Révelée par le quotidien "Libération", une circulaire ministérielle qui fait office de manuel pour augmenter le nombre d'expulsions de clandestins du territoire français, propose aux poulets français et autres agents des préféctures, des conseils et des astuces pour piéger les clandestins dans les règles de l'art et éviter les annulations de procédure.
Comme l'a souligné le Canard Enchaîné, difficile de faire plus vicieux...
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Le parfait petit manuel pour expulser les clandestins
Vous aviez appris à les reconnaître, sachez les arrêter. La circulaire du 21 février, signée du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, à l'attention des préfets et des parquets précise les toutes dernières «conditions de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière». Le parfait petit manuel en 17 pages bourré de bons conseils pour éviter tout «risque d'annulation de la procédure» d'expulsion ou de reconduite à la frontière. Avec recommandations particulières quant aux interpellations des étrangers «aux guichets de la préfecture, au domicile ou dans les logements foyers et les centres d'hébergement». Stupéfaction du côté de la Cimade : «Ne manquent que les interpellations dans les écoles...»
Point de départ de cette circulaire : la fatigue des ministres Nicolas Sarkozy et Pascal Clément devant les «difficultés procédurales» et les «contentieux» qui minent les dossiers d'expulsion. Leur circulaire fait donc un point sur la régularité des conditions d'interpellation avec recensement des divers arrêts de la Cour de cassation rendus à ce sujet.
Le souci du détail. Le texte va d'abord au plus simple : les interpellations «sur la voie publique». Elles sont décrites comme «celles qui présentent le moins de difficultés». Celles effectuées «au domicile de la personne» sont en revanche plus délicates. Sous peine d'annulation de la procédure, les policiers ne devront pas considérer comme «domicile», un «véhicule automobile, le siège d'une association, la cour d'un immeuble lorsqu'elle n'est pas close, un atelier artisanal et industriel, un local réservé à la vente, un logement détruit par un incendie». Le souci du détail va jusqu'à préciser la marche à suivre pour une «pénétration des enquêteurs dans le domicile». La personne «refuse d'ouvrir sa porte» ? Ne surtout «pas glisser la décision préfectorale d'invitation à quitter le territoire dans la boîte aux lettres de l'intéressé, voire sous sa porte». La personne accepte d'ouvrir ? Si elle est «susceptible d'être celle concernée par la décision à notifier», alors le contrôle est possible. De même pour les interpellations dans un centre «d'hébergement» ou «d'accueil pour demandeurs d'asile», mais ces lieux seront à considérer selon que l'interpellé est «à proximité du local» ou «à l'intérieur du local».
Astuce et modèles. Dans le cas d'occupation de squats, police et justice sont priées de coordonner leurs efforts. L'expulsion doit être immédiatement suivie de contrôles d'identité afin d'interpeller un irrégulier sur lequel pèserait déjà une procédure d'expulsion du territoire. Suit une astuce pour ne pas déborder les délais légaux : les policiers ont rarement le temps de vérifier la situation du supposé irrégulier. «Il est demandé aux magistrats du parquet d'être particulièrement vigilants [...] sur la nécessité de mettre en état la procédure d'éloignement au cours des vingt-quatre premières heures de garde à vue.»
Reste le plus saisissant : l'annexe 1, consacrée aux «interpellations aux guichets des préfectures». Dans le cas où le sans-papiers se présente pour une nouvelle demande de titre de séjour, il est parfaitement «légal» de l'interpeller. Si c'est la préfecture qui le convoque, les fonctionnaires devront avoir soigné «la rédaction des motifs de la convocation». Il ne s'agit pas de lui faire peur. «Toutes les indications relatives à l'éventualité d'un placement en rétention, tout descriptif de la procédure sont à proscrire», est-il précisé. Et pour ne pas se tromper, deux modèles sont fournis, où il n'y a plus qu'à remplir les cases.
Une circulaire qui a le mérite de ne pas se cacher. Les ministres, en conclusion, rappellent «la nécessité d'accroître de façon significative le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière». Les procureurs devront rendre compte «pour le 10 octobre» du travail accompli. Avant le 10 avril, les préfets et ces mêmes procureurs auront réuni «les gestionnaires [des lieux d'accueil des étrangers] avec lesquels ils fixeront» les modalités de cette circulaire.
«On organise la collaboration, s'indigne Me Ludovic Rivière spécialiste de ces dossiers. On va contraindre les associatifs et les travailleurs sociaux à participer à une grande chasse à l'étranger en situation irrégulière.» «Effrayant», réagit le Gisti, qui réfléchit avec la Cimade à un recours pour annulation devant le Conseil d'Etat. La question pour eux n'est plus de gagner du temps. En tête de la circulaire, sa date d'application : «Immédiate».
(c) Liberation
Comme l'a souligné le Canard Enchaîné, difficile de faire plus vicieux...
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Le parfait petit manuel pour expulser les clandestins
Vous aviez appris à les reconnaître, sachez les arrêter. La circulaire du 21 février, signée du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, à l'attention des préfets et des parquets précise les toutes dernières «conditions de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière». Le parfait petit manuel en 17 pages bourré de bons conseils pour éviter tout «risque d'annulation de la procédure» d'expulsion ou de reconduite à la frontière. Avec recommandations particulières quant aux interpellations des étrangers «aux guichets de la préfecture, au domicile ou dans les logements foyers et les centres d'hébergement». Stupéfaction du côté de la Cimade : «Ne manquent que les interpellations dans les écoles...»
Point de départ de cette circulaire : la fatigue des ministres Nicolas Sarkozy et Pascal Clément devant les «difficultés procédurales» et les «contentieux» qui minent les dossiers d'expulsion. Leur circulaire fait donc un point sur la régularité des conditions d'interpellation avec recensement des divers arrêts de la Cour de cassation rendus à ce sujet.
Le souci du détail. Le texte va d'abord au plus simple : les interpellations «sur la voie publique». Elles sont décrites comme «celles qui présentent le moins de difficultés». Celles effectuées «au domicile de la personne» sont en revanche plus délicates. Sous peine d'annulation de la procédure, les policiers ne devront pas considérer comme «domicile», un «véhicule automobile, le siège d'une association, la cour d'un immeuble lorsqu'elle n'est pas close, un atelier artisanal et industriel, un local réservé à la vente, un logement détruit par un incendie». Le souci du détail va jusqu'à préciser la marche à suivre pour une «pénétration des enquêteurs dans le domicile». La personne «refuse d'ouvrir sa porte» ? Ne surtout «pas glisser la décision préfectorale d'invitation à quitter le territoire dans la boîte aux lettres de l'intéressé, voire sous sa porte». La personne accepte d'ouvrir ? Si elle est «susceptible d'être celle concernée par la décision à notifier», alors le contrôle est possible. De même pour les interpellations dans un centre «d'hébergement» ou «d'accueil pour demandeurs d'asile», mais ces lieux seront à considérer selon que l'interpellé est «à proximité du local» ou «à l'intérieur du local».
Astuce et modèles. Dans le cas d'occupation de squats, police et justice sont priées de coordonner leurs efforts. L'expulsion doit être immédiatement suivie de contrôles d'identité afin d'interpeller un irrégulier sur lequel pèserait déjà une procédure d'expulsion du territoire. Suit une astuce pour ne pas déborder les délais légaux : les policiers ont rarement le temps de vérifier la situation du supposé irrégulier. «Il est demandé aux magistrats du parquet d'être particulièrement vigilants [...] sur la nécessité de mettre en état la procédure d'éloignement au cours des vingt-quatre premières heures de garde à vue.»
Reste le plus saisissant : l'annexe 1, consacrée aux «interpellations aux guichets des préfectures». Dans le cas où le sans-papiers se présente pour une nouvelle demande de titre de séjour, il est parfaitement «légal» de l'interpeller. Si c'est la préfecture qui le convoque, les fonctionnaires devront avoir soigné «la rédaction des motifs de la convocation». Il ne s'agit pas de lui faire peur. «Toutes les indications relatives à l'éventualité d'un placement en rétention, tout descriptif de la procédure sont à proscrire», est-il précisé. Et pour ne pas se tromper, deux modèles sont fournis, où il n'y a plus qu'à remplir les cases.
Une circulaire qui a le mérite de ne pas se cacher. Les ministres, en conclusion, rappellent «la nécessité d'accroître de façon significative le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière». Les procureurs devront rendre compte «pour le 10 octobre» du travail accompli. Avant le 10 avril, les préfets et ces mêmes procureurs auront réuni «les gestionnaires [des lieux d'accueil des étrangers] avec lesquels ils fixeront» les modalités de cette circulaire.
«On organise la collaboration, s'indigne Me Ludovic Rivière spécialiste de ces dossiers. On va contraindre les associatifs et les travailleurs sociaux à participer à une grande chasse à l'étranger en situation irrégulière.» «Effrayant», réagit le Gisti, qui réfléchit avec la Cimade à un recours pour annulation devant le Conseil d'Etat. La question pour eux n'est plus de gagner du temps. En tête de la circulaire, sa date d'application : «Immédiate».
(c) Liberation
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