Une clairvoyance tourmentée
Cet eternel rêveur toujours en quête d’absolu porte en lui en fardeau un idéal en fuite et assiste impuissant à la décomposition latente de sa langue et de sa culture.
Depuis longtemps Aït Menguellet ne cesse de flirter avec le réel mieux que d’autres voix poétiques pour invoquer l’espoir en évoquent ce qui constitue le cœur même de l’humain, l’amour de la patrie, le sens de la dignité et des valeurs authentiques ; et plus le pays semble s’effriter plus il tente de le préserver par la simple magie des mots. Il s’est aussi forgé une opinion sur l’endormissement de son peuple par une alimentation spirituelle permanente et dangereuse. A cet égard, ses réflexions et sa philosophie empreintes d’une grande sagesse nous véhiculent dans l’histoire qui se confond au présent et conditionne l’avenir.
Les œuvres d’Aït Menguellet ne peuvent appartenir à un espace contingent et un temps limité, elles débordent en amont et en aval des datations conventionnelles et jouent un rôle important à la hauteur de nos songes.
Aux premiers abords ; l’homme est de l’espèce la plus rude. Physiquement assez fort, avec des moustaches en crocs. On pourrait d’ailleurs faire toute une typologie de celle-ci à travers ses photos et ses portraits où on le voit à la fois serein et mélancolique, avec un regard triste qui alterne tour à tour intelligence et nostalgie.
Cet être simple, capable de gestes de bonté et de générosité qui lui valent d’ailleurs des dévouements inaltérables, cache tellement ses sentiments que certains le tiennent pour une nature insensible. Ce caractère ainsi sous-estimé abrite en réalité une clairvoyance tourmentée.
Au moment où ces mots sont rédigés, Lounis Aït Menguellet est proche de la soixantaine. Il commence à vieillir, ça se voit sur son visage et ses tempes grisonnantes. Il n’a plus la souplesse d’autrefois et donne l’impression d’être fatigué. Fatigué par une errance sur les chemins de la vie, à la recherche de tout ce que nous avons perdu. Fatigué de voir son peuple en perpétuelle adversité. Fatigué de ne pouvoir guérir les tragédies nationales, les tourmentes régionales et les blessures familiales. Fatigué d’avoir raison mais demeure souvent incompris. Des fatigues qui caractérisent ce poète des heurts et des malheurs, d’une région et d’un peuple martyrisés, dont la réalité est souvent plus fantastique que la fiction.
Beaucoup reste à dire et à s’écrire sur cette grandeur universelle dans une dimension locale. Le moindre est de le voir entrer dans la postérité par la grande voie royale.
Arezki HAMOUDI
Détenu de la cause berbère des années 70
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