LES GRANDES MUTATIONS ÉNERGÉTIQUES DU MONDE
Que peut faire l’Algérie?
22 Juillet 2010
L'Expression
Nous allons perdre beaucoup en ne prenant pas le train des nouvelles mutations
«L’eau ne peut arriver aux lèvres d’un homme qui se contenterait de tendre ses paumes vers elle.» Driss Chraïbi, grand écrivain marocain
Après l’échec de Copenhague, la montée en force des «climato-sceptiques» visant à dédouaner l’homme de sa responsabilité dans les changements climatiques du fait d’une consommation débridée en énergies fossiles, après enfin la controverse sur la manipulation des données dont seraient rendus coupables les scientifiques du Giec pour rendre plus crédibles leurs conclusions, on s’aperçoit en définitive, que les grandes nations prennent sérieusement en compte la nécessité d’arriver rapidement aux énergies non carbonées. Ainsi et comme l’écrit Bertrand d’Armagnac, les énergies renouvelables continuent de gagner du terrain dans le monde. La présentation, jeudi 15 juillet, par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), des «Tendances mondiales d’investissement dans les énergies durables» montre que les investissements s’inscrivent en hausse sur le moyen terme. Le même jour, l’état des lieux dressé par le réseau mondial REN21, qui cherche à promouvoir ces énergies, confirme que «malgré les vents contraires causés par la récession économique, la baisse des prix du pétrole et l’absence d’accord international sur le climat, les renouvelables sont arrivées à tenir bon». Le montant des investissements en faveur des énergies renouvelables dans le monde en 2009 - 162 milliards de dollars est quatre fois plus élevé que celui affiché en 2004. Sur le premier semestre, 65 milliards de dollars ont été dépensés en faveur des énergies vertes, en croissance de 22% sur la même période de 2009.
«En 2009, poursuit Bertrand d’Armagnac, pour la seconde année consécutive, les dépenses pour installer de nouvelles capacités de production renouvelables (en incluant l’hydraulique), ont été supérieures à celles dédiées aux énergies fossiles. Près de 50 GW de capacité de génération d’énergie verte ont été créés dans le monde, contre 40 GW en 2008. Par ailleurs, en 2009, les renouvelables ont fourni 18% de l’électricité consommée dans le monde, d’après REN21. L’évolution des dépenses en recherche, varie selon les régions. Sur les 119 milliards dépensés hors budget de R & D, la Chine a pris la tête du classement mondial avec 33,7 milliards de dollars, en augmentation de 53%. Les Etats-Unis (17 milliards), le Royaume-Uni (11,7 milliards) et l’Espagne (10,7 milliards) suivent. L’éolien a attiré la plus grosse part de ces investissements en 2009, représentant en Europe et aux Etats-Unis 39% de la puissance nouvellement installée, tandis que la Chine a doublé sa capacité éolienne avec l’addition de 18,8 GW en 2009. Sur la période 2005-2009, le rapport de REN21 montre que la puissance installée en éolien a progressé en moyenne de 27% par an.»(1)
Du côté des pays émergents, la Chine en 2008, a englouti plus de 40% du charbon consommé dans le monde. Loin devant les Etats-Unis (16%) et l’Inde (8%), selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le charbon assure aujourd’hui près de 65% de la fourniture d’énergie totale de la Chine, et 80% de son électricité. Entre 2007 et 2030, le pays pourrait être à l’origine de près de 65% de la croissance mondiale de la consommation en charbon, selon l’AIE. Des programmes ambitieux d’équipement en énergies renouvelables sont mis sur pied. Ils ont été récemment renforcés par les plans de relance adoptés pour faire face à la crise économique mondiale. Les résultats sont au rendez-vous. En 2009, la Chine s’est emparée, pour la première fois, de la première place mondiale en termes d’investissement dans les énergies renouvelables, devant les Etats-Unis. Le pays a mis en place 37 GW de capacité de production d’énergie renouvelable et augmenté sa puissance éolienne installée de 13,8 GW. Le développement du nucléaire est aussi engagé.(2)
Dans le même temps, une dépêche nous apprend que l’Europe envisage de porter de 20 à 30% la part des énergies renouvelables d’ici 2020. Comme argument: la crise économique a fortement réduit le montant de l’ardoise climatique européenne. Depuis 2008, le coût absolu de la réalisation de l’objectif de 20% est ainsi passé de 70 à 48 milliards d’euros (0,32% du PIB) par an d’ici 2020. Le coût de la réalisation de l’objectif de 30% est estimé à 81 milliards d’euros par an d’ici 2020, soit 11 milliards d’euros de plus que le montant estimé pour l’objectif de 20% il y a deux ans. De plus, l’UE compte anticiper son objectif à long terme de baisse de 80 à 95% (!) de ses émissions d’ici 2050, ce qui sous-entend que l’objectif actuel ne permet pas l’atteinte de ce but.
Enfin, la superbe prouesse technologique de l’avion solaire Solar impulse est à saluer. Après 26 heures de vol, il s’est posé sur l’aérodrome de Payerne. «Il reste encore 40% d’énergie dans les batteries, expliquait Bertrand Piccard à BFMTV. L’avion pourrait continuer à voler et charger de nouveau ses batteries.» «C’était un moment incroyable et inoubliable!», a commenté Bertrand Piccard, initiateur du projet. L’engin fin et léger pèse 1,1tonne dont 400kg pour les piles à combustible. Il reste un test à effectuer: faire voler l’avion grâce à l’énergie emmagasinée dans les batteries durant un long vol de jour par les 11.628 cellules photovoltaïques, recouvrant 200 mètres carrés sur l’extrados (la partie supérieure) des longues ailes.(3)
Le désert à la rescousse
Du côté des pays en développement, on apprend l’installation d’une centrale solaire au Maroc de I MW dans le cadre du projet solaire initié par l’Allemagne. Pour rappel, ce projet est un projet éco-énergétique de grande envergure. Il s’agit de créer un réseau interconnecté alimenté par des centrales solaires du Maroc à l’Arabie Saoudite (également relié via Gibraltar) et des câbles sous-marins à l’Europe. Il vise à la fois à répondre en grande partie aux besoins des pays producteurs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et à fournir 15% de l’électricité nécessaire à l’Europe. En théorie, chaque km2 de désert reçoit annuellement «une énergie solaire équivalente à 1,5 million de barils de pétrole». La surface totale des déserts sur la planète entière fournirait plusieurs centaines de fois l’énergie utilisée actuellement. Couvrir 0,3% des 40 millions de km2 de déserts de la planète en centrales thermiques permettrait de couvrir les besoins électriques de la planète en 2009 (18.000 TWh/an). (4)
Peter Löscher, P-DG de Siemens, dans un entretien exclusif avec Les Afriques, livre ses arguments en faveur de Desertec et, d’une manière générale, des énergies renouvelables en Afrique Certains pays concernés disposent en effet d’énormes réserves fossiles. La mise en place d’un bouquet énergétique, avec un partage significatif des énergies renouvelables, leur permettrait de conserver leur pétrole et gaz plus longtemps pour l’avenir. Des centrales solaires thermiques ont été testées et éprouvées depuis vingt ans, et des autoroutes électriques, pour transmettre de l’énergie sur de longues distances, sont pleinement opérationnelles. La technologie va certainement être améliorée et adaptée au fil des décennies..Au cours des vingt dernières années, les coûts pour un mégaWatt d’énergie éolienne à terre ont chuté de 3 millions d’euros à 1 million d’euros. Et ce n’est certainement pas la fin. (...)Je suis sûr que, globalement, l’Afrique sera l’un des grands gagnants. Le projet va considérablement renforcer l’expertise locale africaine et l’emploi.(..) L’Afrique du Nord est prédestinée pour ce projet en raison de sa position géographique: la région est un emplacement potentiel pour les éoliennes offshore d’électricité ainsi que pour les centrales thermiques solaires, et elle est proche de l’Europe.(5)
Que peut faire l’Algérie?
22 Juillet 2010
L'Expression
Nous allons perdre beaucoup en ne prenant pas le train des nouvelles mutations
«L’eau ne peut arriver aux lèvres d’un homme qui se contenterait de tendre ses paumes vers elle.» Driss Chraïbi, grand écrivain marocain
Après l’échec de Copenhague, la montée en force des «climato-sceptiques» visant à dédouaner l’homme de sa responsabilité dans les changements climatiques du fait d’une consommation débridée en énergies fossiles, après enfin la controverse sur la manipulation des données dont seraient rendus coupables les scientifiques du Giec pour rendre plus crédibles leurs conclusions, on s’aperçoit en définitive, que les grandes nations prennent sérieusement en compte la nécessité d’arriver rapidement aux énergies non carbonées. Ainsi et comme l’écrit Bertrand d’Armagnac, les énergies renouvelables continuent de gagner du terrain dans le monde. La présentation, jeudi 15 juillet, par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), des «Tendances mondiales d’investissement dans les énergies durables» montre que les investissements s’inscrivent en hausse sur le moyen terme. Le même jour, l’état des lieux dressé par le réseau mondial REN21, qui cherche à promouvoir ces énergies, confirme que «malgré les vents contraires causés par la récession économique, la baisse des prix du pétrole et l’absence d’accord international sur le climat, les renouvelables sont arrivées à tenir bon». Le montant des investissements en faveur des énergies renouvelables dans le monde en 2009 - 162 milliards de dollars est quatre fois plus élevé que celui affiché en 2004. Sur le premier semestre, 65 milliards de dollars ont été dépensés en faveur des énergies vertes, en croissance de 22% sur la même période de 2009.
«En 2009, poursuit Bertrand d’Armagnac, pour la seconde année consécutive, les dépenses pour installer de nouvelles capacités de production renouvelables (en incluant l’hydraulique), ont été supérieures à celles dédiées aux énergies fossiles. Près de 50 GW de capacité de génération d’énergie verte ont été créés dans le monde, contre 40 GW en 2008. Par ailleurs, en 2009, les renouvelables ont fourni 18% de l’électricité consommée dans le monde, d’après REN21. L’évolution des dépenses en recherche, varie selon les régions. Sur les 119 milliards dépensés hors budget de R & D, la Chine a pris la tête du classement mondial avec 33,7 milliards de dollars, en augmentation de 53%. Les Etats-Unis (17 milliards), le Royaume-Uni (11,7 milliards) et l’Espagne (10,7 milliards) suivent. L’éolien a attiré la plus grosse part de ces investissements en 2009, représentant en Europe et aux Etats-Unis 39% de la puissance nouvellement installée, tandis que la Chine a doublé sa capacité éolienne avec l’addition de 18,8 GW en 2009. Sur la période 2005-2009, le rapport de REN21 montre que la puissance installée en éolien a progressé en moyenne de 27% par an.»(1)
Du côté des pays émergents, la Chine en 2008, a englouti plus de 40% du charbon consommé dans le monde. Loin devant les Etats-Unis (16%) et l’Inde (8%), selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le charbon assure aujourd’hui près de 65% de la fourniture d’énergie totale de la Chine, et 80% de son électricité. Entre 2007 et 2030, le pays pourrait être à l’origine de près de 65% de la croissance mondiale de la consommation en charbon, selon l’AIE. Des programmes ambitieux d’équipement en énergies renouvelables sont mis sur pied. Ils ont été récemment renforcés par les plans de relance adoptés pour faire face à la crise économique mondiale. Les résultats sont au rendez-vous. En 2009, la Chine s’est emparée, pour la première fois, de la première place mondiale en termes d’investissement dans les énergies renouvelables, devant les Etats-Unis. Le pays a mis en place 37 GW de capacité de production d’énergie renouvelable et augmenté sa puissance éolienne installée de 13,8 GW. Le développement du nucléaire est aussi engagé.(2)
Dans le même temps, une dépêche nous apprend que l’Europe envisage de porter de 20 à 30% la part des énergies renouvelables d’ici 2020. Comme argument: la crise économique a fortement réduit le montant de l’ardoise climatique européenne. Depuis 2008, le coût absolu de la réalisation de l’objectif de 20% est ainsi passé de 70 à 48 milliards d’euros (0,32% du PIB) par an d’ici 2020. Le coût de la réalisation de l’objectif de 30% est estimé à 81 milliards d’euros par an d’ici 2020, soit 11 milliards d’euros de plus que le montant estimé pour l’objectif de 20% il y a deux ans. De plus, l’UE compte anticiper son objectif à long terme de baisse de 80 à 95% (!) de ses émissions d’ici 2050, ce qui sous-entend que l’objectif actuel ne permet pas l’atteinte de ce but.
Enfin, la superbe prouesse technologique de l’avion solaire Solar impulse est à saluer. Après 26 heures de vol, il s’est posé sur l’aérodrome de Payerne. «Il reste encore 40% d’énergie dans les batteries, expliquait Bertrand Piccard à BFMTV. L’avion pourrait continuer à voler et charger de nouveau ses batteries.» «C’était un moment incroyable et inoubliable!», a commenté Bertrand Piccard, initiateur du projet. L’engin fin et léger pèse 1,1tonne dont 400kg pour les piles à combustible. Il reste un test à effectuer: faire voler l’avion grâce à l’énergie emmagasinée dans les batteries durant un long vol de jour par les 11.628 cellules photovoltaïques, recouvrant 200 mètres carrés sur l’extrados (la partie supérieure) des longues ailes.(3)
Le désert à la rescousse
Du côté des pays en développement, on apprend l’installation d’une centrale solaire au Maroc de I MW dans le cadre du projet solaire initié par l’Allemagne. Pour rappel, ce projet est un projet éco-énergétique de grande envergure. Il s’agit de créer un réseau interconnecté alimenté par des centrales solaires du Maroc à l’Arabie Saoudite (également relié via Gibraltar) et des câbles sous-marins à l’Europe. Il vise à la fois à répondre en grande partie aux besoins des pays producteurs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et à fournir 15% de l’électricité nécessaire à l’Europe. En théorie, chaque km2 de désert reçoit annuellement «une énergie solaire équivalente à 1,5 million de barils de pétrole». La surface totale des déserts sur la planète entière fournirait plusieurs centaines de fois l’énergie utilisée actuellement. Couvrir 0,3% des 40 millions de km2 de déserts de la planète en centrales thermiques permettrait de couvrir les besoins électriques de la planète en 2009 (18.000 TWh/an). (4)
Peter Löscher, P-DG de Siemens, dans un entretien exclusif avec Les Afriques, livre ses arguments en faveur de Desertec et, d’une manière générale, des énergies renouvelables en Afrique Certains pays concernés disposent en effet d’énormes réserves fossiles. La mise en place d’un bouquet énergétique, avec un partage significatif des énergies renouvelables, leur permettrait de conserver leur pétrole et gaz plus longtemps pour l’avenir. Des centrales solaires thermiques ont été testées et éprouvées depuis vingt ans, et des autoroutes électriques, pour transmettre de l’énergie sur de longues distances, sont pleinement opérationnelles. La technologie va certainement être améliorée et adaptée au fil des décennies..Au cours des vingt dernières années, les coûts pour un mégaWatt d’énergie éolienne à terre ont chuté de 3 millions d’euros à 1 million d’euros. Et ce n’est certainement pas la fin. (...)Je suis sûr que, globalement, l’Afrique sera l’un des grands gagnants. Le projet va considérablement renforcer l’expertise locale africaine et l’emploi.(..) L’Afrique du Nord est prédestinée pour ce projet en raison de sa position géographique: la région est un emplacement potentiel pour les éoliennes offshore d’électricité ainsi que pour les centrales thermiques solaires, et elle est proche de l’Europe.(5)
Commentaire