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La région du Maghreb assiste à une résurgence du hijab. Certaines jeunes femmes admettent librement que le voile peut les aider à trouver un mari.
Par Siham Ali à Rabat, Houda Trabelsi à Tunis et Mouna Sadek à Alger – 14/09/10 Rhimou Bachtioui, une enseignante marocaine, a été fiancée trois fois. Chaque fois, elle a annulé son mariage parce que son fiancé pensait à tort qu'elle était "soumise, docile et très conservatrice".
Comme un nombre de plus en plus grand de jeunes femmes au Maghreb, elle porte le voile.
"Le hijab n’est qu’un aspect vestimentaire qui ne concerne que celle qui le porte. Certes le voile indique que la femme est pratiquante et s’attache aux valeurs de l’Islam. Mais ce n’est pas une raison pour qu’on essaie d’effacer sa personnalité", affirme-t-elle à Magharebia.
Le sociologue Thami Bahmad explique que le hijab a cessé d'être une affaire de religion dans les années 1990. "Si auparavant certains parents conservateurs imposaient à leurs filles le voile, aujourd’hui, les choses ont commencé à changer", explique-t-il.
"Ce sont les jeunes filles de plus en plus instruites qui décident si elles vont porter le hijab ou pas. Ça reste une liberté personnelle qui ne reflète pas la personnalité des femmes. Ce n’est pas uniquement une conviction, mais aussi une question de look", ajoute-t-il.
En effet, la seule étude réalisée sur le sujet a montré que les jeunes femmes qui portent le hijab n'ont que "des connaissances fragmentaires et déformées des versets coraniques et des hadiths relatifs au voile".
Selon l'étude réalisée en 2007 par l'Association des femmes marocaines (ADFM), le hijab était perçu comme un symbole de religion et de militantisme dans les années 1980, mais à partir de 2000, il est devenu une affaire laïque et, en fin de compte, seulement un style vestimentaire parmi d'autres. L'ADFM souligne également que la plupart des femmes choisissent leurs vêtements, à l'exception du voile, selon la mode du moment.
Comme au Maroc, l'apparition du hijab en Algérie a été liée aux prémices de la mouvance islamiste. Plusieurs dizaines d'années après la dissolution du Front islamique du salut (FIS), qui préconisait le port du voile, le style demeure.
Cependant, alors que certaines se plaignent que le haiek (la robe traditionnelle algérienne) a entraîné le port du voile islamique, le voile est de plus en plus populaire parmi les jeunes Algériennes, au point qu'elles le considèrent comme une nouvelle tendance de la mode.
"Les Algériennes ont toujours eu coutume de porter un couvre-chef, que ce soit le haiek mrama algérois ou le foulard bariolé kabyle, mais là, il s’agit d’un voile importé qui n’a pas ses racines en Algérie", explique Youssef Ferradji, un retraité.
Dans une boutique de vêtements islamiques dans l'une des rues les plus commerçantes d'Alger, les femmes sont attirées par des voiles roses avec paillettes et strass qui font le bonheur des fashionistas algériennes.
Il existe désormais un "hijab algérien typique" qui n'a aucune racine religieuse.
"La plupart de nos jeunes filles portent le foulard avec des pantalons très serrés. C’est comme si elles étaient partagées entre le devoir du repentir devant Dieu et le désir de plaire", analyse Mme Boudia, qui, elle, a choisi de compléter son foulard par une longue tunique noire.
Le renouveau du hijab en Algérie porte désormais un surnom : le voile "Kinder Surprise".
"Comme le célèbre œuf en chocolat, le hidjab algérien cache des surprises. On l’appelle aussi le El M’hadjeb, du nom du plat algérien", plaisante Merki Mohammed.
"Il est très difficile d’être une femme en Algérie. On peut comprendre qu’elles veuillent se protéger de la violence qui règne à leur égard dans l’espace public et vouloir faire bonne figure", ajoute-t-il.
Meriem, sa fiancée, explique à Magharebia que le hijab symbolise "l’hypocrisie de la société algérienne".
"Beaucoup de mes amies ont choisi de mettre le foulard dans l’espoir de se marier", ajoute-t-elle avec un sourire.
La Tunisie connaît un phénomène similaire. Près de vingt ans après que l'ancien Président Habib Bourguiba eut fait paraître un décret interdisant le voile ou le hijab dans les institutions publiques, des voiles sont visibles partout, des universités aux services de l'Etat, des plages et hôtels aux magasins et aux cafés dans les rues.
Nombre de personnes associent le retour du voile au phénomène croissant du célibat.
"Le fait que certaines jeunes femmes portent le voile pour chercher un mari est devenu un phénomène rampant en Tunisie", explique Saeeda Sweileh à Magharebia. "Mes chances d'attirer un éventuel mari sont plus grandes depuis que j'ai commencé à porter le voile", explique cette femme célibataire de 31 ans.
"La plupart des filles qui accèdent aux forums de rencontres maritales sur lnternet portent le voile et pratiquent toutes les obligations religieuses afin d'attirer l'autre partie", explique Saeeda. "D'autres considèrent le voile comme un moyen de cacher leur passé et de gagner la confiance des hommes. Elles sont alors moins surveillées par leurs familles."
Eman al-Zaidi explique porter le voile par conviction, plutôt que mue par le désir de trouver un mari. Mais elle est bien consciente du fait que d'autres jeunes femmes ont des raisons toutes différentes de porter le hijab. "Malheureusement, nous ne pouvons le nier. Cette mauvaise mentalité qui exploite la religion à des fins bien terrestres existe bel et bien."
Le phénomène du port du voile pour trouver un mari s'est accru ces dernières années, explique Monia Bou Abd à Magharebia. "Je refuse cette exploitation de la religion et du voile à des fins personnelles", ajoute Monia, qui ne porte pas le voile. Elle estime que "la bonne conduite et les vêtements respectables" sont suffisants, sans devoir porter le voile pour prouver sa vertu.
"Le plus important est que la jeune fille se conduise sans fausses prétentions, qui éclateraient au grand jour à la première dispute avec son conjoint", ajoute Monia.
Nadia al-Uamari reconnaît que "certaines filles en Tunisie ne ménagent aucun effort pour atteindre leur but". Elle explique que celles qui recherchent un emploi portent souvent des vêtements courts.
"Mais quand il s'agit de chercher un mari, elles s'habillent différemment", explique-t-elle.
Pour sa part, Farida Aiari ajoute : "Ce phénomène existe en Tunisie, mais je ne recommande pas ce type de comportement tordu pour chercher un mari." Elle pratique tous ses devoirs religieux, ajoute-t-elle, sans avoir à porter le voile.
Pour leur part, les hommes commencent à être au courant de ces pratiques.
"Ces tours ne trompent plus les jeunes en Tunisie. Ils comprennent bien que les bonnes manières et les comportements exemplaires ne peuvent être prouvés par un simple voile ou des vêtements longs, et que les liens matrimoniaux sont bien plus profonds", explique Wahab al-Jamani à Magharebia.
"Nous ne devrions pas trouver une partenaire pour la vie sur le simple fait d'apparences qui sont, dans la plupart des cas, trompeuses", ajoute-t-il.
Un avis partagé par Anis Slim, qui déclare ne pas accorder d'attention au fait que sa femme soit ou non voilée.
Ce qui est important, ce sont les bonnes manières, la bonne conduite et la bonne éducation, et le fait d'être une bonne mère."
Au vu d'une telle diversité d'opinions sur les causes du regain de popularité du voile au Maghreb, Magharebia a demandé à un imam son opinion sur l'usage du voile pour trouver un mari.
"Si les hommes ou les femmes ont recours aux apparences aux seules fins de tromper et de tricher, et si ces apparences sont contraires à ce qui se trouve vraiment dans le coeur de ces personnes, alors c'est de l'hypocrisie pure", a expliqué cet imam.
Et de citer un hadith : "Dieu ne s'attache pas à vos images ou à vos corps ; Il regarde plutôt vos coeurs."
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