Devant le pactole que leur procure la flambée des cours du brut, les cheikhs gardent la tête froide. S'ils investissent massivement à l'étranger, ils utilisent surtout leurs pétrodollars pour moderniser leurs royaumes.
------------------------------------------------------------------------
La flambée de l'or noir a transformé les monarchies nichées le long du golfe Arabo-Persique en multimilliardaires. Les cheikhs du Koweït, de Bahrein, du Qatar, d'Abu Dhabi et de Dubaï inondés de liquidités, en profitent pour transformer leurs États désertiques en édens. En coulisses, l'argent du pétrole leur permet de détenir les plus gros portefeuilles de la planète et d'entrer au capital de leurs marques préférées comme Ferrari et Mercedes Benz.
LE CHAUFFEUR propose de patienter en regardant un DVD sur l'un des trois écrans plats installés dans son taxi. «Cela fera passer le temps», lâche-t-il dans un anglais mâtiné d'accent hindou. En cette matinée de printemps, l'autoroute de cheikh Zayed Road qui traverse la forêt de gratte-ciel de Dubaï est comme d'habitude embouteillée. Impossible d'avancer à cause des camions, des bétonnières et des bulldozers qui sillonnent de jour comme de nuit cette ville qui n'est plus qu'un immense chantier.
Au bord de la mer, les palaces tous plus luxueux les uns que les autres jaillissent les uns après les autres du sable. Au large, les pelleteuses s'agitent dans un grondement incessant pour construire 300 îles artificielles. Baptisées «The World» car elles représentent la carte géographique du monde, elles sont à vendre à l'unité ou par continent.
«La flambée des cours du pétrole a rendu le cheikh très optimiste et il en profite pour accélérer la transformation de la ville», constate un banquier britannique en arrêtant son 4 x 4 en bordure du désert devant un immense trou illuminé de nuit : «Ici en 2009, se dressera Burj Dubai, la plus haute tour du monde», annoncent fièrement les drapeaux qui claquent au vent. Les pieds dans le sable, deux chameaux, qui observent les grues d'un oeil torve, n'ont pas l'air bien impressionnés. Plus loin, déployant ses cartes sous le soleil brûlant de Dubaï, l'ingénieur Pierre-Alain Cadillon jubile : «Nous allons construire le plus grand métro automatique du monde. Le chantier va démarrer pour que les premiers passagers embarquent en 2009. Ce métro devrait transporter 23 000 voyageurs par heure en 2015.» Pour ce directeur d'Alcatel à qui le cheikh de Dubaï a confié les télécommunications du réseau (signalisation, panneaux d'affichage), «ce projet ferroviaire est l'un des plus sophistiqués du monde».
Pour cheikh Mohammed al-Maktoum, le dirigeant visionnaire de Dubaï, c'est juste un mégaprojet de 4 milliards de dollars parmi d'autres. Après avoir investi 200 milliards de dollars pour transformer son bout de désert en éden pour touristes, «His Highness» (Son Altesse) a annoncé qu'il injecterait 50 milliards supplémentaires dans les quatre prochaines années. Son but ? Attirer 15 millions de touristes par an d'ici à 2010, soit trois fois plus qu'aujourd'hui. Comme l'Arabie saoudite et les petites monarchies du golfe arabo-persique dont les revenus pétroliers ont augmenté de 25% en 2005, soit un bonus de 250 milliards de dollars, le cheikh de Dubaï investit d'abord ses pétrodollars chez lui.
La suite...
Commentaire