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Tolérance zéro pour les maris violents à Douai

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  • Tolérance zéro pour les maris violents à Douai

    Depuis 2003, à Douai dans le Nord de la France, le procureur applique la tolérance zéro pour les maris violents. Dans les faits cela se traduit dans le cas d'une plainte ou d'un flagrant délit par une mise immédiate en garde à vue et éloignement du domicile conjugal durant 15 Jours. De quoi calmer les esprits et permettre de ne plus confondre sa femme avec un punching ball .

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    Elle est vêtue de noir et elle peine, malgré ses efforts, à finir ses phrases, comme si elle avait l'habitude d'être interrompue. "Depuis sa condamnation, il essaie de se retenir, raconte-t-elle au directeur de l'association d'aide aux victimes de Douai, Bruno Willeron, et à la psychologue, Virginie Alidor. Il... je ne sais pas... comment expliquer ? Il fait des efforts, mais il ne peut pas s'empêcher d'avoir des mouvements d'humeur." Elle hésite : "Si quelque chose traîne, il crie. Il s'énerve avec le petit, il lui fait faire des lignes en cas de bêtises, et il lui fait tout recommencer parce que les e, par exemple, sont mal faits. Je lui dis qu'il n'a que 6 ans, mais il s'énerve tout de suite."

    Il y a quelques semaines, son mari a été condamné pour violences conjugales par le tribunal correctionnel de Douai (Nord). Parce que le procureur, Luc Frémiot, a mis en place en 2003 une politique de tolérance zéro envers les maris violents, il a été immédiatement placé en garde à vue et éloigné du domicile familial pendant quinze jours. A Douai, sévérité et rapidité sont désormais la règle : un flagrant délit ou une plainte - la simple inscription sur le registre des mains courantes a été supprimée - entraînent systématiquement le placement en garde à vue de l'auteur des violences. Lors de son défèrement au parquet, il a ensuite le choix entre une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel - avec le risque d'être incarcéré - ou un placement de deux semaines dans un foyer pour sans-abri de la ville de Douai.

    Lorsqu'en 2003, le procureur a cherché un endroit pour éloigner les hommes violents du domicile conjugal, il a trouvé une oreille attentive chez les Compagnons de l'espoir. "Au foyer des femmes, nous voyions souvent arriver en pleine nuit des femmes battues avec des enfants qui devaient brutalement quitter leur maison, leur école et leurs copains, raconte Nicole Lopez, la directrice adjointe du foyer. L'idée de renverser cette logique et d'éloigner les maris nous a paru judicieuse. A condition que nous ne servions pas simplement de substitut à la prison : leur séjour a un but éducatif."

    Dans un petit immeuble situé non loin de la gare, ce foyer accueille une trentaine de sans-abri dans des chambres de trois ou quatre lits. Le règlement intérieur est strict : lever à 6 h 30, corvées de ménage, de cuisine et de vaisselle dans la journée, retour à 18 h 30 le soir, coucher à 23 heures. "Quand ils arrivent ici, les auteurs de violences conjugales nous disent souvent que ça leur rappelle l'armée", sourit l'éducateur du foyer, Michaël Perez.

    Le procureur de Douai admet volontiers que le placement au foyer a pour but de "créer un électrochoc". "Au début, beaucoup sont perdus, ils ne comprennent pas ce qui leur arrive, raconte Michaël Perez. Ils sortent de 24 ou 48 heures de garde à vue et ils arrivent avec les menottes, même si nous les enlevons avant qu'ils franchissent la porte d'entrée. Dans le foyer règne une vraie vie de communauté : il n'y a pas de personnel, et il faut participer aux corvées aux côtés de gens qui sont privés de tout, ou presque."

    Pendant les deux semaines qu'ils passent chez les Compagnons de l'espoir, les auteurs de violences conjugales rencontrent des éducateurs et des psychologues et sont orientés, si nécessaire, vers la consultation d'alcoologie de la ville. "Ils commencent souvent par minimiser leur geste et accuser leur femme, souligne Marie-Pier Delisle, qui assure leur suivi psychologique. Notre premier travail, c'est de leur faire prendre conscience que les violences qu'ils ont commises sont graves et qu'elles sont réprimées par la loi. Nous tentons ensuite de trouver avec eux d'autres moyens de gérer les situations de tension : savoir quitter les lieux lorsqu'ils sentent que la colère monte, par exemple."

    Au cours de leur séjour, ils doivent participer à trois groupes de parole mis en place par les services de contrôle judiciaire et d'enquêtes (SCJE). "Nous réunissons quatre ou cinq auteurs pendant une heure et demie, explique la psychologue, Virginie Alidor. Parce qu'ils ont des trajectoires un peu semblables, ils arrivent à parler ensemble de l'alcool, de la violence, du couple ou de la gestion des conflits." Les maris violents doivent également se rendre à deux entretiens individuels avec la psychologue. "Nous leur disons de profiter de leur séjour au foyer pour réfléchir avant qu'il ne soit trop tard", souligne Virginie Alidor.

    Pendant ces quinze jours, leurs femmes sont suivies, si elles le souhaitent, par l'association. "Elles sont souvent victimes d'une situation de domination économique, sociale et culturelle, précise le directeur du SCJE, Bruno Willeron. La plupart du temps, elles sont plus jeunes que leurs maris, elles ne travaillent pas, elles sont isolées, elles sont dénigrées par leur conjoint depuis des années et elles ont fini par perdre confiance en elles. Il faut du temps pour qu'elles arrivent à s'affirmer. Nous sommes là pour les accompagner pendant la procédure mais aussi après : elles savent qu'elles peuvent nous appeler à tout moment."

    Au fil des ans, la politique pénale menée à Douai a convaincu les élus : les textes récents sur les violences conjugales prônent la rapidité de la réponse judiciaire et l'éloignement, au moins temporaire, des auteurs de violences. Les parquets de Valence, Thonon-les-Bains, Amiens ou Cambrai se sont inspirés de cette expérience pour mettre en place leur politique de lutte contre les violences conjugales.

    CHIFFRES
    Selon une enquête rendue publique par la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Catherine Vautrin,

    UNE FEMME MEURT TOUS LES QUATRE JOURS
    à la suite de violences de son mari, de son compagnon ou de son "ex". Cette enquête prend en compte tous les décès liés à des violences au sein d'un couple enregistrés par les services de police et de gendarmerie en 2003-2004, soit 211 dossiers.

    DANS PRÈS DE 80 % DES CAS,
    il s'agissait d'hommes ayant tué leur femme. Parmi les femmes ayant tué leur mari, 47 % subissaient des violences. "La moitié des meurtres commis par des femmes peuvent s'interpréter comme un geste de défense face à (un conjoint)", note l'étude.

    LES DÉCÈS SONT PROPORTIONNELLEMENT PLUS NOMBREUX dans les zones urbaines du Nord, du couloir rhodanien et du Sud-Est que dans les zones rurales.

    Le phénomène n'épargne aucune tranche d'âge et touche toutes les catégories professionnelles. Dans un quart des dossiers, l'auteur comme la victime sont sans profession. L'alcool est présent dans un tiers des cas.

    Par Le Monde
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