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Le charognage raisonné des pré-néandertaliens

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  • Le charognage raisonné des pré-néandertaliens

    C'est une sorte de zoo fossilisé que fouillent, jusqu'au 18 septembre, des chercheurs de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Une espèce de lion, aujourd'hui éteinte, du loup, de la panthère, de l'ours, mais aussi du renne, du cheval, de l'aurochs et quelques petits mustélidés... Pourquoi ces animaux si différents sont-ils tous venus mourir, il y a quelque 200 000 ans, dans ce périmètre de quelques hectares, aujourd'hui situé sur les carrières de sable et de gravier de la commune de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) ?

    Sporadiquement fouillée depuis les années 1960, la zone, à une quinzaine de kilomètres de Rouen, a en outre déjà livré des silex taillés, attestant une activité humaine. Quant à savoir laquelle... La découverte de cette industrie lithique dans un environnement ouvert était peu lisible par les préhistoriens.

    La fouille entreprise par l'Inrap sur l'une des carrières de la région propose quelques réponses. Car ces travaux, menés sur un hectare, ont permis d'exhumer - en plus de nouveaux ossements d'animaux - une petite zone de 3 m2 à forte concentration d'éclats de silex et de lames dites "Levallois". Ces outils sont caractéristiques des populations pré-néandertaliennes qui peuplaient la France actuelle il y a 200 000 ans. "Nous interprétons cette découverte comme un petit site de débitage de silex récupérés sur place", explique le préhistorien Jean-Philippe Faivre (Inrap, Laboratoire Pacea), responsable de la fouille.

    Quant aux vestiges animaux, leur état de conservation exceptionnel fournit un indice précieux sur leur présence. "Les alluvions du fleuve les ont rapidement recouverts et ont contribué à les protéger", explique M. Faivre. Le site est donc de toute évidence situé dans un ancien méandre de la Seine, sur les berges duquel venaient se déposer les carcasses d'animaux morts charriées par le fleuve. D'où la présence d'animaux si divers ; d'où l'intérêt d'installer ici, dans un environnement ouvert, un petit site de taille de la pierre.

    Stratégie d'exploitation

    "Il faut imaginer des populations qui connaissent parfaitement leur environnement et qui ne font que de courtes haltes sur le site", dit le paléoanthropologue Pascal Depaepe, directeur scientifique et technique de l'Inrap. Ces pré-néandertaliens venaient sans doute sur les berges du fleuve pour profiter des animaux morts échoués sur le sable. Là, ils prélevaient le silex et taillaient sur place les outils nécessaires aux travaux de boucherie. "Il ne s'agissait pas nécessairement de prélever de la viande destinée à l'alimentation, dit M. Faivre. L'intérêt pouvait être de récupérer des peaux, des tendons ou des os." Ce "charognage" - expression que récusent nombre de préhistoriens - n'est cependant nullement une preuve de bestialité. Il serait préférable de parler, selon l'expression de M. Depaepe, de "charognage raisonné ", tant cette pratique s'inscrit dans une stratégie d'occupation et d'exploitation de l'environnement.

    Les ancêtres de l'homme de Neandertal - présumé disparu au contact de l'homme moderne voilà 25 000 ans - disposaient de capacités cognitives remarquables. Les travaux menés de longue date dans la grotte du Lazaret, occupée voilà environ 160 000 ans par des populations comparables, ont par exemple montré que des pré-néandertaliens étaient capables, à l'issue d'une saison de chasse, de fumer d'importantes quantités de viande, vraisemblablement pour garantir sa conservation.

    Par Stéphane Foucart, Le Monde
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