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Ali Al-Kaissi, ex-déténu d'Abou Ghraib raconte

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  • Ali Al-Kaissi, ex-déténu d'Abou Ghraib raconte

    Ali Al-Kaissi est un ancien détenu de la sinistre prison d'Abou Ghraib et il a ce courage et cette force de témoigner à visage découvert et de raconter l'horreur qui doit rester encore en lui. -Bien sur il faut des prisons, bien sur il faut chasser les terroristes mais dois t'on vraiment pour celà se comporter de même et dire tant pis pour les innocents? Alors il faut lire son témoignage et on ne pourra pas dire, je ne savais pas.

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    Ali Al-Kaissi. Numéro d’écrou 151716, bloc 1A, cellule 49. Sa photo, debout sur une caisse, le visage encagoulé, les bras en croix, et les mains reliées à des électrodes, est devenu le symbole de la torture à Abou Ghraib. Aujourd’hui, le seul lien entre le terrible cliché et cet homme aimable aux cheveux grisonnants, assis près du bar d’un grand hôtel d’Amman, c’est sa main gauche. Une main amputée de deux doigts lors d’un accident, avant sa détention, et qu’on devine sur la photo prise par ses geôliers.

    La voix fatiguée, Ali raconte : « Mes ennuis ont commencé lorsque j’ai trouvé un terrain vague, et que j’en ai fait un espace de jeu pour les enfants. » Peu de temps après, explique-t-il, des soldats américains utilisent le terrain comme dépotoir. Les déchets de leur camp près de l’aéroport atterrissent sur le terrain de jeu. Un médecin de son district signale que des gamins se sont blessés, en essayant de trouver des objets de valeur parmi les ordures. Les responsabilités d’Ali sous l’ancien régime, (il était Mukhtar, c’est-à-dire chef de village), le désignent pour aller protester auprès de l’administration provisoire américaine.

    «Tu es chiite ou sunnite

    Il est arrêté le lendemain, puis emmené vers Al-Amriya, une ancienne base militaire irakienne, transformée en pénitencier américain. Deux jours plus tard, il est transféré, face au sol et encagoulé, vers ce qu’il apprendra plus tard être la prison d’Abou Ghraib. Ali se souvient bien de son premier interrogatoire. « C’était dans des toilettes inondées. Il y avait deux hommes habillés en civil, et un traducteur, d’origine africaine. » La première question fuse «Tu es chiite ou sunnite ? » Jamais de sa vie on ne lui avait posée cette question. On l’accuse d’avoir attaqué les forces américaines. Il montre sa main mutilée, incapable de manipuler une arme. « Il m’ont même demandé si je savais où étaient Ben Laden et Saddam Hussein ».

    Ali apprendra plus tard que son arrestation n’était pas destiné à stopper l’insurrection, mais plutôt à obtenir des renseignements, et à recruter des gens parmi les personnages importants des villages. Après ce premier interrogatoire, il est transféré dans un bloc de la prison que les Américains ont baptisé The Vigilant. Il décrit des tentes ceintes de fil barbelé, où s’entassent entre quarante et cinquante personnes. « On avait à peu près 30 cm chacun pour dormir et les prisonniers se partageaient chaque jour 20 litres d’eau pour tous leurs besoins. » Au Vigilant, Ali a rencontré de nombreux groupes provenant d’autres prisons du pays. Il reconnaîtra certains de ses codétenus, sur les photos d’hommes nus, à l’origine du scandale.

    Interrogatoires et séances de torture s’enchaînent

    « Un jour, on a appelé mon matricule », souffle-t-il d’une voix tremblante. Pieds et poings menottés, il est placé dans une cellule individuelle. Les soldats le déshabillent, et le forcent à monter un escaliers les membres entravés. « Comme je n’y arrivait pas ils se sont mis à me tabasser, et ils ont versé de l’urine et des excréments sur mon corps. Au bout d’une heure, j’ai finalement réussi à me hisser en haut des escaliers. » Ali est ensuite ligoté aux barreaux de sa cellule. Les soldats apportent une grosse enceinte. Elle diffuse la chanson By the rivers of Babylone en boucle et à plein volume. « Malgré les seaux d’eau qu’on m’a jetés à la figure ensuite, j’étais incapable d’entendre les questions que me hurlaient les soldats. » Deux semaines durant, les interrogatoires, et les séances de torture s’enchaînent.

    Un matin, il est conduit dans une grande salle où l’attendent une dizaine de gardiens. « Ils avaient tous un appareil photo », se souvient-t-il. L’un d’entre eux immortalise son portrait pathétique, qui fit le tour du monde.

    Rétrospectivement, Ali pense qu’Abou Ghraib était le plus grand centre de formation de la guérilla en Irak. « Une fois dehors, la majorité des détenus entraient directement dans la résistance armée. » Lui a pris un autre chemin. A sa sortie d’Abou Ghraib, en avril 2004, il reçoit une formation de l’ONU sur les questions relatives aux droits de l’Homme. Aujourd’hui il se bat pour venir en aide aux prisonniers irakiens. Son association entend dénoncer la torture en prison, et aider les familles à contacter leurs parents incarcérés. Financé par des ONG arabes et des donateurs privés, elle ne vise pas que les centres gérés par les Américains car de nombreuses prisons restent dirigés par des sociétés privés en Irak. Les yeux mélancoliques d’Ali ne semblent pas avoir gardé de haine. Il se dit même prêt à pardonner à ses bourreaux. Il souhaite seulement que son histoire « pourra changer les choses ».

    Par RFI
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