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Le ciel africain en effervescence

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  • Le ciel africain en effervescence

    En 2010, le trafic de passagers doit augmenter de 7,4% en Afrique. © REA
    Les perspectives de croissance du continent attirent les compagnies de tous horizons, au grand dam d’Air France, qui a le plus à perdre. Une redistribution des cartes se profile dans un contexte de guerre des prix.
    L’engouement des transporteurs aériens pour le ciel africain atteint son paroxysme. Pas un mois ne s’écoule sans qu’il y ait une annonce d’inauguration de nouvelles liaisons ou de lancement d’une compagnie ayant l’Afrique comme principale cible. Début juillet, Brussels Airlines, filiale à 45 % du groupe allemand Lufthansa, ouvrait en cascade quatre nouvelles destinations en Afrique de l’Ouest (Accra, Cotonou, Lomé, Ouagadougou). Au même moment, un nouvel acteur, particulièrement discret sur ses moyens et ses actionnaires, annonçait son arrivée prochaine sur le continent. Son nom : Oxygène Afrique, une société française qui prévoit son premier vol commercial au départ de Paris pour la fin de septembre ou le début d’octobre.
    Arrivée d'un nouveau spécialiste
    Steve Bokhobza, le PDG de cette nouvelle compagnie, attend encore sa licence d’exploitation. Deux Boeing 767, repeints en gris et bleu, ont été loués auprès de la firme américaine International Lease Finance Corporation. Le premier devait être livré entre le 15 et le 30 juillet, et le second un mois plus tard. Selon le PDG, un apport de 25 millions d’euros, l’équivalent de trois mois d’activité, a été déposé à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en France.
    Le patron d’Oxygène Afrique affirme vouloir faire des liaisons entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne son cœur de métier. Il annonce pour la rentrée prochaine la desserte de cinq métropoles (Abidjan, Bamako, Conakry, Luanda et Malabo) au départ de Paris. « Le marché existe, mais la concurrence y est déjà féroce, prévient *Abderrahmane Berthé, le directeur général d’Air Mali [38 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009]. J’espère que les promoteurs de cette nouvelle compagnie auront les moyens de leurs ambitions. »
    Petit-fils d’un ancien collaborateur de l’Union des transports aériens (UTA) et d’Air Afrique, Steve Bokhobza, 38 ans, jusque-là directeur d’Airops, une société spécialisée dans les services aux compagnies aériennes sur les zones aéro*portuaires de Paris, refuse d’en dire plus sur ses partenaires. Ils viendraient d’Europe et d’Afrique. Plus précisément, peut-être, d’Angola. La jeune compagnie a en effet obtenu le droit de desservir Luanda trois fois par semaine, contre un à deux vols hebdomadaires pour Air France…
    Si le mystère entoure les actionnaires d’Oxygène Afrique, le projet représente en tout cas une menace pour les transporteurs historiques – notamment Air France-KLM –, qui voient là se développer une alternative à leur offre sur le continent. Le groupe franco*-néerlandais, leader sur les destinations africaines, est souvent accusé d’abuser de sa position dominante pour pratiquer des tarifs exorbitants. Et Oxygène Afrique compte proposer des prix jusqu’à 20 % moins élevés.
    Compétition renforcée entre transporteurs étrangers
    Offrir des tarifs compétitifs est ainsi devenu le leitmotiv des nouveaux venus dans le ciel africain. Lufthansa s’est donné cinq ans pour rattraper son retard sur ses concurrents européens grâce à son programme All eyes on Africa. Tourné pendant longtemps vers l’Europe et les États-Unis, le groupe allemand a racheté, en 2009, le belge Brussels Airlines, qui a une plus grande expérience du continent et devrait donc l’aider à atteindre cet objectif. Mais ce n’est pas tout, la compagnie allemande compte également s’appuyer sur Ethiopian Airlines, futur membre du réseau commercial Star Alliance, pour conquérir le marché africain.
    « Lorsque nous comparons les résultats des zones où nous sommes présents, nous remarquons que l’Afrique est la plus petite d’entre elles, or elle a une croissance proportionnellement plus élevée que les autres. Il nous fallait donc investir pour optimiser ce potentiel », explique Joachim Steinbach, le vice-président Europe du Sud-Est, Afrique et Moyen-Orient de Lufthansa. La compagnie allemande entend ainsi détourner une partie de la clientèle à haute contribution d’Air France sur les liaisons avec les pays producteurs de pétrole.
    Pour contrer la stratégie allemande et défendre ses destinations les plus rentables, Air France-KLM vient de convaincre Kenya Airways de rejoindre son réseau Sky Team. Selon nos informations, la compagnie française négocierait aussi son retour dans le capital d’Air Ivoire à travers une prise de participation majoritaire. Objectif : se partager l’exploitation de la ligne Paris-Abidjan.
    Presque tous les transporteurs internationaux sont engagés dans cette course, de l’américain Delta Airlines en passant par le dubaïote Emirates, partenaire de Sénégal Airlines. De son côté, « British Airways, leader dans les pays anglophones, pourrait se rapprocher d’un acteur nigérian », prédit Christian Folly-Kossi, ancien secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa).
    Cette compétition accrue devrait conduire à un remodelage de la carte aérienne du continent et « devrait profiter en premier lieu aux voyageurs parce qu’elle entraînera la baisse des prix et l’amélioration des services », estime François Hersen, le nouveau président du directoire de l’opérateur français Aigle Azur. « Encore faut-il que cette concurrence soit loyale », nuance Abderrahmane Berthé. Autrement dit, que les compagnies ne s’entendent pas entre elles pour conserver des marges importantes.
    Quelle part du gâteau pour les groupes locaux ?
    Il faut dire que le continent présente des débouchés prometteurs. « Les marchés occidentaux arrivent à maturité, et l’Asie et l’Afrique sont devenues de véritables relais de croissance. Par ailleurs, le continent africain est en plein développement et certaines régions et pays ont besoin d’être bien desservis pour soutenir leur croissance », poursuit le patron d’Aigle Azur.
    Selon l’Association internationale du transport aérien (Iata), le trafic de passagers en Afrique augmentera de 7,4 % en 2010 par rapport à 2009. Et si l’on en croit ses projections, cette croissance ne profitera pas uniquement aux compagnies étrangères, en général plus compétitives que les africaines. De fait, pour la première fois depuis 2002, les opérateurs locaux devraient revenir dans le vert, avec globalement des profits de quelque 100 millions de dollars (environ 80 millions d’euros), contre des pertes du même montant en 2009. Pour l’instant en tout cas, le dynamisme du marché profite aux ténors du continent que sont South African Airways, Ethiopian Airlines et Kenya Airways, qui poursuivent leur développement et résistent tant bien que mal à la crise internationale.
    Autre signe de bon augure : des initiatives africaines se concrétisent enfin et connaissent de réelles avancées. En janvier 2010, Asky Airlines, un vieux projet à capitaux privés, détenu à 25 % par Ethiopian Airlines, a enfin démarré. En six mois d’activité en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, les résultats sont plus que satisfaisants, selon les responsables de cette compagnie – mais aucun chiffre sur ses performances financières n’a pour l’heure été communiqué.
    Dans le même registre, Sénégal Airlines, dont le démarrage a été plusieurs fois reporté, devrait prendre son envol à l’automne, après la nomination en mai d’un directeur général, le Suisse Edgardo Badiali.
    De même, le projet d’Air Cemac, le transporteur régional d’Afrique centrale, devrait enfin aboutir, d’ici à la fin de l’année. Car un obstacle majeur a été franchi en janvier à Bangui : les chefs d’État de la zone ont décidé de fixer le siège de la compagnie à Brazzaville, qui était en concurrence avec N’Djamena. Et South African Airways, actionnaire à hauteur de 40 %, devrait fournir des appareils pour permettre à la compagnie, dont le hub se situera à Douala, de décoller enfin.
    Cette évolution du marché est suivie avec le plus grand intérêt par les compagnies étrangères. « Nous étudions la possibilité d’aider au démarrage de ces nouveaux transporteurs. Des contacts ont été pris avec le Sénégal mais rien n’a été décidé », affirme-t-on à Aigle Azur. La compagnie française, très présente en Algérie, vient de nouer un partenariat commercial avec Air Mali sur la liaison Paris*-Bamako. Le transporteur malien, qui n’assurera plus de vols vers Paris, entend profiter du trafic que drainera Aigle Azur vers Bamako pour le répartir sur son réseau sous-régional composé de douze escales.
    Mais le développement le plus spectaculaire au cours des cinq prochaines années pourrait venir d’Algérie. La compagnie nationale Air Algérie devrait bénéficier d’ici à 2014 d’un investissement gouvernemental colossal : 950 millions d’euros. La décision a été prise fin 2009 et vise à renouveler la flotte, avec l’acquisition de 15 nouveaux avions, dont 4 ATR. Objectif : transformer l’aéroport d’Alger en hub et atteindre 6 millions de passagers transportés en 2014, contre un peu plus de 3 millions actuellement. Reste à donner vie à ce programme…


    Jeune Afrique
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