Le nombre de terrains de golf devrait doubler au Maroc dans les deux ans à venir. Produits d’appel pour les touristes et les acheteurs d’immobilier, ces golfs entraînent une consommation en eau démesurée, dont sont dès lors privés les consommateurs et les agriculteurs.
“L’été à Marrakech, il fait 40 degrés, on ne peut pas jouer au golf. L’activité ne tourne que six mois par an. Le reste du temps, on ne peut rien faire, mais on continue d’arroser. En moyenne, au Maroc, un golf de 18 trous, d’environ 50 hectares , consomme 3 500 à 4 000 m³ d’eau par jour“. En quelques mots, Gérard Courbin, directeur de SEV, une société de construction, de rénovation et d’entretien de parcours de golf, cerne le problème. Les golfs sont à la mode au royaume chérifien, mais à quel coût social ?
D’une vingtaine aujourd’hui, le nombre de golfs ouverts au Maroc devrait plus que doubler en deux ans. À Marrakech seulement, une dizaine s’ajoutera aux quatre déjà en activité. Sur l’océan Atlantique, Agadir devrait bientôt compter deux golfs en plus des trois déjà existants. Aux portes du désert aussi, les greens fleurissent. Tandis que le Royal Golf de Ouarzazate, au pied de la chaîne de l’Atlas, achève son extension à 18 trous, Ouarzazate Lake City, un autre projet proche incluant l’inévitable golf, est déjà prévu.
“Socialement insupportable”
Tant mieux pour les amateurs, mais ces investissements ont aussi un coût : l’eau nécessaire à l’entretien des golfs n’est plus disponible pour d’autres usages. Or, le pays manque déjà d’or bleu. Selon pS-Eau, un réseau de partenaires pour l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous dans les pays du Sud, basé à Paris, le taux des ressources en eau naturelle par habitant du Maroc “avoisine déjà en moyenne le seuil de 1 000 m³ par habitant et par an, communément admis comme seuil critique indiquant l’apparition de pénuries et de crise latente d’eau“. Pour l’ensemble du royaume, ce taux se situera autour de 745 m³ à l’horizon 2020. À cette date, près d’un tiers de la population totale du pays disposera de moins de 500 m³ par habitant et par an, considéré comme seuil de manque d’eau chronique. Et encore s’agit-il là d’une moyenne : un touriste au Maroc consomme 500 litres d’eau par jour, alors qu’un Marocain dispose de 40 litres par jour pour sa consommation personnelle.
Certes, d’autres usages de l’eau posent question. L’agriculture est le secteur le plus gourmand avec près de 90 % de l’eau totale consommée. “Ce qui pose problème ce sont les usages concurrentiels de l’eau, entre les besoins en eau potable, le tourisme, l’irrigation pour l’agriculture, convient Christophe Brossé, responsable Eau et environnement en Méditerranée au sein de pS-Eau. Aujourd’hui, les ressources sont consommées sans vraiment prendre conscience de la rareté (…). Il y a les golfs, mais aussi l’agriculture extensive dans le Sud qui recourt à de grandes quantités d’eau.”
D’où la question de l’utilité sociale de ces usages. “Ce n’est pas tant la quantité consommée dans l’absolu qui dérange, indique Mehdi Lahlou, universitaire à Rabat et président de l’Association pour le contrat mondial de l’eau (ACME) au Maroc. L’agriculture est la première à gaspiller l’eau dans le pays. Ce qui gêne, en revanche, c’est le type de consommation. Dans un pays qui manque d’eau, le golf apparaît comme un usage anormal, superflu. C’est cette confrontation des chiffres, ce déséquilibre entre des consommateurs privilégiés et le consommateur moyen marocain qui est le plus insupportable socialement.“
“Des études d’impact bidon”
Sans parler des gaspillages et des coûts annexes. A Agadir, au bord de l’océan, l’eau est plus chargée en sel, ce qui pose des problèmes pour l’arrosage des golfs. “À terme, Agadir ne pourra se passer d’une unité de dessalement“, indique Gérard Courbin. Qui va la payer ? En attendant, il y a bien une station d’épuration, construite à 10 km de la ville. Mais selon un spécialiste, celle-ci rejetterait dans la mer entre 25 000 à 30 000 m³ d’eau traitée, épurée, par jour, à défaut d’avoir prévu, lors de la réalisation des tranchées, les canalisations de retour pour alimenter les golfs existants !
Il y a peu de chances, cependant, que ces arguments contre les greens portent. Introduit au Maroc il y a plus de trente ans pour satisfaire la passion du défunt roi Hassan II, le golf y connaît aujourd’hui un développement frénétique porté par l’immobilier et le tourisme. En compétition avec la Tunisie , l’Égypte, la Turquie , le Maroc est prêt à tout pour attirer les visiteurs. Il vise quelque 172 000 touristes golfeurs à l’horizon 2010, contre 60 000 environ en 2006. Face à cette frénésie, les voix critiques ne sont guère écoutées. “Un ou deux golfs en plus se justifieraient, mais pas davantage. La plupart des golfs en projet servent à vendre de l’immobilier“, convient Charles Roy, ancien directeur du golf de Palmeraie Golf Palace, à Marrakech. Quant aux études d’impact, elles sont “totalement bidon, estime un professionnel, sous couvert d’anonymat. Elles sont pour la plupart réalisées par des cabinets privés qu’il est très aisé d’acheter“.
Christelle Maro
“L’été à Marrakech, il fait 40 degrés, on ne peut pas jouer au golf. L’activité ne tourne que six mois par an. Le reste du temps, on ne peut rien faire, mais on continue d’arroser. En moyenne, au Maroc, un golf de 18 trous, d’environ 50 hectares , consomme 3 500 à 4 000 m³ d’eau par jour“. En quelques mots, Gérard Courbin, directeur de SEV, une société de construction, de rénovation et d’entretien de parcours de golf, cerne le problème. Les golfs sont à la mode au royaume chérifien, mais à quel coût social ?
D’une vingtaine aujourd’hui, le nombre de golfs ouverts au Maroc devrait plus que doubler en deux ans. À Marrakech seulement, une dizaine s’ajoutera aux quatre déjà en activité. Sur l’océan Atlantique, Agadir devrait bientôt compter deux golfs en plus des trois déjà existants. Aux portes du désert aussi, les greens fleurissent. Tandis que le Royal Golf de Ouarzazate, au pied de la chaîne de l’Atlas, achève son extension à 18 trous, Ouarzazate Lake City, un autre projet proche incluant l’inévitable golf, est déjà prévu.
“Socialement insupportable”
Tant mieux pour les amateurs, mais ces investissements ont aussi un coût : l’eau nécessaire à l’entretien des golfs n’est plus disponible pour d’autres usages. Or, le pays manque déjà d’or bleu. Selon pS-Eau, un réseau de partenaires pour l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous dans les pays du Sud, basé à Paris, le taux des ressources en eau naturelle par habitant du Maroc “avoisine déjà en moyenne le seuil de 1 000 m³ par habitant et par an, communément admis comme seuil critique indiquant l’apparition de pénuries et de crise latente d’eau“. Pour l’ensemble du royaume, ce taux se situera autour de 745 m³ à l’horizon 2020. À cette date, près d’un tiers de la population totale du pays disposera de moins de 500 m³ par habitant et par an, considéré comme seuil de manque d’eau chronique. Et encore s’agit-il là d’une moyenne : un touriste au Maroc consomme 500 litres d’eau par jour, alors qu’un Marocain dispose de 40 litres par jour pour sa consommation personnelle.
Certes, d’autres usages de l’eau posent question. L’agriculture est le secteur le plus gourmand avec près de 90 % de l’eau totale consommée. “Ce qui pose problème ce sont les usages concurrentiels de l’eau, entre les besoins en eau potable, le tourisme, l’irrigation pour l’agriculture, convient Christophe Brossé, responsable Eau et environnement en Méditerranée au sein de pS-Eau. Aujourd’hui, les ressources sont consommées sans vraiment prendre conscience de la rareté (…). Il y a les golfs, mais aussi l’agriculture extensive dans le Sud qui recourt à de grandes quantités d’eau.”
D’où la question de l’utilité sociale de ces usages. “Ce n’est pas tant la quantité consommée dans l’absolu qui dérange, indique Mehdi Lahlou, universitaire à Rabat et président de l’Association pour le contrat mondial de l’eau (ACME) au Maroc. L’agriculture est la première à gaspiller l’eau dans le pays. Ce qui gêne, en revanche, c’est le type de consommation. Dans un pays qui manque d’eau, le golf apparaît comme un usage anormal, superflu. C’est cette confrontation des chiffres, ce déséquilibre entre des consommateurs privilégiés et le consommateur moyen marocain qui est le plus insupportable socialement.“
“Des études d’impact bidon”
Sans parler des gaspillages et des coûts annexes. A Agadir, au bord de l’océan, l’eau est plus chargée en sel, ce qui pose des problèmes pour l’arrosage des golfs. “À terme, Agadir ne pourra se passer d’une unité de dessalement“, indique Gérard Courbin. Qui va la payer ? En attendant, il y a bien une station d’épuration, construite à 10 km de la ville. Mais selon un spécialiste, celle-ci rejetterait dans la mer entre 25 000 à 30 000 m³ d’eau traitée, épurée, par jour, à défaut d’avoir prévu, lors de la réalisation des tranchées, les canalisations de retour pour alimenter les golfs existants !
Il y a peu de chances, cependant, que ces arguments contre les greens portent. Introduit au Maroc il y a plus de trente ans pour satisfaire la passion du défunt roi Hassan II, le golf y connaît aujourd’hui un développement frénétique porté par l’immobilier et le tourisme. En compétition avec la Tunisie , l’Égypte, la Turquie , le Maroc est prêt à tout pour attirer les visiteurs. Il vise quelque 172 000 touristes golfeurs à l’horizon 2010, contre 60 000 environ en 2006. Face à cette frénésie, les voix critiques ne sont guère écoutées. “Un ou deux golfs en plus se justifieraient, mais pas davantage. La plupart des golfs en projet servent à vendre de l’immobilier“, convient Charles Roy, ancien directeur du golf de Palmeraie Golf Palace, à Marrakech. Quant aux études d’impact, elles sont “totalement bidon, estime un professionnel, sous couvert d’anonymat. Elles sont pour la plupart réalisées par des cabinets privés qu’il est très aisé d’acheter“.
Christelle Maro
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