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Dans les sables de Dubaï s'érige le plus grand aéroport du monde

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  • Dans les sables de Dubaï s'érige le plus grand aéroport du monde

    En plein désert, Dubaï construit Al Maktoum, appelé à devenir le plus grand aéroport du monde avec 160 millions de voyageurs par an. Ce pari ambitieux et coûteux, celui de devenir le hub planétaire, devrait coûter 30 milliards de dollars. Comment financer ? Les clients seront-ils au rendez-vous ? Le rêve n'est-il pas démesuré ?

    Les étendues de sable se confondent avec la couleur du ciel, laiteuse en cette période de l'année, sous l'effet combiné de la chaleur et de l'humidité. L'immensité de ce terrain de 140 kilomètres carrés et le calme qui y règne par endroits laissent imaginer l'ampleur des efforts qu'il reste à fournir pour en faire, à terme, le plus grand aéroport du monde.

    A l'instar de ce que l'ancien émir de Dubaï, le cheikh Rachid Al Maktoum, père de l'actuel dirigeant, avait fait dans les années 1980 pour les ports, Dubaï, l'émirat pourtant le plus endetté de la fédération des Emirats arabes unis - qui en compte sept -s'offre aujourd'hui un deuxième aéroport, plus vaste, loin de la ville, appelé, surtout, à devenir le plus grand du monde.

    Al Maktoum International, du nom de la dynastie régnante, comprendra à terme 5 pistes d'atterrissage parallèles de 4,5 kilomètres, 3 terminaux passagers et 16 terminaux cargos. Quelque 160 millions de voyageurs pourraient y passer chaque année, soit trois fois le trafic de Roissy - Charles-de-Gaulle en 2009, quatre fois le flux actuel. Y transiteront également 12 millions de tonnes de fret (contre 1,9 million traitées l'an dernier). Pièce maîtresse du projet de Dubai World Central (DWC), avec une composante résidentielle et commerciale, c'est le plus gros projet d'infrastructures de Dubaï.

    Le site se trouve à 40 kilomètres à l'ouest du centre-ville historique, aux frontières d'Abu Dhabi. Pour y accéder, on quitte Dubaï par la fameuse Sheikh Zayed Road, cette autoroute à deux fois six voies qui éventre la cité de tout son long. Une fois passée la forêt de tours, on entre dans un espace plus disparate de zones industrielles en marge de la ville : Dubai Investment Park, Jebel Ali. Des groupes d'entrepôts ici et là, des terrains vagues, une usine, du sable. On est à la fois dans le désert et l'on n'y est pas.

    Longeant la zone de Dubai Investment Park, une route très fréquentée relie le port de Jebel Ali à l'hinterland, vers la ville d'Al Ain, puis Oman. Elle conduit à Al Maktoum. Inauguré en juin dernier, l'aéroport comprend déjà un terminal cargos d'une capacité de 250.000 tonnes, une piste d'atterrissage adaptée aux Airbus A380, une tour de contrôle de 96 mètres. A quelque 200 mètres de là, un terminal passagers est en construction. Il aura en mars prochain une capacité de 5 millions de voyageurs. Une infime partie de la structure finale.

    Pour l'heure, Al Maktoum International ressemble encore à un rêve, mais le rêve est ambitieux et planifié. Outre l'aéroport en construction, ses environs immédiats accueilleront aussi un gigantesque port de redistribution en eaux profondes ainsi que la plus grande zone franche industrielle de la région, tout cela au croisement de routes qui relient l'Asie à l'Europe et aux Amériques. Au centre de ce carrefour, Dubaï, bien sûr, ainsi transformé en gigantesque hub par lequel transiteront tous les moyens de transport et où se croiseront marchandises et passagers.

    Ce faisant, Dubaï, dont le port était dès le siècle dernier le refuge commercial des familles marchandes persanes et indiennes, renoue avec la tradition. Après le marasme du commerce des perles, c'est sur son accessibilité que la cité a porté ses premiers efforts. La construction du nouveau port de Jebel Ali, en 1979, a donné naissance à la compagnie dubaïote DP World. En rachetant le britannique P&O, elle est devenue le troisième opérateur portuaire au monde, derrière Hutchison Whampoa de Hong Kong et Temasek de Singapour, avec un chiffre d'affaires de 2,8 milliards de dollars en 2009 et 11,1 millions de conteneurs EVP traités à Dubaï. Le port de Jebel Ali assure en rythme de croisière la manutention de 110 conteneurs à l'heure.

    Plus tard, en 1985, a été construite la zone franche Jafza, aujourd'hui un pôle industriel de plus de 6.000 entreprises. L'aéroport sera la nouvelle pièce de ce dispositif. Avec une idée fixe pour les dirigeants de l'émirat : faire de leur pays la Singapour du Golfe. Sortir aussi de la dépendance au pétrole et, par extension, à Abu Dhabi, détenteur de 93 % des ressources.

    Un projet tout en superlatifs

    Al Maktoum disposera de sa propre zone franche, Dubai Logistic City, avec déjà quelques grands noms comme l'allemand Kuehne+Nagel et le suisse Panalpina. Plus au sud, Aviation City, un espace encore vide, hébergera des compagnies de jets privés et des entreprises liées à l'aéronautique.

    Point clef de cette stratégie multimodale, un pont franc (encore fermé) reliant l'aéroport à Jafza permettra le transfert des marchandises en zone extraterritoriale, sans jamais entrer aux Emirats : pas de droits de douane à verser et à se faire rembourser, pas de paperasse.

    « Ce corridor nous permettra de faire des allers-retours instantanés entre les installations maritimes et aériennes, selon Claus Schmidt, le patron de Panalpina à Dubaï, qui a investi dans un entrepôt de 4.000 mètres carrés pour desservir la région et l'Afrique. C'est une stratégie très attractive. Les entreprises qui ont des stocks ici peuvent réagir très vite et réexporter dans la région en fonction de la demande. Il suffit de concentrer les stocks sur Dubaï au lieu d'avoir un entrepôt dans chaque pays. On peut en disposer tout aussi rapidement et faire des économies d'échelle. »

    Ambitieux, impressionnant, le projet ne manque pas de superlatifs. Ni de questions. Quid, par exemple, de l'énorme aéroport actuel ? Sa capacité va passer de 60 à 75 millions de passagers d'ici à deux ans, avec l'achèvement de Concourse 3, un terminal dédié spécialement aux A380 d'Emirates. C'est déjà le 6 e aéroport du monde en nombre de passagers sur les vols internationaux et 5 e pour le fret international. Sa capacité cargos va passer de 2,5 à 3 millions de tonnes sous cinq ans.

    « Je ne peux pas annoncer de scénario à l'avance, affirme Khalifa Suhail Al Zaffin, le PDG de DWC. Aurons-nous un ou deux aéroports ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais la plate-forme actuelle a une capacité d'extension limitée. Nous allons croître bien au-delà. »

    Pourtant, l'émirat n'est pas seul. Ras Al-Khaimah, Fujairah et Sharjah ont leurs aéroports internationaux et Abu Dhabi a lancé un plan d'expansion agressif pour soutenir sa jeune compagnie Etihad. Sans parler du futur aéroport du Qatar, l'an prochain. Conséquence : la question de la surcapacité est sur toutes les lèvres.

    Khalifa Suhail Al Zaffin insiste sur la croissance phénoménale de la demande. Le trafic passagers, il est vrai, a augmenté de 9,2 % l'an dernier, à 40,9 millions de voyageurs, et de 5,6 % en trafic cargos, à 1,9 million de tonnes, et ce au pire moment de la crise internationale. C'est le secteur qui marche le mieux dans la région. A Dubaï, on prévoit 100 millions de passagers d'ici à 2020.

    Du village de pêcheurs au grand hub

    Emirates Airlines, le fer de lance de cette croissance, est devenu un monstre desservant 220 destinations avec une flotte de 149 avions et 174 autres officiellement en commande. C'est déjà la plus grosse compagnie du monde en capacité internationale. « Quand je suis arrivé ici en 1991, nous n'avions que 8 avions », raconte Peter Sedgley, vice-président de la section cargos à Emirates Airlines. Emirates a triplé ses bénéfices en 2009 et vise le milliard de dollars pour cette année. Un développement à l'image de celui d'un pays dont la population a bondi de 60.000 habitants en 1960 à 1,8 million aujourd'hui.

    « En vingt-cinq ans, l'émirat a complètement changé de visage, explique Peter Sedgley. On est passé de quelques villages de pêcheurs à l'un des plus grands hubs commerciaux du monde à une vitesse phénoménale ! »

    Il reste que, pour l'instant, les clients ne se bousculent pas à Al Maktoum. En raison des retards de construction, l'aéroport a manqué de peu l'installation de FlyDubai, la nouvelle et agressive compagnie low cost qui compte 1 million de réservations en une année de service. Seules trois compagnies aériennes (Rus Aviation, Skyline et Aerospace Consortium) et 12 opérateurs cargos se sont d'ores et déjà enregistrés.

    Eliska Hill de Freeman Chapman a décidé pour sa part de patienter. Comme tous les professionnels du fret aérien, elle a été invitée en juin dernier à visiter le site. « On nous a proposé de nombreuses incitations pour nous encourager à venir », dit-elle - espaces de bureau à prix bradés, tarifs aéroportuaires réduits, accès au fioul plus intéressant. Mais la distance entre les deux aéroports est encore dissuasive. « Il faut d'abord que des vols réguliers démarrent, ce qui finira bien par arriver, avant de voir venir les compagnies charters, puis les groupeurs comme nous », dit-elle. Khalifa Suhail Al Zaffin assure, lui, ne forcer aucune compagnie à venir : « Elles doivent le décider elles-mêmes pour des raisons économiques. »

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  • #2
    Une dette colossale

    Autre défi de taille, le financement. « Nous avons déjà investi 3,3 milliards d'euros, affirme Khalifa Suhail Al Zaffin. Nous n'investirons pas moins de 30 milliards de dollars au total. » Les analystes, eux, restent sceptiques, vu le manque de liquidités de l'émirat et la difficulté à lever des fonds sur les marchés financiers. La dette de Dubaï est estimée à plus de 100 milliards de dollars. L'économie du pays s'est contractée de 0,7 % l'année dernière, selon le Fonds monétaire international (FMI).

    Dubai Aerospace Enterprise, un client important de Boeing et d'Airbus, vient en effet d'annuler cinquante de ses 220 commandes d'avions passées en 2007.

    Depuis l'éclatement de la bulle immobilière, Al Maktoum a, du reste, revu son design. On ne parle plus de l'énorme composante résidentielle qui aurait dû accueillir 250.000 habitants, ni de tours de bureaux ni de golf à 18 trous. Selon les experts, le marché immobilier est saturé et, dans certains zones, les prix ont chuté de plus de 50 % en deux ans. Près de la moitié des bureaux pourraient même rester inoccupés l'an prochain. L'aéroport, cependant, poursuit ses travaux. Tel qu'on l'aperçoit, le projet semble encore irréel. Mais, après tout, le rêve a toujours été un moteur de croissance à Dubaï, où l'on se projette volontiers des décennies à l'avance.

    « Nous connaissons les programmes de vol même pour 2020 », affirme M. Al Zaffin. « Nous savons quelle sera la demande sur les ponts, les places de parking, les services de restauration en vol, le fioul, tout. Nous sommes sûrs de la direction prise. »

    Pour le cheikh Mohammed Bin Rashid, l'émir de Dubaï, DWC doit être à l'aérien ce que Jebel Ali du temps de son père a été au fret maritime. « DWC est plus important que Meydan et Burj Khalifa, affirmait récemment le cheikh Ahmed Bin Saeed Al Maktoum, président de l'Autorité des aéroports. C'est le retour de Dubaï à ses fondamentaux, celui d'être le centre logistique du Moyen-Orient. » L'époque d'avant la diversification vers le tourisme et les loisirs, l'immobilier ou la finance, ces secteurs aujourd'hui en difficulté.

    NATHALIE GILLET, Les Echos
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