Par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences
La plus haute distinction du CNRS vient récompenser les travaux originaux de Gérard Férey, qu'il a conduits aux frontières de plusieurs domaines : physique, chimie organique et chimie minérale. Ses cages moléculaires peuvent transporter des médicaments, piéger le dioxyde de carbone ou stocker l'hydrogène. De la chimie à la médecine, les applications sont innombrables.
Les solides poreux hybrides : voilà la spécialité de Gérard Férey, fondateur et directeur de l'Institut Lavoisier Versailles (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines-CNRS) et membre de l'Académie des sciences. Hybrides parce que ces matériaux sont constitués à la fois de composés organiques (dont les molécules sont des chaînes de carbone) et inorganiques. Poreux parce qu'ils comportent des cavités, prenant la forme de pores ou de tunnels, dont la taille, mesurée en nanomètres, est de l'ordre de celle d'une petite molécule, voire d'une protéine.
Ces matériaux curieux ont un modèle naturel : la zéolithe, dont la structure cristalline ménage des cavités microscopiques. Dans ce volume intérieur, la surface totale de ces pores est énorme et, par adsorption, elle peut retenir toutes sortes de molécules, même des gaz. En fixant ces molécules sur une surface, ces matériaux poreux peuvent aussi favoriser (catalyser) des réactions chimiques.
L'intérêt pour ces matières poreuses est donc très grand et concerne de nombreux domaines de l'industrie et de la médecine. Les travaux de Gérard Férey, à l'Institut Lavoisier et même dans ces études antérieures, ont d'ailleurs été depuis longtemps remarqués par la communauté scientifique internationale. Ce chercheur est même, comme vient de le souligner Gilberte Chambaud, directrice de l'institut de chimie du CNRS (rapporté par Le Figaro), le chimiste français le plus cité après Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie 1987. Plusieurs prix sont déjà venus récompenser ces travaux pionniers et originaux.
Les frontières, des zones riches mais réservées aux esprits indépendants
Originaux, oui, car ils s'appuient sur plusieurs disciplines, ordinairement séparées. Lorsqu'on est chimiste organicien, on ne fait pas de chimie minérale. Méthodes, instruments, modèles théoriques, modes de pensée, laboratoires spécialisés, colloques... : tout diffère d'un camp à l'autre. Il en est de même pour la chimie et la physique, entre lesquelles la frontière reste peu fréquentée. Il faut en général de grands esprits pour s'aventurer dans ces noman's lands. C'est le cas, par exemple, de Jean-Marie Lehn, avec sa chimie supramoléculaire. On peut citer aussi Pierre-Gilles de Gennes qui a navigué avec aisance de la physique à la chimie et défriché des terres inconnues.
A l'Institut Lavoisier, cette démarche s'est révélée fructueuse. Depuis plusieurs années, une série de matériaux aux propriétés nouvelles et potentiellement très utiles ont été présentées. Les équipes cherchent à maîtriser la taille des pores pour réaliser des matériaux aux propriétés spécifiques. Beaucoup sont des cristaux organiques contenant des métaux : les MOF (Metal-Organic Frameworks, réseaux organométalliques). Tous sont baptisés MIL, pour Matériau de l'Institut Lavoisier, et reconnus par un numéro.
Le MIL-53, aujourd'hui commercialisé par BASF sous le nom de Basolite, peut servir de réservoir à hydrogène gazeux. Le plus célèbre est sans doute le MIL-101, à base de téréphtalate pour la partie organique (comme le MIL-53) et de chrome. Ce matériau absorbe 400 fois son volume de dioxyde de carbone et pourrait donc servir de piège très efficace dans des processus industriels.
Un autre débouché est celui du médicament. Dans ces pores de tailles contrôlées, il est possible de glisser des molécules d'intérêt qui seront protégées des agressions extérieures jusqu'au lieu où elles pourront être libérées, comme des sortes de gélules microscopiques. Des essais cliniques sont déjà en cours pour tester le MIL-101 comme transporteur de différents médicaments, notamment contre le Sida. Enfin, les propriétés catalytiques de ces matériaux poreux intéressent toute l'industrie chimique, y compris la pétrochimie.
Pour avoir contribué à cette dynamique, Gérard Férey reçoit aujourd'hui une médaille d'or, qui paraît donc bien méritée. La récompense met aussi en lumière un domaine scientifique souvent mal aimé. Avec l'initiative Ambition chimie, Gérard Férey, encore lui, veut changer l'image de cette science aux yeux du grand public.
La plus haute distinction du CNRS vient récompenser les travaux originaux de Gérard Férey, qu'il a conduits aux frontières de plusieurs domaines : physique, chimie organique et chimie minérale. Ses cages moléculaires peuvent transporter des médicaments, piéger le dioxyde de carbone ou stocker l'hydrogène. De la chimie à la médecine, les applications sont innombrables.
Les solides poreux hybrides : voilà la spécialité de Gérard Férey, fondateur et directeur de l'Institut Lavoisier Versailles (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines-CNRS) et membre de l'Académie des sciences. Hybrides parce que ces matériaux sont constitués à la fois de composés organiques (dont les molécules sont des chaînes de carbone) et inorganiques. Poreux parce qu'ils comportent des cavités, prenant la forme de pores ou de tunnels, dont la taille, mesurée en nanomètres, est de l'ordre de celle d'une petite molécule, voire d'une protéine.
Ces matériaux curieux ont un modèle naturel : la zéolithe, dont la structure cristalline ménage des cavités microscopiques. Dans ce volume intérieur, la surface totale de ces pores est énorme et, par adsorption, elle peut retenir toutes sortes de molécules, même des gaz. En fixant ces molécules sur une surface, ces matériaux poreux peuvent aussi favoriser (catalyser) des réactions chimiques.
L'intérêt pour ces matières poreuses est donc très grand et concerne de nombreux domaines de l'industrie et de la médecine. Les travaux de Gérard Férey, à l'Institut Lavoisier et même dans ces études antérieures, ont d'ailleurs été depuis longtemps remarqués par la communauté scientifique internationale. Ce chercheur est même, comme vient de le souligner Gilberte Chambaud, directrice de l'institut de chimie du CNRS (rapporté par Le Figaro), le chimiste français le plus cité après Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie 1987. Plusieurs prix sont déjà venus récompenser ces travaux pionniers et originaux.
Les frontières, des zones riches mais réservées aux esprits indépendants
Originaux, oui, car ils s'appuient sur plusieurs disciplines, ordinairement séparées. Lorsqu'on est chimiste organicien, on ne fait pas de chimie minérale. Méthodes, instruments, modèles théoriques, modes de pensée, laboratoires spécialisés, colloques... : tout diffère d'un camp à l'autre. Il en est de même pour la chimie et la physique, entre lesquelles la frontière reste peu fréquentée. Il faut en général de grands esprits pour s'aventurer dans ces noman's lands. C'est le cas, par exemple, de Jean-Marie Lehn, avec sa chimie supramoléculaire. On peut citer aussi Pierre-Gilles de Gennes qui a navigué avec aisance de la physique à la chimie et défriché des terres inconnues.
A l'Institut Lavoisier, cette démarche s'est révélée fructueuse. Depuis plusieurs années, une série de matériaux aux propriétés nouvelles et potentiellement très utiles ont été présentées. Les équipes cherchent à maîtriser la taille des pores pour réaliser des matériaux aux propriétés spécifiques. Beaucoup sont des cristaux organiques contenant des métaux : les MOF (Metal-Organic Frameworks, réseaux organométalliques). Tous sont baptisés MIL, pour Matériau de l'Institut Lavoisier, et reconnus par un numéro.
Le MIL-53, aujourd'hui commercialisé par BASF sous le nom de Basolite, peut servir de réservoir à hydrogène gazeux. Le plus célèbre est sans doute le MIL-101, à base de téréphtalate pour la partie organique (comme le MIL-53) et de chrome. Ce matériau absorbe 400 fois son volume de dioxyde de carbone et pourrait donc servir de piège très efficace dans des processus industriels.
Un autre débouché est celui du médicament. Dans ces pores de tailles contrôlées, il est possible de glisser des molécules d'intérêt qui seront protégées des agressions extérieures jusqu'au lieu où elles pourront être libérées, comme des sortes de gélules microscopiques. Des essais cliniques sont déjà en cours pour tester le MIL-101 comme transporteur de différents médicaments, notamment contre le Sida. Enfin, les propriétés catalytiques de ces matériaux poreux intéressent toute l'industrie chimique, y compris la pétrochimie.
Pour avoir contribué à cette dynamique, Gérard Férey reçoit aujourd'hui une médaille d'or, qui paraît donc bien méritée. La récompense met aussi en lumière un domaine scientifique souvent mal aimé. Avec l'initiative Ambition chimie, Gérard Férey, encore lui, veut changer l'image de cette science aux yeux du grand public.
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