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Nicolas Sarkozy : un système en panne

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    Nicolas Sarkozy : un système en panne
    Insécurité : pourquoi la "stratégie présentielle" ne fonctionne plus

    | 03.09.10 | 14h13

    La démultiplication dans les médias des images du ministre sur le terrain est censée produire sur les Français un "effet placebo" : à défaut de faire baisser l'insécurité réelle, elle apaise tout au moins le "sentiment d'insécurité". L'affichage par l'exécutif d'une énergie et d'une détermination sans faille dans le combat contre l'insécurité est censé conférer à la politique menée une dimension que les linguistes appellent performative : "dire, c'est faire". De plus, le président et son fidèle exécutant appliquent un autre principe, celui qui consiste à prendre la partie pour le tout : la cible des Roms devient l'emblème de l'implication des pouvoirs publics dans leur combat universel contre toute forme d'insécurité.

    Cette stratégie a fonctionné entre 2002 et 2008, Place Beauvau puis à l'Elysée. Elle a produit des effets parce que la mise en oeuvre de la méthode et de l'homme qui la portait s'inscrivait en rupture avec le "déclinisme" ambiant et l'impuissance avérée du politique, dont Jacques Chirac était devenu le symbole. Le déplacement sur le terrain signifiait que le rôle des hommes politiques est d'aller à la rencontre du "pays réel". Dès mai 2007, le ministre de l'intérieur élu président a appliqué la même recette en l'élargissant à tous ses domaines de responsabilité.
    Les Français se montrent dans un premier temps satisfaits de cette reprise en main. Ils voient Nicolas Sarkozy faire ce pour quoi ils l'ont élu : s'appliquer à résoudre les problèmes du pays. Découvrant chaque soir aux "20 heures" les images de sa présence sur le terrain, ils se félicitent de constater le pouvoir recouvré du politique.


    Le problème est que cette stratégie ne fonctionne plus et que cette belle mécanique s'est enrayée. Pour plusieurs raisons. Cette politique, d'abord, a fini par apparaître comme un élément de la geste présidentielle sans effet réel sur le quotidien des gens. Un effet d'annonce que les résultats de la politique menée ne confirmaient pas, en tout cas pas toujours. La méthode s'est autodétruite en se disqualifiant. Là où Nicolas Sarkozy profitait du levier performatif, c'est l'inverse qui se produit. Le "logiciel sécurité" marche à l'envers : "dire, c'est ne pas faire" ou "dire, c'est faire semblant", voire "dire, c'est faire diversion".


    Mais les dégâts sont dévastateurs. Ils discréditent non seulement le chef de l'Etat, mais aussi l'ensemble des dirigeants politiques, y compris de gauche. Autre raison de l'échec de la méthode : son décryptage patient et minutieux instruit depuis trois ans par des médias, des humoristes, des intellectuels, des chercheurs, bien davantage - il faut le regretter - que par l'opposition ou les partis politiques...


    En outre, la crise est passée par là, exacerbant chez nos compatriotes une attente de vérité : les Français ont eu le sentiment, à l'automne 2008, après la chute de Lehmann Brothers, d'avoir été "menés en bateau" par leurs dirigeants nationaux, coresponsables de la crise au sens où ils auraient davantage servi les intérêts de la finance et des grands groupes internationaux que ceux du pays. Ils ne leur font plus confiance ; ils ne se contentent plus de bonnes paroles et exigent des preuves. Dans la sphère publique comme privée, le discours seul ne suffit pas, on veut des résultats.


    En persistant dans sa stratégie "présentielle", c'est-à-dire en appliquant un logiciel "Sarkozy 2002-2007" qui fonctionne maintenant à l'envers, M. Sarkozy commet une erreur stratégique. Il prend le risque de s'enfermer dans la spirale de l'échec. La croyance que les mêmes schémas produisent les mêmes effets est erronée : penser en particulier que les électeurs du Front national vont revenir au bercail de la majorité pour les mêmes raisons que celles qui les ont vus être séduits par le candidat UMP de 2007 est une erreur profonde.


    Nicolas Sarkozy ayant, depuis, perdu le crédit de sa capacité à agir, une politique sécuritaire exaltée a pour effet de produire l'exacerbation du sentiment d'insécurité, et non pas le renforcement du sentiment d'efficacité de cette politique. Plus grave encore : ce qui se passe en ce moment profite au seul parti qui n'ait pas failli sur ce terrain - et pour cause, il n'a jamais accédé au pouvoir -, celui de Jean-Marie Le Pen.
    Cela ne veut pas dire que le FN profite de la séquence actuelle. Mais il engrange une crédibilité d'estime qu'il est capable de transformer le moment venu en monnaie électorale sonnante et trébuchante. Tout dépendra en l'espèce de la manière dont le relais sera passé du père à la fille d'ici à 2012.


    Marine Le Pen a démontré qu'elle disposait de qualités redoutables de stratège et qu'elle n'était pas disposée à conduire une campagne de témoignage, mais à engager un processus devant lui permettre d'accéder au pouvoir. Le fait que le FN ne profite pas électoralement des difficultés de Nicolas Sarkozy ne doit pas masquer la possibilité que ce parti quitte, sans qu'on s'en rende compte, son créneau protestataire pour aller sur un créneau plus opérationnel.


    L'ultime erreur du président est de croire que l'insécurité est la clé de la victoire de 2012 et qu'il est urgent d'occuper le terrain en l'inscrivant sur l'agenda médiatique. Le schéma de la présidentielle de 2002 - qui avait vu le sentiment d'insécurité monter, les mois précédents le scrutin, jusqu'à déboucher sur le recalage le 21 avril de Lionel Jospin, dit "le naïf" en matière d'insécurité, et la qualification de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac, pour le second tour, ne se reproduira pas.


    La crise est passée par là, qui a apporté son nouveau paradigme : celui des injustices contre lesquelles il faut lutter, comme l'illustre l'affaire Bettencourt, et non celui des insécurités. Or, à condition de bien rappeler que l'insécurité est l'une des injustices dont pâtissent les catégories modestes et de s'armer aussi contre elle, la gauche est mieux placée que la droite sur le terrain de la lutte contre les injustices, dès lors qu'elle donne toute sa place, dans une large alliance allant de la gauche radicale jusqu'au centre droit, à la voix qu'incarne désormais, au nom des Verts et d'Europe Ecologie, Eva Joly.
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