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Istanbul a la folie des grandeurs

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  • Istanbul a la folie des grandeurs

    Une statue de trente mètres de haut, des tours jumelles de 300 mètres, un nouveau port, les grands projets bouleversent la mégapole turque.

    Du haut de ses trente mètres, le sultan Mehmet II contemplera les tankers en route vers la mer Noire. Comme la statue de la Liberté dans la baie de New York, l'effigie du conquérant de Constantinople trônera à l'entrée du Bosphore. Sur la rive d'en face, un mini-Manhattan va sortir de terre, avec sept gratte-ciel, une marina, des résidences de luxe... Quant à la majestueuse gare d'Haydarpasa, datant du début du vingtième siècle, elle sera reconvertie en palace.

    Ce projet pharaonique n'est qu'un exemple parmi d'autres. La face d'Istanbul va changer : rénovée, réhabilitée, transfigurée par une politique de grands travaux voulue par le gouvernement. «Le premier ministre Erdogan a des ambitions pour cette ville (NDLR : dont il fut maire) comme François Mitterrand en a eu pour Paris, compare l'urbaniste Firat Akbolut. Il veut y laisser son empreinte.»

    La mégapole de 12 millions d'habitants se doit de retrouver son rang «de ville qui influence le monde», confirme son maire Kadir Topbas. Pour lui, celle qui fut la capitale de trois grands empires a «dans sa mémoire génétique la conscience d'être une ville mondiale». L'organisation d'événements sportifs à la dimension internationale s'inscrit dans cette logique : l'an dernier, la finale de la Ligue des champions de football y a été disputée ainsi que le premier grand prix de Formule 1 de Turquie. En décembre, Istanbul a déposé sa candidature pour être la capitale européenne de la culture en 2010...

    Un tunnel sous le Bosphore

    Après la crise de 2001 qui a mené le pays à la banqueroute, l'embellie économique rejaillit sur Istanbul. La récente et inédite rigueur budgétaire turque rassure également les bailleurs internationaux. Le remboursement de la dette du pays avale tout surplus budgétaire et Ankara n'a pas les moyens de financer les infrastructures dont le pays a pourtant grand besoin. Ce sont donc deux prêts de la banque japonaise pour la coopération internationale et de la Banque européenne d'investissement qui financent le «Marmaray». Cette ligne ferroviaire de 76 kilomètres de long reliera les parties européenne et asiatique de la ville : un tunnel long de 1,4 km sous le Bosphore est en cours de construction. Tout un symbole pour cette ville qui revendique le symbole de pont entre les deux continents.

    «Istanbul est devenu une des meilleurs places mondiales pour investir, s'enthousiasme Abdurrahman Ariman, consultant et ancien dirigeant de l'Association des investissements étrangers. Même Shanghaï ne possède pas une telle capacité d'absorption.» Les pays du Golfe s'y ruent littéralement. La municipalité a signé à l'automne dernier un protocole avec le prince héritier de Dubaï qui prévoit un investissement de plus de quatre milliards d'euros dans le secteur de l'immobilier. Construction tout azimut d'hôtels cinq étoiles et d'une «Silicon Valley», sur le modèle de celles qui existent en Inde et en Malaisie... Le point d'orgue de ce contrat sera l'érection des «Dubai Towers» au milieu du quartier d'affaires de Levent pour un coût de 420 millions d'euros : deux tours jumelles de verre, hélicoïdales et hautes de 300 mètres !

    Appel d'offres et scandale

    La base idéologique religieuse du gouvernement AKP a favorisé la confiance des monarchies pétrolières en quête de nouveaux débouchés pour leurs pétrodollars. Istanbul aiguise les appétits... et déclenche des scandales. Le consortium Royal Global a ainsi mis 3,5 milliards d'euros sur la table, trois fois plus que ses concurrents, pour décrocher le marché de la réhabilitation et la gestion de Galataport, une zone portuaire à vocation touristique très bien située, à l'entrée de la Corne d'Or.

    A la descente des paquebots, les 100 000 vacanciers supplémentaires attendus chaque année disposeront de 21 fast-foods et d'un centre commercial. Pour se divertir ils auront le choix entre un aquarium, le centre de loisirs et ses sept salles de cinéma. Et Istanbul Modern, le musée phare de l'art contemporain, qui a pris ses quartiers en 2004 dans un ancien entrepôt après un investissement de 6,5 millions d'euros, pourrait tout simplement être détruit.

    Mais le flou qui a entouré l'appel d'offres de ce projet a fait les gros titres de la presse : l'un des associés du consortium qui a remporté la mise entretient des liens étroits avec l'AKP. D'ailleurs, le Conseil d'Etat vient annuler l'appel d'offres pour irrégularités. Le ministre des Finances, Kemal Unakitan, proche du premier ministre, est éclaboussé par le scandale.

    La frénésie d'investissements entraîne dans son sillage autant de critiques. «Il faut dire que les projets partent dans tous les sens, ils sont juxtaposés les uns aux autres, explique Jean-François Pérouse, directeur de l'Observatoire urbain d'Istanbul. Il s'agit d'un aménagement de l'agglomération à court terme, un modèle d'anti-ville durable, en quelque sorte.» Les associations fustigent l'importation de la culture américaine au coeur du centre historique d'Istanbul.

    Par le Figaro
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