philosophique : loin de la tentation technocratique, nous partons d’un principe de modestie bien établi maintenant en économie du développement. Le développement est un processus d’apprentissage et de construction institutionnelle. Personne aujourd’hui ne peut prétendre détenir la clé du développement économique du Maroc, car cette clé est détenue collectivement par les Marocains, leur classe politique, et leurs dirigeants économiques et administratifs.

          115. En effet, le développement économique et social ne se décrète pas, n’est pas un problème » technique » qui se résout. Au contraire, et nous appuyant sur les avancées économiques modernes, l’objectif des dirigeants économiques publics doit être avant tout d’identifier les priorités et de faire émerger le consensus nécessaire autour de ces priorités (et bien entendu autour des moyens nécessaires). Le but des politiques publiques réussies n’est pas de trouver la » solution » à un instant » t » à un problème donné : c’est au contraire de construire les institutions et les mécanismes qui pourront trouver à tout moment les solutions aux problèmes actuels et futurs qui ne manqueront pas de se présenter. En un mot, le développement est un processus, et non une série de solutions » techniques « , qui vise à munir les peuples des moyens (les institutions) nécessaires pour qu’ils soient en mesure de résoudre les problèmes auxquels ils sont et seront confrontés. Et c’est pourquoi, il faut se méfier des tentation simplistes telles que la tentation technocratique (car un technocrate est, par définition, un homme seul et donc un » impuissant politique » lorsque son travail fondamentalement est un travail de prise de décision politique), ou la tentation du contournement des obstacles (s’il est légitime de séquencer les problèmes, d’être fin tacticien par moments dans le traitement politique des questions de fond, il est moins acceptable de refuser de traiter les problèmes) ou encore la tentation de l’activisme et du mouvement (car il faut trouver l’équilibre nécessaire entre action et réflexion) ou enfin, la tentation de la verticalité dans la conduite des politiques publiques (car si une action sectorielle est souvent nécessaire, il est rare qu’elle ne nécessite pas, en complément, une action transverse).

          116. Il est ainsi possible d’être optimiste aujourd’hui : les deux méta-contraintes que nous identifions comme la cause profonde de nos maux en deuxième partie de cette contribution, ne sont pas si difficiles que cela à lever, au moins partiellement et de manière effective. En effet, le Maroc avance et progresse malgré tout comme l’attestent certains succès dont nous pouvons nous prévaloir dans le domaine économique, comme par exemple la stabilité des fondamentaux macro-économiques, la bonne tenue de notre secteur touristique, ou encore l’émergence et le développement d’entreprises marocaines » leader » (que ce soit dans le secteur bancaire, industriel ou des technologies de l’information).

          117. Ainsi, il est aujourd’hui possible d’envisager, des manières progressives de lever partiellement les méta-contraintes que nous évoquons : a minima, il serait possible d’exiger la transparence sur tous les « plans » qui sont mis en oeuvre; il serait possible d’envisager que les responsables gouvernementaux exercent plus complètement leurs prérogatives; il serait possible d’imaginer un processus par lequel un débat est organisé sur les grandes orientations économiques avant qu’elles ne soient figées dans un contrat programme signé devant le roi; il serait possible d’exiger des dirigeants économiques d’inclure des indicateurs d’impact appropriés et des outils de mesure de la réussite de leurs plans avant que ceux-ci ne soient mis en oeuvre; il serait possible d’envisager la création d’une institution de vérification et d’analyse contradictoire des » plans » proposés ou des politiques publiques envisagées (à l’exemple un peu du Congressional Budget Office aux états-Unis) avant que celles-ci ne soient mises en place; il serait possible de créer une instance rigoureusement indépendante d’évaluation des politiques publiques qui, de manière impartiale et en toute transparence, évaluerait les politiques publiques et publierait les résultats de ces évaluations, etc.

          118. Comme on peut le constater, les pistes ne manquent pas, à commencer par un effort supplémentaire de transparence et d’acceptation du débat contradictoire d’idées, car « il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir au gouvernement d’un Etat ». C’est dans cette perspective que s’inscrit cette contribution
          Dernière modification par jawzia, 21 juillet 2010, 22h16.

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          • #6
            Excellente analyse qui répond sans détour à bien des polémiques que ce forum à vu passer

            Point de vue sur le Rapport de la Fondation Abderrahim Bouabid : Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique?


            Un rapport sans concession, et qui met le doigt sur un “mythe” qu’entretiennent les organes officiels au Maroc : “le pays connait un boom sans précédent”, au point que l’on commence à parler du Maroc comme un pays émergent et non comme un pays en voie de développement.
            Les “nihilistes” du Cercle d’Analyse Économique de la Fondation Abderrahim Bouabid se sont intéresses à une question simple : “Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique”.

            L’approche consiste à discuter de l’existence d’une stratégie de développement économique qui permettrait au Maroc de croitre à un rythme tel qu’en l’espace d’une génération notre pays puisse devenir un pays à revenu intermédiaire et à niveau de développement humain élevé.

            Au niveau de la croissance du PIB, la rhétorique officielle affirme que le Maroc a réalisé un taux de croissance exceptionnel sur la dernière décennie. Sauf que les choses devraient être relativisées : on compare les niveaux de croissance actuels à ceux de la décennie 90, qui est selon les auteurs du rapport “une décennie perdue pour le Maroc” : sortie difficile du plan d’ajustement structure, croissance molle, faible investissement public…

            Deuxième élément, si on se compare à des pays voisins ou à économies comparables, le Maroc a fait moins bien que ses concurrents. Ensuite, le pays a connu un niveau de pluviométrie qui a permis au PIB agricole de croitre à des niveaux exceptionnels. Sauf que la dépendance de l’économie marocaine à la pluie reste forte, et cela se ressent bien lors des années de sècheresse…

            Autre point: personne n’a jamais osé définir un seuil minimal de croissance du PIB, en dessous duquel le tissu économique ne pourrait pas absorber le flux des nouveaux entrants sur le marché du travail. Ce seuil est par exemple de 8% en Chine, alors qu’actuellement un taux de croissance de 3% dans un pays européen relèverait du miracle. Tout est relatif donc…

            Autre “mythe” soutenu par la propagande officielle : le niveau des investissements directs étrangers au Maroc est élevé. Certes, il s’est amélioré pendant les dernières années, mais on est loin de faire aussi bien que nos voisins et concurrents. Le Maroc a surtout bénéficié d’un flux global d’investissements dans une économie mondialisée, et la croissance des IDE est difficilement imputable à une quelconque politique de développement économique. La conjoncture économique mondiale a été très favorable aux investisseurs étrangers (ceux du Golfe entre autres…) qui étaient prêts à investir dans des pays plus “risqués” comme le Maroc. Sauf que ces investissements se sont surtout concentrés dans les secteurs de l’immobilier et du tourisme…

            Le rapport passe également en revue les faibles gains de productivité du Maroc, le déficit alarmant de la balance commerciale, et le faible niveau de diversification et de valeur ajoutée des exportations marocaines (phosphates, textile et produits agricoles).

            Les auteurs soutiennent que l’effort d’investissement dans le triptyque du béton (tourisme, immobilier et infrastructure) ne peut seul justifier de l’existence d’une politique de développement économique. Le tourisme reste un secteur important dans l’économie marocaine, mais sa proportion devient alarmante : 8,2% du PIB, contre 3,8% en Espagne, pourtant première destination touristique au Monde. Or, le tourisme reste un secteur très sensible à la conjoncture internationale, et il suffirait d’un incident sécuritaire dans la région pour faire fuir des milliers de touristes…

            Quant à l’immobilier, les auteurs du rapport rappèlent que c’est un secteur improductif par excellence. Si on exclut la dimension sociale du secteur, l’immobilier résidentiel ne produit absolument rien pour l’économie. Il entraine au contraire, la formation de bulles spéculatives nuisibles à d’autres secteurs. Quant aux chantiers d’infrastructure dont se vantent tant nos officiels, les auteurs rappèlent qu’ils sont une condition nécessaire pour le développement, mais loin d’être suffisante. Ils rappèlent à cet effet, les investissements massifs en infrastructures qu’avait connu l’Afrique pendant les années 70 (les fameux éléphants blancs), mais qui sont restés sous utilisés faute de tissu économique structuré. Autre critique concernant ces chantiers d’infrastructure : peu d’entre eux sont soumis à des études élémentaires de “coût-bénéfices”, et on parle très peu de taux de rentabilité interne de ces projets. L’exemple le plus flagrant demeure celui du TGV…

            Pour résumer le tout, les auteurs de rapport se sont rendus à l’évidence que le Maroc ne dispose pas d’une stratégie globale. Les performances économiques des années 2000 restent largement dues à une conjoncture internationale favorable et une pluviométrie satisfaisante, mais nous n’en avons pas profité autant que nos concurrents.

            Ensuite les membres du Cercle d’Analyse Économique de la FAB se sont penchés sur les causes de cette croissance insuffisante, et en ont identifié deux principales causes :

            1. le système politique du pays, et
            2. l’analphabétisme économique des dirigeants.

            L’organisation politique du pays est très défavorable au développement économique car le pays est bloqué dans “une sorte d’équilibre politique stable de bas niveau qui ne permet pas de bénéficier pleinement ni des avantages économiques de la démocratie, ni ceux de l’autocratie”. Le système électoral marocain favorise des coalitions hétéroclites au détriment de la cohérence. Le premier ministre se retrouve ainsi dans l’obligation de rassembler des partis politiques aux orientations parfois divergentes dans un même gouvernement, afin d’avoir une majorité gouvernementale. Ceci entraine une nécessité de consensus dans beaucoup de dossiers, or il est souvent nécessaire d’avoir un courage politique et d’arbitrer entre des mesures parfois contradictoires… Les auteurs du rapport évoquent ensuite la multiplicité des acteurs publics non gouvernementaux et qui échappent à tout contrôle gouvernemental ou parlementaire. On ne compte plus le nombre d’agences publiques qui reportent de facto au roi. Comment coordonner une action gouvernementale et définir une stratégie globale dans ces conditions?

            Le deuxième point bloquant est celui de l’analphabétisme économique des dirigeants. Les auteurs soutiennent que l’apport de la science économique en matière de gouvernance est déconsidéré. Très peu de projets sont évalués selon leur rapport “coût-bénéfice” ou selon leur taux de rentabilité, et encore moins en étudiant les alternatives possibles. Les exemples d’échecs sont nombreux : le plan de création d’entreprises Moukawalati, le premier plan Emergence, l’importance démesurée accordée à l’infrastructure…

            Le pire c’est qu’il semble qu’on n’a pas du tout retenu les leçons du passé et qu’on continue de confier l’élaboration complète des stratégies sectorielles à des cabinets de conseils (3000€/jour/consultant junior) sans définir clairement leur mission, et sans aucune transparence vis-à-vis des parties prenantes. Le rapport évoque la formation de la plupart des dirigeants des entités publiques. Leur grande majorité sont des ingénieurs, et très peu ont une solide formation économique. Les auteurs donnent pour exemple les concepteurs du Plan Real (qui a constitué le pilier de la politique du président brésilien Da Silva) qui sont tous des PhD en économie des meilleures universités américaines.

            En conclusion, les auteurs réclament plus de transparence sur les politiques publiques mises en œuvre, d’envisager que les responsables gouvernementaux exercent complètement leurs prérogatives, d’imaginer un processus formel permettant d’organiser des débats sur les grandes orientations économiques avant qu’elles ne soient figées dans un contrat programme, et d’exiger des dirigeants économiques d’inclure des indicateurs d’impact appropriés et des outils d’évaluation rigoureux de leurs politiques publiques.

            Ce rapport est somme toute un retour à une tradition de gauche au Maroc : pointer du doigt ce qui ne tourne pas rond au Maroc, et apporter quelques éléments de réponse. Chose qui a été vraisemblablement oubliée par les ténors de la gauche marocaine pendant cette dernière décennie. Peut-être parce qu’ils ont été d’une manière ou d’une autre soudoyés par le pouvoir…

            Petit reproche à la Fondation Abderrahim Bouabid : il aurait été plus bénéfique de publier également une version arabe, afin que sa diffusion ne soit pas réduite à une petite élite francophone. Et vivement le prochain rapport!

            Omar Elhayani
            Dernière modification par jawzia, 27 août 2010, 03h04.

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            • #7
              Hamadoulah ta souligner que c'est un point de vue, Bravo.

              Sinon je suis d'accord que pour un bon plan et une politique économique viable, elle doit être fondé sur le dialogue et le débat.
              Puisque la haine ne cessera jamais avec la haine, la haine cessera avec l'amour.

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              • #8
                Excellente analyse ...
                Opinion partagée ,n'en déplaise à ....Zouheir Yata !

                Commentaire


                • #9
                  Je ne suis pas spécialiste en économie mais il y a des questions qui se posent d'elles meme:

                  1) Avant de se lancer dans une politique de développement de ce genre, pourquoi l'état n'a pas rassembler les meilleurs économistes marocains et on leur donne la mission de faire un plan général bien étudier pour une politique du développement d'avenir du pays, une vraie stratégie qui évoluera bien sur au fur et a mesure. Ils s'occuperont du premier plan et meme de son suivie par exemple. Sinon et comme ces décisions ont étaient prises par je ne sais qui, pourquoi ils ont vraiment pas l'air efficaces, sachant que les conseillers qui entourent le Roi sont former par des grandes écoles étrangères! ou se situe le problème, sur quel niveau, dans leur formations? dans les personnes meme?!

                  2) A propos de cette analyse de ce groupe d'économistes, pourquoi ils ne donnent pas leur plan? pourquoi ils critiquent, mais ils donnent pas leur propre vision et plan concernant le maroc. C'est facile de démonter une stratégie déja ambigue mais l'innovation la vraie c'est de donner ce qui est meilleur et c'est ca qui est le plus difficile et le vrai travail sur lequel doivent se pencher ces chercheurs. A la fin ils n'ont rien donner de concret a part des formules philosophiques de tactique et stratégie etc...!

                  Commentaire


                  • #10
                    2) A propos de cette analyse de ce groupe d'économistes, pourquoi ils ne donnent pas leur plan? pourquoi ils critiquent, mais ils donnent pas leur propre vision et plan concernant le maroc
                    quand on est socialiste, on se contente de critiquer, et surtout ne rien proposer!

                    Commentaire


                    • #11
                      pourquoi ils ne donnent pas leur plan? pourquoi ils critiquent, mais ils donnent pas leur propre vision et plan concernant le maroc.
                      les 10 dernières pages du rapport
                      En conclusion de ce travail, nous souhaitons terminer sur une note optimiste et proposer quelques pistes de réflexion pour prolonger le débat. Mais précisons d’emblée que nous n’avons pas de recettes toutes faites à donner, et ce pour une raison quasiment philosophique : loin de la tentation technocratique, nous partons d’un principe de modestie bien établi maintenant en économie du développement. Le développement est un processus d’apprentissage et de construction institutionnelle. Personne aujourd’hui ne peut prétendre détenir la clé du développement économique du Maroc, car cette clé est détenue collectivement par les Marocains, leur classe politique, et leurs dirigeants économiques et administratifs.
                      sans oublier
                      Le pire c’est qu’il semble qu’on n’a pas du tout retenu les leçons du passé et qu’on continue de confier l’élaboration complète des stratégies sectorielles à des cabinets de conseils (3000€/jour/consultant junior) sans définir clairement leur mission, et sans aucune transparence vis-à-vis des parties prenantes.

                      Commentaire


                      • #12
                        ENSTA
                        Oui mais c'est rien de concret des lignes vides faciles a formuler meme par un non économiste . Quand je parle de plan, c'est d'un vrai travail en chiffres bien étudier, s'ils pensent qu'il faut par exemple pencher vers l'industrie que le tourisme pour le maroc, qu'ils proposent comment faire: niveau investissements, financement de projets, nature de projets ciblés, nature de marchés a viser,niveau concurrence , comment former des cadres dans le domaine etc des études inspirés d'autres pays émergents chine/inde/turquie ... par exemple ou meme quelque chose de novateur propre au maroc. C'est de cela que je parle, ca aura l'air plus convainquant. Ils ont signaler qu'une bonne part d'erreur viens de la nature du système marocain de la bureaucratie etc bah qu'ils donnent aussi des solutions concrètes...qu'ils étudient un ensemble d'organismes de l'état marocain, qu'ils repèrent les erreurs et qu'ils donnent des solutions ou des alternatives.

                        Ca se voit qu'on a un vrai problème sur ce niveaux d'études meme si les cadres marocains sont former dans des grandes écoles étrangères, ils ne sont pas capables de produire de vraies stratégies comme la chine a faite par exemple par manque d'intelligence ou ils ne veulent pas travailler...parce que une vraie étude demandera beaucoup de travail, donc les décisions sont prises et personne n'est sure qu'elles seront les plus optimales pour le pays. C'est bien que le Roi bouge de ville en ville 24/24 ca donne une image d'un Roi bosseur, mais sans une vraie réflexion suivie de l'innovation et des analyses l'efficacité risque de manquer et le rendement sera minime.
                        Dernière modification par soufiane_doujda, 27 août 2010, 17h30.

                        Commentaire


                        • #13
                          quand on est socialiste, on se contente de critiquer, et surtout ne rien proposer!
                          Les socialistes n'ont rien proposés et pas fait grand chose quand ils étaient au gouvernement, contrairement au gouvernement technocratique de Jettou.

                          Le Maroc ne peut construire sa stratégie de développement économique sur les seuls secteurs du tourisme, de l’immobilier et de l’infrastructure.
                          En lisant ce passage j'ai compris que l'auteur base déjà son raisonnement sur des préjugés.

                          Les infrastructures sont obligatoires elles font parties de la politiques des grands travaux qui n'a fait que s'accélérer.

                          L'immobilier est une conséquence de l’afflux touristique est de la demande intérieur pour créer des villes satellites et décongestionner les grands centres urbains historiques.

                          Le Maroc base sont développement sur l’industrie, la logistique, le tourisme et l’agriculture.
                          Dernière modification par Black, 27 août 2010, 17h47.

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                          • #14
                            Envoyé par Black
                            gouvernement thechnocratique de Jettou.
                            On dit gouvernement technocrate
                            "Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir" (Proverbe Chinois)

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                            • #15
                              soufiane tu ne peux pas demander à un groupe de reflexion et d'analyse de prendre la place d'un gouvernement pour établir des plans et des stratégies de dvlpt. ils ont fait un travail remarquable pour pointer les points faibles et ont donné des pistes aux décideurs. ces derniers préfèrent ramener des consultants payés a 3000 euros jours

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