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Le Maghreb ne pèse pas grand-chose sur la scène mondiale

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  • Le Maghreb ne pèse pas grand-chose sur la scène mondiale

    Fayçal Métaoui entrevista a Francis Ghilès

    Francis Ghilès est chercheur au Centre d’études internationales de Barcelone (Cidob). Il a également travaillé avec l’European Institute of the Mediterranean (IEMed) qui a son siège en Espagne. Il était pendant longtemps correspondant du grand quotidien économique britannique Financial Times. Il a également collaboré avec la BBC. Il a assuré récemment à Alger une formation pour des journalistes économiques à l’invitation de la fondation allemande Friedrich Neumann.

    L’Algérie doit, selon lui, s’inspirer du modèle de développement turc où l’armée est aussi puissante que la société civile ou les universités. Les 40 000 cadres algériens qui vivent à l’étranger peuvent, d’après lui, jouer un rôle fondamental dans le décollage économique du pays. Il est nécessaire, selon lui, que l’Algérie se dote d’un plan stratégique de développement étalé sur vingt ans. La réussite passe, d’après lui, par l’unification de la décision politique et par la stabilité réglementaire.

    Vous défendez beaucoup l’idée d’un Maghreb uni et vous parlez souvent du «coût de non-Maghreb». Justement, comment construire ce Maghreb ?

    Cela dépend de la volonté politique des dirigeants maghrébins. Aujourd’hui, le Maghreb ne pèse pas grand-chose sur la scène mondiale. Il est évident que si ces pays se présentent groupés à Washington ou à Bruxelles, on les écouterait beaucoup plus qu’aujourd’hui. Cela ne veut pas dire faire ensemble, mais cela veut dire ouvrir les frontières, laisser les investissements se faire.

    Le Maroc a 40% des réserves mondiales de phosphate. En Algérie, on produit du gaz, de l’ammoniac et du souffre. Si on met tout ensemble, on pourrait avoir une industrie des engrais qui aura les prix les plus compétitifs au monde. Regardez les besoins en engrais pour les trente prochaines années, un partenariat entre Sonatrach et l’OCP (Groupe office chérifien des phosphates), pourrait créer des centaines de milliers d’emplois.

    Si on pouvait présenter un projet commun, même en grande ligne, l’impact psychologique au Maghreb serait énorme. L’avenir n’est pas clair. A l’échelle du monde, les plaques tectoniques changent. Nous sommes devant des changements fondamentaux. Des pays comme la France ou la Grande-Bretagne n’ont pas de poids énormes. Vous imaginez donc qu’en sera-t-il de la Tunisie ou de l’Algérie. Malheureusement, le Maghreb est aux abonnés absents. J’espère que cela ne va pas durer.

    L’Algérie a d’énormes potentialités mais le pays n’arrive pas à démarrer réellement sur le plan économique. Pourquoi ?

    Le triomphe du tout Etat dans les années 1960 et 1970 a été plus fort qu’au Maroc ou qu’en Tunisie. L’Etat algérien avait été détruit de fond en comble à l’époque coloniale. Donc, on reconstruit l’Etat algérien mais on construit un Etat omniprésent. On a crée des banques d’Etat. Après cela, on a du mal à changer. La grande tristesse pour moi est que les réformes engagées par Mouloud Hamrouche à la fin des années 1980 n’ont pas été poursuivies. Il fallait les continuer sans organiser d’élections. Ce n’était pas le bon moment. Même certains dirigeants algériens avaient des doutes surtout que le pays souffrait de la chute des prix du pétrole sur le marché mondial.

    Je dois souligner, en outre, qu’en France, certaines personnes n’étaient pas favorables aux réformes en Algérie. Elles étaient bien relayées en Algérie. Certains n’avaient pas intérêt à ce que le système change. Pour revenir aux réformes, il faut savoir qu’entre la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit en avril 1990 et les élections législatives de décembre 1991, 100 contrats de partenariat avaient été signés à la Banque d’Algérie qui était devenue autonome. Il y avait une mise initiale d’un milliard de dollars qui à l’époque était une somme énorme.

    Les grandes sociétés internationales avaient fait confiance au gouvernement de M. Hamrouche malgré la victoire du FIS aux élections municipales de juin 1990. Elles s’étaient engagées sur le futur de l’Algérie. L’équipe dirigeante de l’époque avait donc réussi malgré les difficultés internes et externes. Avec les élections, tout cela a été perdu.

    Dix-huit ans après, est-ce que tout cela a été rattrapé, dépassé ?

    1989-1991 a été un ratage pour une autre raison. Mouloud Hamrouche est arrivé au pouvoir quelques semaines avant la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du système communiste. Il disait, autant que les autres dirigeants, que l’Algérie allait changer et qu’une place sera accordée à l’entreprise privée. Les responsables américains, allemands, britanniques et japonais étaient heureux d’entendre ce discours. Le problème n’était pas de renier ce que l’Algérie avait fait avant mais de dire que l’économie sera libéralisée et que les entreprises étrangères seront aidées si elles s’intéressent à l’Algérie.

    Tous les dix ou vingt ans, il y a ce qu’on appelle en anglais «a window of opportunity» (une fenêtre d’opportunité). C’est-à-dire qu’à un moment ou un autre un pays change sa politique et intéresse tout le monde. Cela a été reflété par les 100 partenariats signés à la Banque centrale algérienne. Les compagnies étrangères avaient voté avec leur argent. Si vous ratez cela, il faut encore dix ou vingt ans pour intéresser le monde.

    Peut-on dire en deux mots que l’Algérie a raté son décollage économique ?

    L’Algérie a raté la consolidation des réformes. Ce n’était pas facile avec le nationalisme dur de certains dirigeants et le marxisme de certains cadres. Le grand défi en Algérie, le même qu’il y a vingt ans, est de trouver l’équilibre entre l’Etat et le privé. Cet équilibre n’a pas encore été trouvé. Cela dit, il y a des avancées. Des terres sont plus cultivées que par le passé, par exemple. Il y a plus de privés algériens. Il faut donc aller plus loin. Je vous cite l’exemple de l’hôtel El Djazaïr à Alger. C’est un hôtel splendide mais il est médiocre sur le plan des services.

    Si cet hôtel était géré par le privé, on peut exiger des tarifs de 500 euros la nuit. Autre chose : cela fait quinze ans qu’on discute de la privatisation de l’hôtel Zianide à Tlemcen. Dans l’état où il est, il faut peut-être le céder au dinar symbolique et laisser le repreneur le refaire ! Le bâtiment tombe en ruine. Cela devient de l’aberration. Il faut que les forces politiques se mettent d’accord sur la manière de gérer l’économie. Il faut y tenir une fois la décision prise. L’instabilité réglementaire permanente en Algérie fait que les étrangers hésitent. Elle freine l’investissement.

    Il y aura plus d’investissements, une fois les règles et lois maintenues pendant dix ou quinze ans. Un investisseur a besoin de le savoir. Dites-vous bien qu’il y a 200 pays. Chaque pays fait les yeux doux aux grandes compagnies étrangères. Tout le monde se bat, y compris la Chine, l’Inde ou la Russie. La Russie change ses règles tout le temps. Elle a le droit, autant que l’Algérie, de le faire. Mais le résultat est que beaucoup d’investisseurs hésitent ou reculent. Avancer et reculer, reculer et avancer est la pire des politiques.

    La suite...
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Cette instabilité réglementaire semble gêner certains pays, mais pas d’autres. La France, par exemple, trouve toujours le moyen de s’adapter...

    L’Allemagne, la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et le Japon s’en tiennent aux règles. C’est peut-être pas le cas de la France. Les Français ont des accointances en Algérie et arrivent à passer au travers les barrières. Vous n’allez pas demander aux Allemands, aux Anglais ou aux Japonais de s’engager de cette façon-là. Ils n’ont pas la même relation historique avec l’Algérie. Lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils n’y comprennent plus rien, ils partent. A l’Algérie de décider ce qu’elle veut faire. Veut-elle diversifier ses relations ? Ou veut-elle garder le même niveau d’investissement avec les Français ? Je ne dis pas que la France est en terrain conquis au Maghreb.

    L’Espagne fait une énorme percée au Maroc. L’Allemagne et la Chine sont très présentes au Maghreb également. On a oublié que dans les années 1960-1970, les Anglais, les Américains et les Japonais avaient construit les infrastructures industrielles en Algérie. Ils ont construit plus que les Français (...) En Algérie, on connaît mal l’histoire de la période ottomane qui n’était pas une colonisation. Alger était une puissance méditerranéenne. La marine algérienne a mené des raids jusqu’en Islande.

    Donc, l’histoire de l’Algérie ce n’est pas que la France ! Les archives consulaires britanniques de 1578 à 1830, les archives suédois et danoises n’ont jamais été visitées par les chercheurs algériens. Il en est de même pour les archives turques. Ces archives ottomanes sont riches. De ce point de vue- là, il y a un travail de mémoire à faire. Assumer le passé permet de construire sereinement l’avenir

    Selon vous, l’Algérie a des compétences qui vivent à l’étranger. Que faut-il faire pour mobiliser ce savoir-faire au profit de l’économie du pays ?

    En 1979 lorsque la Chine lançait ses réformes, le Parti communiste a invité à Pékin des milliers de Chinois de la diaspora. Il leur expliquait le plan de réformes étalé sur vingt ans. Il y a quelques années, 75% des investissements étrangers en Chine étaient le fait de Chinois qui vivent à l’extérieur du pays. Presque 40 000 cadres d’origine algérienne vivent en Europe et en Amérique du Nord.

    Quelle que soit leur carrière, ces compétences gardent toujours un sentiment pour l’Algérie. Mais ils ne viendront à Alger que si on les invite et on les considère. Les dirigeants de Pékin ont dit aux Chinois de l’étranger qu’ils étaient les ambassadeurs du pays. J’aimerai entendre de la bouche des dirigeants algériens des propos de ce genre. Les 40.000 cadres algériens peuvent jouer un rôle fondamental. C’est une formidable fenêtre sur le monde. Le transfert de technologie se fera grâce à leur contribution.

    Les entreprises européennes envoient à Alger des représentants d’origine algérienne. Cela se fait dans le monde entier. C’est une mine d’or. Cela ne sert à rien de leur parler de la guerre de Libération nationale. Eux, ils regardent vers l’avenir. Ils veulent savoir quelle sera la place de l’Algérie et du Maghreb dans le futur. Ils demandent à l’Algérie des règles compatibles avec les normes internationales. L’Algérie doit faire comme la Chine, l’Inde ou la Turquie pour profiter de ces compétences.

    L’Algérie n’est-elle pas bloquée par l’idée d’avoir des hydrocarbures et qu’elle trouve inutile de diversifier l’économie ? Vous dites souvent que le pétrole doit descendre sous la barre des 10 dollars le baril pour qu’on ouvre les yeux!

    Le pétrole et le gaz ont des effets pervers. Cela est valable dans tous les pays producteurs de pétrole et de gaz. Le poids de l’énergie dans l’économie est trop grand. Cela fait qu’on oublie de développer d’autres métiers. On importe trop facilement. Cela pose problème.

    Peut-on développer des réformes économiques sans réformes politiques ?

    Certains disent qu’on ne peut pas développer l’économie sans démocratie. L’exemple chinois démontre le contraire. C’est un pays à parti unique. Je ne suis pas contre la démocratie, mais je ne suis pas convaincu qu’il y a un lien de cause à effet entre l’économie et la démocratie. Pour réussir, les dirigeants, ici ou ailleurs, doivent faire des analyses de fond avec les experts et faire des prévisions sur vingt ans. Ils peuvent dire : voilà ce que sera l’Algérie en 2030. J’ai participé à des études de prospective aux Etats-Unis et en Espagne pour voir ce que sera le Maghreb en 2030.

    Une fois le but précisé, on doit lancer un plan intelligent et l’appliquer avec rigueur. La grande force des Chinois est d’avoir tracé un plan en 1979. Trente ans après, ils regardent les résultats avec l’amélioration du niveau de vie. Cela dit, il faut être flexible dans l’application des plans... Dans certains pays africains, il y a eu des élections relativement libres mais l’économie ne fonctionne pas du tout... En Algérie ou dans le monde arabe on devrait commencer par le respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse. Il n’y pas de règle en la matière. Il faut d’abord que la direction politique soit unie.

    C’est fondamental. Si ceux qui sont au pouvoir se battent entre eux, on ne s’en sortira pas. Ensuite, il faut avoir un plan stratégique. Autrement, on arrive à rien. En Chine, la direction politique consulte beaucoup les experts, les intellectuels et les universitaires. Cela ne veut pas dire qu’ils écrivent librement ce qu’ils veulent. Par contre, on respecte leur savoir pour des débats internes. Cela dit, il n’y a pas de modèle unique, parfait.

    La Russie a institué les élections libres. Qu’est-ce que cela a donné ? Une catastrophe économique. L’armée algérienne s’était intéressée en 1989 à la Turquie. C’est un cas intéressant. En Turquie, l’armée est puissante mais la société civile, l’université, le secteur privé sont forts également. Aujourd’hui, il y a une recomposition du champ. Il n’est pas question que l’armée ne joue pas un rôle clef même si elle a moins de puissance que par le passé. En Turquie, on débat. Les élections libres ont été organisées après un vrai développement économique. C’est un pays qui fait plaisir. Souvent en Occident, on explique que les musulmans sont incapables de se développer.

    La Turquie, qui a fait un énorme bond en avant sur les plans économiques et politiques, prouve le contraire. Je peux citer la Malaisie également. En Algérie, on devrait s’inspirer du modèle turc. Idem pour le Maghreb et l’Europe. Il y a des éléments qui sont intéressants dans ce qui se passe en Turquie. La Turquie ne va pas terminer comme la démocratie anglaise. Mais elle est en train de construire son propre modèle.

    Propos recueillis par Fayçal Métaoui
    El Watan
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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    • #3
      Le Maghreb ne pèse pas grand-chose sur la scène mondiale

      si si, il pèse lourd niveau conneries...

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      • #4
        si si, il pèse lourd niveau conneries...
        100% d'accord.
        Je suis père et fais de mon mieux au regard de cette citation :
        "L'exemple, c'est tout ce qu'un père peut faire pour ses enfants." Thomas Mann
        Cette citation me vient de mon cousin chaoui Adhrhar

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        • #5
          il ne merite surtout pas de peser lourd

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          • #6
            Le Maghreb ne pèse pas grand-chose sur la scène mondiale
            "le journaliste" confond l'Algérie et le maghreb
            il ne cite pratiquement que l'algérie dans son articles et ses difficultés de décoller économiquement malgré ses richesses

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            • #7
              Normal puisque l'Algérie est la première puissance du Maghreb. Un pays qui dépend des tomates n'est pas une puissance

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              • #8
                Normal puisque l'Algérie est la première puissance du Maghreb. Un pays qui dépend des tomates n'est pas une puissance
                ce qui nous ramene a ca..

                si si, il pèse lourd niveau conneries...

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                • #9
                  puisque l'Algérie est la première puissance du Maghreb.

                  puissance du maghreb? il n'y meme pas supermarché

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                  • #10
                    C'est un plaidoyer pour un Maghreb uni, un Maghreb /qui fait ensemble/...

                    Même dans ce cas, le Maghreb ne pèsera pas grand-chose sur la scène mondiale

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