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Trés beau texte sur la Palestine

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  • Trés beau texte sur la Palestine

    Le mouvement antimondisalisation libérale et la Palestine.

    Alain GRESH. 1/10/2002.
    (vous trouvez ce texte en faisant sur google: "Alain Gresh Palestine attac"
    Depuis plusieurs mois, le mouvement antimondialisation libérale en France, et plus largement en Europe et dans d’autres parties du monde (notamment aux Etats-Unis et au Brésil), s’est trouvé engagé dans la solidarité avec les Palestiniens. Celle-ci s’est exprimée, d’abord presque spontanément, à travers le voyage en Cisjordanie et à Gaza des " internationaux", pour défendre les populations civiles palestiniennes et réclamer leur protection par une force internationale ; à travers aussi les actions diverses en faveur des paysans ou des universitaires palestiniens.


    Tentative de définition des bases d'une solidarité.


    Pourquoi un tel texte ?

    Depuis plusieurs mois, le mouvement antimondialisation libérale en France, et plus largement en Europe et dans d'autres parties du monde (notamment aux Etats-Unis et au Brésil), s'est trouvé engagé dans la solidarité avec les Palestiniens. Celle-ci s'est exprimée, d'abord presque spontanément, à travers le voyage en Cisjordanie et à Gaza des " internationaux", pour défendre les populations civiles palestiniennes et réclamer leur protection par une force internationale ; à travers aussi les actions diverses en faveur des paysans ou des universitaires palestiniens. Il était normal qu'un mouvement qui se réclame du droit des gens à se réapproprier leur avenir se retrouve aux côtés des Palestiniens vivant sous l'occupation (lire Naomi Klein, The Guardian, Londres, 25 avril 2002).

    D'autre part, la campagne menée par le gouvernement d'Ariel Sharon contre les Palestiniens s'inscrit totalement dans la " guerre sans limites " menée par le président Bush contre le "terrorisme". Il était aussi naturel que le mouvement antimondialisation libérale, qui a condamné avec force cette politique américaine, notamment dans l'appel des mouvements sociaux de Porto-Alegre 2002,se retrouve au côté des Palestiniens.

    Cette solidarité ne peut toutefois faire l'économie d'un débat politique sur ses fondements et ses objectifs politiques. Le conflit israélo-palestinien suscite trop de polémiques, de malentendus pour que l'on puisse faire l'impasse sur une telle discussion, qui concerne plus largement tous les démocrates, et sur la réponse à apporter à ces deux questions :

    - sur quelles bases sommes-nous solidaires du peuple palestinien et de sa résistance?

    - Quels sont les principes d'une solution juste et durable ?

    J'essaierai, ce faisant, d'expliquer pourquoi certaines prises de position ne peuvent que diviser le mouvement.

    Les réponses aux deux questions sont moins simples qu'il n'y paraît. Partons d'une anecdote récente : un conseiller d'Ariel Sharon était interrogé sur CNN. A un moment, le journaliste évoque " les territoires occupés " ; le responsable israélien l'interrompt et lui dit, en substance, que la Judée et la Samarie ne sont pas des territoires occupés : ce sont des territoires qui ont été donnés aux juifs par Dieu, et cette promesse est consignée dans la Bible. Il est évident qu'une telle argumentation définit une position cohérente sur la Palestine : si on croit que la Bible contient une promesse faite par Dieu au " peuple élu ", tous les arguments sur les " droits " des Palestiniens ne peuvent tenir. Parallèlement, s'est construite une argumentation islamique présentant la Palestine comme une terre musulmane depuis le VIIème siècle de notre ère, et selon laquelle on ne peut faire aucun compromis sur une terre musulmane.

    A cette thèse religieuse, se superpose souvent une argumentation nationaliste. Si " le peuple juif " existe depuis des milliers d'années, s'il a toujours aspiré à revenir à la " terre promise ", ses droits sur la Palestine sont alors incontestables. D'autre part, nous entendons certains dirigeants de l'OLP affirmer, très sérieusement, que les Palestiniens sont les descendants des Philistins, que le Christ est le premier Palestinien, etc. Ce type de raisonnement pose la " supériorité " du droit de certains sur d'autres, et repose sur une prétendue antériorité historique sur la terre. Si on accepte cette logique pour la Palestine-Israël, comment nous y opposerons-nous dans d'autres situations ?

    Prenons le cas de la Yougoslavie. Les Serbes revendiquent, au nom d'arguments tout à fait cohérents, le Kosovo, berceau historique de leur peuple il y a quelques siècles ; les Croates ou les Albanais ont mille et une preuves " historiques " pour revendiquer tel ou tel territoire. Qui a raison ? Ce n'est sûrement pas à coup de recherches archéologiques que l'on peut départager les réclamations de chacun. Ce qui compte, c'est moins la référence à une histoire plus ou moins mythique, que la réalité actuelle. Certes, le Kosovo fut le berceau de la Serbie - et il faut en tenir compte -, mais il est peuplé à 90% d'Albanais. Si nous acceptons qu'une présence il y a cinq ou dix siècles, justifie une revendication nationale, alors il faut rendre Bordeaux et toute sa région aux Anglais, et la Corse aux Génois, donc à l'Italie. On ouvrirait, rien que pour l'Europe, une boîte de Pandore. Heureusement, personne, ou presque, ne le demande plus.

    D'autre part, ce type de débat et d'argumentation aboutit, en fait, à privilégier une revendication plutôt qu'une autre au nom d'une vision totalement subjective. Nous entrons dans un relativisme absolu, où prédomine la conviction que " mes " droits sont intrinsèquement supérieurs à " tes " droits. Chacun se déterminerait dans ces conflits au nom de la sympathie envers l'un ou l'autre peuple censé avoir de plus grandes qualités morales que son voisin.

    Comment, alors, s'y reconnaître dans des revendications contradictoires, notamment celles qui opposent, en Palestine, depuis plus d'un siècle, Arabes et juifs ? Sûrement pas en entrant dans un débat pour savoir s'il y a trois mille ans existait ou non un Etat juif, qui vivait en Palestine au début de notre ère, ou si les Philistins sont les ancêtres des Palestiniens. La seule boussole est celle du droit international, celui-là même dont le mouvement antimondialisation libérale se réclame dans les autres guerres ou conflits qui ravagent la planète. Il s'énonce dans des principes reconnus par les différents pactes internationaux (Charte des Nations unies, Déclaration universelle des droits de l'homme, quatrième convention de Genève, etc.) : droit des peuples à l'autodétermination, à la paix et à la sécurité, condamnation de l'acquisition de territoires par la force, droit humanitaire de la guerre, droits des populations vivant sous occupation, liberté de circulation, droits des réfugiés, etc. Ces principes se traduisent concrètement dans des résolutions de l'Assemblée générale et surtout du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous savons que celles-ci ne sont pas produites dans un monde parfait, qu'elles ne sont pas exemptes de " taches ", qu'elles sont toujours le résultat de rapports de force, notamment entre grandes puissances. Mais nous n'avons pas d'autre guide. Car, comme l'explique un professeur de droit à ses étudiants dans la magnifique saga du romancier Manès Sperber, " Et Le Buisson devint cendre : " J'ai appris à votre génération à découvrir dans le droit l'origine malpropre de la puissance qui l'a institué, mais je vous ai aussi montré que la puissance s'en va au diable quand elle détruit le droit qui l'a fondé. "

    Que disent, en substance, les résolutions des Nations unies sur la Palestine et sur Israël ? Elles reconnaissent que, désormais, sur la terre historique de la Palestine, sont installés deux peuples, l'un palestinien, l'autre juif israélien, et que ces deux peuples ont droit chacun à leur Etat indépendant. C'est le sens de la résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1947, résolution dite du partage de la Palestine, qui proposait de diviser ce territoire, alors sous mandat britannique, en deux Etats. L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) s'y est ralliée en novembre 1988, en proclamant la création de l'Etat de Palestine ; et, en signant les accords d'Oslo en 1993, le gouvernement israélien a, au moins implicitement, accepté ce principe. Il a été récemment rappelé par la résolution 1397 du Conseil de sécurité, le 13 mars 2002. Celle-ci affirme l'attachement de l'ONU " à la vision d'une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l'intérieur de frontières sûres et reconnues ". Cette position reflète un très large consensus de la communauté internationale.

    Nuançons néanmoins ce qui peut apparaître comme une " symétrie ". D'abord, le peuple israélien dispose déjà d'un Etat depuis plus de cinquante ans - et cela sur environ 78 % de la Palestine mandataire - alors que les Palestiniens en sont toujours privés et vivent dans l'exil forcé ou sous occupation. Cette occupation se prolonge maintenant de plus de 35 ans, malgré les innombrables résolutions votées par les Nations unies et restées lettre morte. Ce déni du droit international contribue d'ailleurs à discréditer, en particulier dans le monde arabe et musulman, tout le discours occidental sur le droit international. D'autre part, la situation actuelle est née d'une injustice originelle et récente : les Palestiniens ont été chassés de chez eux, notamment en 1948-1950, par les milices juives puis par l'armée israélienne. Cette expulsion, dénoncée depuis les années 1950 par les Palestiniens, longtemps niée ou refoulée en Israël comme en Occident, est désormais un fait établi, grâce notamment aux travaux des " nouveaux historiens " israéliens. Nous vivons à une époque et dans un ensemble, l'Europe, où l'on invoque à satiété le " devoir de mémoire ".
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