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Et vive la forme.

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  • Et vive la forme.

    Montréal, au crépuscule de l'hiver et à l'aube du printemps. Cest laid ! Dieu que Montréal est laide en ce moment.

    J'étais à Montréal pour plusieurs premières tempêtes de l'hiver. Dieu que Montréal est émouvante sous la neige qui maquille ses petites laideurs. J'aime la radio qui s'énerve en avertissements de poudrerie et de froid intense. Savez, ce ton particulier de catastrophe triomphante, qui n'appartient qu'aux montréalais. On habite le trou de c-ul de la géographie et Dieu qu'on en est fier! Quand j'arrête pour dix litres d'essence, le pompiste me dit :

    - C'est laid, hein...

    Et il est content, madame, content !

    Oui, toujours le même pompiste, sur le Boulevard Gouin. Il est le seul pompiste à savoir que mon résevoir d'essence fuit. Il check le niveau de l'aiguille. Et il décide : 15 litres !

    - Ayaye ! Autant que ça ? Attend que je check si j'ai assez d'argent ?

    Et il n'est pas content, mon vieux, pas content !

    Le printemps ? Pour moi c'est synonyme de forme. La forme ? Voulez savoir c'est quoi la forme ? Ben, c'est simple, joggez 20 minutes tous les jours. Et c'est rendu là dans ma conversation avec Anne quand ses deux amies se joignent à nous près du vestiaire des filles.

    -Ouais, ouais, le jogging. Y'a aussi le vélo, le canot, la marche, l'escalade, et la salle de gymnastique et...
    -Le vélo, le canot, la marche, l'escalade, pour s'amuser. Le jogging pour la forme. Point.
    -moi je peux pas jogger à cause de mes genoux.
    -Quoi, vos genoux ? Y'ont rien, vos genoux. Sont rouillés c'est tout. Votre dos aussi est correct. Et vos hanches. Et votre coeur alors ? Arrêtez donc de vous ausculter.
    -Ouais, j'ai des trop gros seins pour courir.
    -Et mon c-ul les filles, pensez qu'il ne rebondit pas quand je cours ? Courir, quand on n'est pas un athlète, qu'on est un peu gros, un peu fatigué, ça fait mal aux genoux, c'est sûr. Au dos et aux hanches aussi. Et sans doute aux seins. En fait, courir, ça fait mal partout. Et vos histoires de genoux et de dos, c'est juste une façon de dire que vous ne voulez pas avoir mal.

    On y est. On est ici au coeur de l'époque. Au lieu d'être sportive, cette conversation pourrait tout aussi bien être scolaire ( la difficulté d'étudier ), culturelle ( la difficulté d'appréhender une oeuvre complexe), ou existentielle ( no pain no fuckin gain ).

    Voilà. Anne était supposée dormir chez ses deux amies. En route, elle a changé d'idée. Elle veut dormir chez moi. Pis non, elle voulait qu'on aille chez elle à St-Donat. J'ai dis oui. Pis, j'ai changé d'idée. C'est non. Mais au lieu de lui dire que mon réservoir fuit et que les pneus sont lisses. Je lui ai parlé de géographie. C'est que vois-tu Anne, si Montréal est la géographie, St-Donat est le trou de c-ul de la géographie.

    -T'es bizzare toi ?
    -Quoi ? t'aime pas la géographie ?
    -Non, pas ça. C'est quoi cette idée de forme qui se résume au jogging ? C'est des conneries ?...( ses amies éclatent, hahahaha ).
    -Pas, pantoute. Des conneries ? Voyons, je parle du sport. Le jogging. le sport majuscule. Et même, parlons de votre gymnase, le Nautilus si vous voulez. Voyez tous ces bicycles stationnaires, ces tapis roulants, ces appareils à poulies, ces espèces de cerceaux pour le dos, que croyez-vous que vous vend la lucrative industrie du conditionnement physique ? Elle vend de la forme qui ne fait pas mal. Elle sait que vous haîssez avoir mal. Alors elle vous vend de la forme sans effort, en musique. De l'aérobie sous vide. Votre sport à la Nautilus est de plus en plus théâtralité, de, moins en moins quintessence... Il s'agit d'avoir l'air. Les milliers de filles, comme vous, qui pratiquent la marche aérobie évacuent l'effort dans une gestuelle symbolique qui ne les fera pas maigrir, le symbolisme n'a jamais fait maigrir personne. Des conneries ? ouais ! Vous achetez le sport que vous vend le commerce, c'est ça la connerie ! Lacez vos running. Sortez de chez vous. Joggez. Quand vous n'en pourrez plus, marchez. Recommencez à jogger quand le souffle vous sera revenu. Vingt minutes. Je vous jure, pas plus compliqué que ça.

    Mais ça fait mal un petit peu.

    Voilà, je débarque les filles devant chez elles...Pendant que je conduisais, ça parlait de lilas et de muguet. De quoi voulez-vous que des filles fleuristes parlent ? Ben oui, lilas et muguet, mon vieux. Savez quoi, depuis que je fréquente Anne, je suis rendu pas mal fleuriste. Mais un moment donné, t'es envahi, oui monsieur, envahi. Voyez, comme si vous fréquentez une Palestinienne. Vous dites : Quelle belle journée ! Et elle vous répond : Ouais, mais il va neiger demain et c'est la faute des juifs. Elle a raison peut-être. Mais tu sais, un moment donné, t'es tanné. Pas envahi. Tanné.

    Anne et moi, nous roulons vers chez moi. Pis, elle change d'idée, bien sûr, c'est une fille. Elle insiste: St-Donat. Je jette discrètement un coup d'oeil à l'aiguille du réservoir. Hum, y'en a assez. Go pour St-Donat. En route, Anne parle d'une difficulté existencielle, celle de vendre des fleurs quand il fait moins quinze degrés. Elle dit que c'est mort l'hiver. Et pas de fleurs des étangs, pas de nénuphar, pas de populage des marais, pas d'iris, pas de lys et lotus. Des noms bien curieux, tiens, aussi curieux qu'une benoîte des ruisseaux, une fleur, oui monsieur, benoîte des ruisseaux, avec un accent circonflexe qu'elle me précise.. Pensez que je m'y connais ? Ben non, je connaissais rien de tout ça mardi passé.

    Et du lilas. Et de l'odeur du lilas, elle en parle longuement. Et curieusement, mon nez. Oui mon nez, mon gros nez, sent une odeur, l'odeur des lilas. Ai-je perdu le sens de l'odorat, mon nez si habitué à la fuite du réservoir ? Ducon, que je me dis, wake up, c'est juste à côté de moi, Anne, oui Anne. Anne est un jardin de lilas, elle dégage une odeur cru de lilas. Je suis envahi, oui monsieur. Envahi.

    Comment reprocher à un jardin de lilas de parler rien qu'en lilas ? Forcément, c'est sa langue ! Mais oui, je suis con.

    Mais si, j'allais oublier, rien n'est parfait, vous savez ça. Un jardin de lilas, aussi parfait, peut cacher chien, chat, hamster et salamandre.

    Pis, le printemps, mes runnings sont prêts, ont hâte de me porter, hâte de fouler les sentiers, les mêmes sentiers. Moi et mes runnings sommes comme un lapin. Même si tous les sentiers s'offrent à nous, nous joggons toujours les mêmes sentiers. Et nos sentiers le savent, à chaque nouvelle année, qu'il vente, qu'il neige, qu'il fasse moins cinquante degrés, c'est le 21 mars que mes runnings et moi accablons nos sentiers. C'est ma nouvelle année. 35 printemps, oui madame,oui la vie, Ducon vieillit.

    Et après ? Rien. Pourtant si, j'allais oublier mon sujet principal, scusez, c'était pour vous parler du printemps que voilà : Lacez vos running. Sortez de chez vous. Joggez. Quand vous n'en pourrez plus, marchez. Recommencez à jogger quand le souffle vous sera revenu. Vingt minutes. Je vous jure, pas plus compliqué que ça. La forme.
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