Les Etats-Unis, une justice «à la carte», la France, une suspicion légitime
René Naba | 10.08.2010 | Paris
V- Les Etats-Unis, une justice «à la carte», la France, une suspicion légitime
Paris, 19 août 2010 – La justice pénale internationale, dont l’avènement avait été salué comme annonciateur d’une ère nouvelle est, ainsi, d’emblée, obérée par sa sélectivité et ses immunités, en un mot par sa partialité. Les Etats-Unis, un des tortionnaires majeurs de l’époque contemporaine, le maître d’œuvre des tortures de la base américaine de Guantanamo (Cuba), de Bagram (Afghanistan) et d’Abou Ghraib (Irak), de même qu’Israël, considéré par une fraction importante de l’opinion publique mondiale comme «l’Etat voyou N°1» de la scène internationale, n’ont pas souscrit au traité fondateur de la Cour pénale internationale. Ils disposent de ce fait d’un privilège de juridiction qui leur confère une sorte d’immunité régalienne les plaçant à l’abri des poursuites, héritage de l’ancien «régime des capitulations» de l’empire ottomane.
«Depuis Nuremberg, les Etats-Unis ont toujours prôné et construit une justice « à la carte ». Le propos d’une grande limpidité ne provient pas d’un pourfendeur aigri de l’Imperium américain, mû, selon l’expression consacrée, par un «antiaméricanisme primaire», mais d’un journaliste du quotidien français le Monde, quotidien de référence s’il en est. Analysant «La nouvelle victoire américaine à propos de la Cour Pénale Internationale», à la suite de l’adoption de la définition juridique du «crime d’agression», en complément aux crimes de génocide et crimes contre l’humanité, Stéphanie Maupas soutient «Que ce soit pour les crimes nazis, japonais, rwandais ou yougoslaves, Washington est toujours parvenu à imposer sa liste de suspects, quand d’autres étaient soit « oubliés », soit acquittés(…) «Enjeux clés de cette justice qui menace chefs d’Etat et hauts gradés, les cibles des procureurs successifs ont toujours fait l’objet de tractations», relève-t-elle dans une correspondance de La Haye en date du 27 juillet 2010. La réforme a été adoptée par cent onze états membres, mais la décision de sa mise en œuvre a été repoussée à dans sept ans.
Il en est de même des autres pays du champ occidental. La France, hébergeur du faux témoin syrien Zouheir Siddiq, compte à son actif l’élimination des principaux opposants du tiers monde hostiles à son hégémonie, Félix Mounier (Cameroun-1958), Mehdi Ben Barka (Maroc 1965), de même que les chefs de file du mouvement indépendantiste Kanak Jean Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné, tous deux assassinés en 1989 en Nouvelle Calédonie sur un territoire dont la France a la charge de sa sécurité, ou enfin le chef de l’opposition tchadienne Ibn Omar Mahmat Saleh (2008), arrêté à la suite d’informations émanant des services d’écoute de l’armée française.
Une «suspicion légitime» frappe d’ailleurs la France tant en ce qui concerne le Darfour que le Liban, en raison de son rôle présumé dans l’élimination de l’opposant tchadien et de son activisme à «internationaliser» l’assassinat de Rafic Hariri, un crime relevant en principe du droit pénal libanais. Le président français de l’époque, Jacques Chirac, un obligé notoire de l’ancien premier ministre libanais, s’est appliqué à porter devant la justice pénale internationale le cas Hariri. La reconnaissance du ventre ne saurait donner lieu à des excès, ni à manipuler de faux témoins. et l’honneur d’un homme ne se lave pas par le recours à de témoins stipendiés.
Les bévues qui ont émaillé la procédure, la partialité du premier enquêteur l’allemand Detlev Mehlis, ont plongé le Tribunal dans un climat de suspicion généralisé tant en ce qui concerne sa fonction première que sa finalité, que le choix de ses officiants. Au terme de cinq ans de fonctionnement, le TSL constitue à proprement parler une parodie de justice d’autant plus symptomatique qu’il a constamment écarté de son champ d’investigation, le volet israélien, en opposition avec le principe du débat contradictoire, quand bien même le système des télécommunications libanais s’est avéré être sous contrôle israélien. Cette découverte, qui pourrait avoir de sérieuses implications concernant la détermination des responsabilités, devrait conduire le tribunal à reconsidérer sa position d’autant plus impérativement que la crédibilité des données est désormais frappée de suspicion du fait de la main mise du Mossad sur les communications libanaises. L’enquête internationale dans son ensemble risque ainsi de s’effondrer.
Le tribunal spécial sur le Liban, institué par un accord conclu entre le Liban et les Nations Unies, le 5 juin 2005, confère des privilèges exorbitants à la commission d’enquête de l’ONU en ce qu’elle permet à cette instance d’exercer une tutelle de fait sur les autorités locales libanaises, en l’habilitant à enquêter sur un fait qui ne constitue pas un «crime international» juridiquement parlant. Mais le fait de privilégier le cas du chef du clan saoudo américain au Moyen orient, au détriment d’autres personnalités éminentes de la scène internationale (Benazir Bhutto Pakistan 2007, Salvador Allende Chili 1973, Patrice Lumumba Congo Kinshasa 1961), au détriment des dizaines de personnalités libanaises, au détriment des milliers des victimes civiles de la guerre libanaise, au détriment des dizaines de dirigeants palestiniens et des milliers de civils palestiniens tués par les Israéliens, donne à penser que la coalition occidentale entend placer sur la défensive les principaux contestataires de l’ordre hégémonique américain dans la zone, l’Iran, via le dossier nucléaire, La Syrie et le Hezbollah, via le dossier Hariri, principal pierre d’achoppement à la capitulation déguisée conduite par le président palestinien Mahmoud Abbas.
La sélectivité dans son choix porte préjudice au Tribunal en ce qu’elle constitue une négation du principe d’universalité de la justice internationale et fait craindre une instrumentalisation de cette juridiction à des fins politiques au service des desseins du camp occidental. Sauf infléchissement ultérieur, un tel tri sélectif opéré en Mars 2009 – Rafic Hariri/Liban (1er mars) et Omar al-Bachir /Soudan (4 mars) – à l’exclusion de tout autre cas similaire, pourrait dénaturer sa posture morale en imposture, la négation même de la notion de justice. Le ciblage du monde arabo africain, à l’exclusion de toute autre sphère géopolitique, à la notable exception de l’ex Yougoslavie et du Cambodge, séquelles du bloc communiste, paraît ressortir d’un projet visant à maintenir sous pression la zone privilégiée d’expansion de la Chine et de la Russie, sur la flanc méridional du camp occidental, en désignant à la vindicte publique leurs traditionnels alliés régionaux, la Syrie, l’Iran et le Soudan. Plaide en faveur de cette thèse, le choix discriminatoire de traduire devant la justice internationale les assassins de Rafic Hariri et pas ceux de Benazir Bhutto, de poursuivre le soudanais Omar El Bachir et non le tchadien Idris Deby au bilan sanguinairement comparable, voire même du libyen Mouammar al Kadhafi, responsable de la disparition du chef spirituel de la communauté chiite du Liban l’Imam Moussa Sadr.
VI - La criminalisation du Hezbollah, une guerre de substitution contre l’Iran.
La neutralisation d’un important lot d’agents israéliens, particulièrement dans le secteur sensible de la téléphonie cellulaire, dont les relevés fondent l’acte d’accusation, pose le problème de la fiabilité des preuves des enquêteurs internationaux. L’acte d’accusation a été divulgué par anticipation, en Mai 2010, sans que l’autorité compétente se ravise, aux mépris des règles les plus élémentaires de la procédure pénale internationale. Sa teneur a été communiquée officieusement au Hezbollah, non par la voie judiciaire compétente, mais par le propre chef du gouvernement du pays plaignant, et propre fils de la victime, Saad Hariri à Hassan Nasrallah dans une conversation à huis clos dans une démarche qui s’apparente à un marchandage. L’implication de «trois membres indisciplinés» du Hezbollah pour solde de toute compte du contentieux qui oppose sunnites et chiites dans le monde arabe depuis l’invasion américaine de l’Irak, en 2003.
L’offre a été refusée et portée sur la place publique. Quiconque connaît le fonctionnement du Hezbollah à la discipline toute spartiate, le pointage d’un membre «indiscipliné» de ce mouvement constituerait l’aveu d’un dysfonctionnement, d’une absence de contrôle du chef du mouvement sur ses troupes. Pis, elle stigmatiserait le Hezbollah de l’accusation de régicide à l’effet de le marquer du sceau de l‘infamie au regard des sunnites, le courant majoritaire de l’Islam dans le monde arabe et musulman, et de plomber du même coup la légendaire réputation du Hezbollah en tant qu’organisation disciplinée exclusivement consacrée à la lutte contre Israël. Une accusation qui constituerait le point de basculement vers une guerre sunnite – chiite sur l’ensemble du monde arabe, particulièrement au Liban et les monarchies du golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Koweït) où résident de fortes minorités chiites. L’un des principaux inculpés, Jamil Sayyed, accusera publiquement à sa libération le tribunal de lui avoir demandé de se désigner comme «bouc émissaire» afin de conclure l’instruction et de clore le dossier. Un scénario identique semble se reproduire à l’encontre du Hezbollah.
René Naba | 10.08.2010 | Paris
V- Les Etats-Unis, une justice «à la carte», la France, une suspicion légitime
Paris, 19 août 2010 – La justice pénale internationale, dont l’avènement avait été salué comme annonciateur d’une ère nouvelle est, ainsi, d’emblée, obérée par sa sélectivité et ses immunités, en un mot par sa partialité. Les Etats-Unis, un des tortionnaires majeurs de l’époque contemporaine, le maître d’œuvre des tortures de la base américaine de Guantanamo (Cuba), de Bagram (Afghanistan) et d’Abou Ghraib (Irak), de même qu’Israël, considéré par une fraction importante de l’opinion publique mondiale comme «l’Etat voyou N°1» de la scène internationale, n’ont pas souscrit au traité fondateur de la Cour pénale internationale. Ils disposent de ce fait d’un privilège de juridiction qui leur confère une sorte d’immunité régalienne les plaçant à l’abri des poursuites, héritage de l’ancien «régime des capitulations» de l’empire ottomane.
«Depuis Nuremberg, les Etats-Unis ont toujours prôné et construit une justice « à la carte ». Le propos d’une grande limpidité ne provient pas d’un pourfendeur aigri de l’Imperium américain, mû, selon l’expression consacrée, par un «antiaméricanisme primaire», mais d’un journaliste du quotidien français le Monde, quotidien de référence s’il en est. Analysant «La nouvelle victoire américaine à propos de la Cour Pénale Internationale», à la suite de l’adoption de la définition juridique du «crime d’agression», en complément aux crimes de génocide et crimes contre l’humanité, Stéphanie Maupas soutient «Que ce soit pour les crimes nazis, japonais, rwandais ou yougoslaves, Washington est toujours parvenu à imposer sa liste de suspects, quand d’autres étaient soit « oubliés », soit acquittés(…) «Enjeux clés de cette justice qui menace chefs d’Etat et hauts gradés, les cibles des procureurs successifs ont toujours fait l’objet de tractations», relève-t-elle dans une correspondance de La Haye en date du 27 juillet 2010. La réforme a été adoptée par cent onze états membres, mais la décision de sa mise en œuvre a été repoussée à dans sept ans.
Il en est de même des autres pays du champ occidental. La France, hébergeur du faux témoin syrien Zouheir Siddiq, compte à son actif l’élimination des principaux opposants du tiers monde hostiles à son hégémonie, Félix Mounier (Cameroun-1958), Mehdi Ben Barka (Maroc 1965), de même que les chefs de file du mouvement indépendantiste Kanak Jean Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné, tous deux assassinés en 1989 en Nouvelle Calédonie sur un territoire dont la France a la charge de sa sécurité, ou enfin le chef de l’opposition tchadienne Ibn Omar Mahmat Saleh (2008), arrêté à la suite d’informations émanant des services d’écoute de l’armée française.
Une «suspicion légitime» frappe d’ailleurs la France tant en ce qui concerne le Darfour que le Liban, en raison de son rôle présumé dans l’élimination de l’opposant tchadien et de son activisme à «internationaliser» l’assassinat de Rafic Hariri, un crime relevant en principe du droit pénal libanais. Le président français de l’époque, Jacques Chirac, un obligé notoire de l’ancien premier ministre libanais, s’est appliqué à porter devant la justice pénale internationale le cas Hariri. La reconnaissance du ventre ne saurait donner lieu à des excès, ni à manipuler de faux témoins. et l’honneur d’un homme ne se lave pas par le recours à de témoins stipendiés.
Les bévues qui ont émaillé la procédure, la partialité du premier enquêteur l’allemand Detlev Mehlis, ont plongé le Tribunal dans un climat de suspicion généralisé tant en ce qui concerne sa fonction première que sa finalité, que le choix de ses officiants. Au terme de cinq ans de fonctionnement, le TSL constitue à proprement parler une parodie de justice d’autant plus symptomatique qu’il a constamment écarté de son champ d’investigation, le volet israélien, en opposition avec le principe du débat contradictoire, quand bien même le système des télécommunications libanais s’est avéré être sous contrôle israélien. Cette découverte, qui pourrait avoir de sérieuses implications concernant la détermination des responsabilités, devrait conduire le tribunal à reconsidérer sa position d’autant plus impérativement que la crédibilité des données est désormais frappée de suspicion du fait de la main mise du Mossad sur les communications libanaises. L’enquête internationale dans son ensemble risque ainsi de s’effondrer.
Le tribunal spécial sur le Liban, institué par un accord conclu entre le Liban et les Nations Unies, le 5 juin 2005, confère des privilèges exorbitants à la commission d’enquête de l’ONU en ce qu’elle permet à cette instance d’exercer une tutelle de fait sur les autorités locales libanaises, en l’habilitant à enquêter sur un fait qui ne constitue pas un «crime international» juridiquement parlant. Mais le fait de privilégier le cas du chef du clan saoudo américain au Moyen orient, au détriment d’autres personnalités éminentes de la scène internationale (Benazir Bhutto Pakistan 2007, Salvador Allende Chili 1973, Patrice Lumumba Congo Kinshasa 1961), au détriment des dizaines de personnalités libanaises, au détriment des milliers des victimes civiles de la guerre libanaise, au détriment des dizaines de dirigeants palestiniens et des milliers de civils palestiniens tués par les Israéliens, donne à penser que la coalition occidentale entend placer sur la défensive les principaux contestataires de l’ordre hégémonique américain dans la zone, l’Iran, via le dossier nucléaire, La Syrie et le Hezbollah, via le dossier Hariri, principal pierre d’achoppement à la capitulation déguisée conduite par le président palestinien Mahmoud Abbas.
La sélectivité dans son choix porte préjudice au Tribunal en ce qu’elle constitue une négation du principe d’universalité de la justice internationale et fait craindre une instrumentalisation de cette juridiction à des fins politiques au service des desseins du camp occidental. Sauf infléchissement ultérieur, un tel tri sélectif opéré en Mars 2009 – Rafic Hariri/Liban (1er mars) et Omar al-Bachir /Soudan (4 mars) – à l’exclusion de tout autre cas similaire, pourrait dénaturer sa posture morale en imposture, la négation même de la notion de justice. Le ciblage du monde arabo africain, à l’exclusion de toute autre sphère géopolitique, à la notable exception de l’ex Yougoslavie et du Cambodge, séquelles du bloc communiste, paraît ressortir d’un projet visant à maintenir sous pression la zone privilégiée d’expansion de la Chine et de la Russie, sur la flanc méridional du camp occidental, en désignant à la vindicte publique leurs traditionnels alliés régionaux, la Syrie, l’Iran et le Soudan. Plaide en faveur de cette thèse, le choix discriminatoire de traduire devant la justice internationale les assassins de Rafic Hariri et pas ceux de Benazir Bhutto, de poursuivre le soudanais Omar El Bachir et non le tchadien Idris Deby au bilan sanguinairement comparable, voire même du libyen Mouammar al Kadhafi, responsable de la disparition du chef spirituel de la communauté chiite du Liban l’Imam Moussa Sadr.
VI - La criminalisation du Hezbollah, une guerre de substitution contre l’Iran.
La neutralisation d’un important lot d’agents israéliens, particulièrement dans le secteur sensible de la téléphonie cellulaire, dont les relevés fondent l’acte d’accusation, pose le problème de la fiabilité des preuves des enquêteurs internationaux. L’acte d’accusation a été divulgué par anticipation, en Mai 2010, sans que l’autorité compétente se ravise, aux mépris des règles les plus élémentaires de la procédure pénale internationale. Sa teneur a été communiquée officieusement au Hezbollah, non par la voie judiciaire compétente, mais par le propre chef du gouvernement du pays plaignant, et propre fils de la victime, Saad Hariri à Hassan Nasrallah dans une conversation à huis clos dans une démarche qui s’apparente à un marchandage. L’implication de «trois membres indisciplinés» du Hezbollah pour solde de toute compte du contentieux qui oppose sunnites et chiites dans le monde arabe depuis l’invasion américaine de l’Irak, en 2003.
L’offre a été refusée et portée sur la place publique. Quiconque connaît le fonctionnement du Hezbollah à la discipline toute spartiate, le pointage d’un membre «indiscipliné» de ce mouvement constituerait l’aveu d’un dysfonctionnement, d’une absence de contrôle du chef du mouvement sur ses troupes. Pis, elle stigmatiserait le Hezbollah de l’accusation de régicide à l’effet de le marquer du sceau de l‘infamie au regard des sunnites, le courant majoritaire de l’Islam dans le monde arabe et musulman, et de plomber du même coup la légendaire réputation du Hezbollah en tant qu’organisation disciplinée exclusivement consacrée à la lutte contre Israël. Une accusation qui constituerait le point de basculement vers une guerre sunnite – chiite sur l’ensemble du monde arabe, particulièrement au Liban et les monarchies du golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Koweït) où résident de fortes minorités chiites. L’un des principaux inculpés, Jamil Sayyed, accusera publiquement à sa libération le tribunal de lui avoir demandé de se désigner comme «bouc émissaire» afin de conclure l’instruction et de clore le dossier. Un scénario identique semble se reproduire à l’encontre du Hezbollah.
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