Pourquoi France Télécom mise sur le Maroc
Entretien exclusif avec Stéphane Richard, DG de France Télécom · Trois paliers avant le contrôle complet de Méditel
· L’équipe actuelle est confirmée dans sa responsabilité
- L’Economiste: Que prévoit le pacte d’actionnaires?
- Stéphane Richard: Aujourd’hui, il n’y a pas de pacte d’actionnaires proprement dit. Le document qu’on a signé le 21 septembre au Maroc, c’est un MOU (ndlr: memorandum of understanding). C’est-à-dire un protocole d’accord qui, bien sûr, est engageant.
Il définit à ce stade quelques principes, mais laisse quelques semaines de travail pour achever toute la documentation nécessaire avant que l’opération ne soit réellement achevée, notamment les transferts de titres. Il ne couvre pas encore la rédaction d’un pacte d’actionnaires sur laquelle il va falloir travailler entre France Télécom et les actionnaires marocains.
- Que contient exactement ce mémorandum?
- Ce qui est prévu pour l’essentiel est que France Télécom acquiert 40% de Méditel, soutienne son introduction en Bourse de Casablanca en 2011 et qu’à cette occasion ou juste avant, France Télécom rachètera 5% supplémentaires du capital…
- Vous vous êtes mis d’accord sur le prix?
- On s’est mis d’accord sur une commission de fixation des prix, il sera fixé en particulier en prenant en compte d’IPO. En tout, on s’est engagé à racheter, et les actionnaires marocains à nous revendre, 5% de plus du capital en 2011. Puis le dernier stade du schéma retenu est qu’au plus tard le 1er janvier 2015, nous aurons la possibilité de racheter 4% supplémentaires de façon à arriver à 49% du capital.
- Quid de la gouvernance et la conduite opérationnelle?
- 2015 est également le moment où il est prévu un certain nombre de changements dans la gouvernance. En gros, nous nommerons la direction générale qui assurera les opérations, ce qui nous permettra de consolider intégralement Méditel dans les comptes du groupe. L’accord prévoit aussi des principes sur les garanties qui sont données par les vendeurs, notamment quelques éléments concernant la période intermédiaire, qui commencera à la fin de l’année après le closing de l’opération. Il porte sur les apports de France Télécom à Meditel, notamment en termes de ressources humaines où certaines fonctions opérationnelles pourront être pourvues par France Télécom, mais également sur l’accès aux ressources de France Télécom, comme notre système d’achat ou le catalogue d’offre par exemple . C’est en gros les principaux éléments contenus dans le protocole d’accord.
- Est-ce à dire que, avant 2015, la conduite opérationnelle sera assurée par les partenaires marocains?
- Ça veut dire clairement que l’équipe actuelle de Méditel est tout à fait confirmée dans sa responsabilité. Et qu’elle va devoir juste intégrer des éléments venant de France Télécom dès la fin de l’année. A priori, quelques techniciens ou experts rejoindront l’équipe de direction de Méditel, mais sous supervision du directeur général actuel. Jusqu’en 2015, il n’y aura pas de changement majeur.
Au-delà, bien sûr, on aura la responsabilisé totale pour nommer les membres de la direction. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’on se séparera des responsables actuels. De toute façon, toutes les décisions concernant les postes de responsabilité seront prises en concertation avec la partie marocaine. Mais à partir de 2015, on aura clairement une prééminence sur les choix. Et à ce moment là, rien ne dit naturellement qu’on changera les dirigeants… On avisera le moment venu.
- Est-que pour cela que vous ne consolidez pas tout de suite Méditel dans vos comptes?
- Oui, bien sûr! Mais de ne pas consolider de suite Méditel dans nos comptes est lié au fait qu’on ne détient que 40%. Et que, ensuite, ce qui est prévu en matière de gouvernance, notamment la présence au conseil d’administration de Méditel et la participation dans l’équipe de direction, ne justifie pas qu’on consolide. On consolidera au plus tôt en 2015…
- En même temps, Vivendi avait consolidé Maroc Telecom à 35%...
- Oui, parce qu’il y avait des clauses particulières dans le pacte d’actionnaires peut-être qui permettait de le faire. J’attire quand même votre attention sur le fait qu’en matière de consolidation, les règles ont beaucoup changé et qu’elles sont plus exigeantes aujourd’hui. Il y avait des choses qu’on pouvait faire il y a dix ans et qu’on ne peut absolument plus se permettre. Les commissaires aux comptes qui appliquent les normes IFRS sont exigeants sur les conditions de consolidation. Donc, je ne pense que les arrangements du passé de Maroc Telecom leur permettraient aujourd’hui de consolider. En tout cas, nous, on accepte l’idée de ne pas consolider pour l’instant, puisque c’est un partenariat qu’on met en place qui prévoit une montée en puissance progressive avec des paliers de 40, 45 et 49%...
- Allez-vous introduire Orange tout de suite au Maroc?
- Elle ne sera pas introduite tout de suite, mais elle viendra un jour très probablement. Même si la décision n’est pas prise aujourd’hui, la logique voudrait qu’on l’introduise le plus vite sur le marché marocain. Aussi, elle ne viendra pas tout de suite parce que Méditel est une marque qui est bien installée, et donc, il n’y a pas urgence à le faire.
On souhaite se donner le temps avec nos partenaires marocains pour évaluer tout ça et on verra ensuite s’il convient de le faire et à quel moment. Ça peut être le moment de l’introduction en Bourse ou un peu plus tard. En tout cas, c’est logique de l’envisager.
- Qu’est-ce qui motive votre décision d’investir dans les télécoms au Maroc. Est-ce que l’environnement a changé depuis 2001?
- Ce qui a surtout changé, c’est la situation de France Télécom. En 2001, si on n’avait pas eu des contraintes financières très fortes du fait de la dette et des investissements dans le rachat d’Orange, je suis convaincu que France Télécom aurait tout fait pour entrer dans Maroc Telecom. Simplement, il n’était pas en capacité de faire une offre attractive du fait de ses difficultés propres. On peut beaucoup le regretter mais bon, c’est comme ça. Aujourd’hui, les choses sont différentes parce que France Télécom est redevenue une entreprise très saine avec une des plus belles situations financières du secteur et le meilleur rating de l’industrie des télécoms en Europe. On a une structure financière qui est très solide avec 8 milliards d’euros de cash flow disponible et une dette parfaitement sous contrôle. Donc, France Télécom est en positions de réaliser un investissement de ce type sans aucun problème. Sinon, l’analyse sur l’intérêt du Maroc, je crois qu’on a toujours été intéressé par ce pays d’abord pour son environnement politique et économique, qui est pour nous extrêmement attractif, pour le climat d’affaires aussi. On a toujours caressé l’espoir de pouvoir faire un bel investissement au Maroc sans avoir trouvé jusqu’à maintenant l’ouverture. C’est désormais fait avec Méditel et on en est très heureux.
- Vous êtes quand même l’invité surprise dans le tour de table de Méditel. A quand remontent les négociations?
- C’est vrai. On a été un peu opportuniste, je dois dire. Méditel avait beaucoup avancé avec Itissalat. Ils étaient même arrivés à une forme d’accord, sur le prix en tout cas. Et puis, pour diverses raisons, les discussions ont un peu achoppé. C’est à ce moment-là qu’on a été alerté sur le fait qu’il y avait une ouverture possible et on s’y est engouffré. C’était début mai. On a engagé les discussions tout de suite et tout est allé vite. En quatre mois, si on exclut le mois d’août. On a posé les bases de l’accord, fin juillet, dans un dîner que j’ai eu avec Othman Benjelloun et Anas Alami à Paris.
Orange ou pas Orange?
«Ah oui! Parce que la marque Orange, c’est une des grandes marques mondiales de téléphonie. Elle est la seule du secteur à faire partie des 50 premières marques mondiales tous secteurs confondus. Elle a une puissance due à sa notoriété et sa diffusion mondiale. Et l’expérience montre que dans tous les pays où on a fait le rebranding, en passant à la marque Orange, cette stratégie a été assez spectaculaire sur la dynamique commerciale, aussi bien en Afrique d’ailleurs qu’en Europe.
Je pense qu’il y a un effet lié à la marque qui sera important, mais au-delà, il faut que la qualité des services, le rapport qualité/prix aussi et l’innovation qu’on peut apporter sur le marché marocain justifient cette image de la marque.
Propos recueillis par Bachir THIAM
L'économiste
Entretien exclusif avec Stéphane Richard, DG de France Télécom · Trois paliers avant le contrôle complet de Méditel
· L’équipe actuelle est confirmée dans sa responsabilité
- L’Economiste: Que prévoit le pacte d’actionnaires?
- Stéphane Richard: Aujourd’hui, il n’y a pas de pacte d’actionnaires proprement dit. Le document qu’on a signé le 21 septembre au Maroc, c’est un MOU (ndlr: memorandum of understanding). C’est-à-dire un protocole d’accord qui, bien sûr, est engageant.
Il définit à ce stade quelques principes, mais laisse quelques semaines de travail pour achever toute la documentation nécessaire avant que l’opération ne soit réellement achevée, notamment les transferts de titres. Il ne couvre pas encore la rédaction d’un pacte d’actionnaires sur laquelle il va falloir travailler entre France Télécom et les actionnaires marocains.
- Que contient exactement ce mémorandum?
- Ce qui est prévu pour l’essentiel est que France Télécom acquiert 40% de Méditel, soutienne son introduction en Bourse de Casablanca en 2011 et qu’à cette occasion ou juste avant, France Télécom rachètera 5% supplémentaires du capital…
- Vous vous êtes mis d’accord sur le prix?
- On s’est mis d’accord sur une commission de fixation des prix, il sera fixé en particulier en prenant en compte d’IPO. En tout, on s’est engagé à racheter, et les actionnaires marocains à nous revendre, 5% de plus du capital en 2011. Puis le dernier stade du schéma retenu est qu’au plus tard le 1er janvier 2015, nous aurons la possibilité de racheter 4% supplémentaires de façon à arriver à 49% du capital.
- Quid de la gouvernance et la conduite opérationnelle?
- 2015 est également le moment où il est prévu un certain nombre de changements dans la gouvernance. En gros, nous nommerons la direction générale qui assurera les opérations, ce qui nous permettra de consolider intégralement Méditel dans les comptes du groupe. L’accord prévoit aussi des principes sur les garanties qui sont données par les vendeurs, notamment quelques éléments concernant la période intermédiaire, qui commencera à la fin de l’année après le closing de l’opération. Il porte sur les apports de France Télécom à Meditel, notamment en termes de ressources humaines où certaines fonctions opérationnelles pourront être pourvues par France Télécom, mais également sur l’accès aux ressources de France Télécom, comme notre système d’achat ou le catalogue d’offre par exemple . C’est en gros les principaux éléments contenus dans le protocole d’accord.
- Est-ce à dire que, avant 2015, la conduite opérationnelle sera assurée par les partenaires marocains?
- Ça veut dire clairement que l’équipe actuelle de Méditel est tout à fait confirmée dans sa responsabilité. Et qu’elle va devoir juste intégrer des éléments venant de France Télécom dès la fin de l’année. A priori, quelques techniciens ou experts rejoindront l’équipe de direction de Méditel, mais sous supervision du directeur général actuel. Jusqu’en 2015, il n’y aura pas de changement majeur.
Au-delà, bien sûr, on aura la responsabilisé totale pour nommer les membres de la direction. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’on se séparera des responsables actuels. De toute façon, toutes les décisions concernant les postes de responsabilité seront prises en concertation avec la partie marocaine. Mais à partir de 2015, on aura clairement une prééminence sur les choix. Et à ce moment là, rien ne dit naturellement qu’on changera les dirigeants… On avisera le moment venu.
- Est-que pour cela que vous ne consolidez pas tout de suite Méditel dans vos comptes?
- Oui, bien sûr! Mais de ne pas consolider de suite Méditel dans nos comptes est lié au fait qu’on ne détient que 40%. Et que, ensuite, ce qui est prévu en matière de gouvernance, notamment la présence au conseil d’administration de Méditel et la participation dans l’équipe de direction, ne justifie pas qu’on consolide. On consolidera au plus tôt en 2015…
- En même temps, Vivendi avait consolidé Maroc Telecom à 35%...
- Oui, parce qu’il y avait des clauses particulières dans le pacte d’actionnaires peut-être qui permettait de le faire. J’attire quand même votre attention sur le fait qu’en matière de consolidation, les règles ont beaucoup changé et qu’elles sont plus exigeantes aujourd’hui. Il y avait des choses qu’on pouvait faire il y a dix ans et qu’on ne peut absolument plus se permettre. Les commissaires aux comptes qui appliquent les normes IFRS sont exigeants sur les conditions de consolidation. Donc, je ne pense que les arrangements du passé de Maroc Telecom leur permettraient aujourd’hui de consolider. En tout cas, nous, on accepte l’idée de ne pas consolider pour l’instant, puisque c’est un partenariat qu’on met en place qui prévoit une montée en puissance progressive avec des paliers de 40, 45 et 49%...
- Allez-vous introduire Orange tout de suite au Maroc?
- Elle ne sera pas introduite tout de suite, mais elle viendra un jour très probablement. Même si la décision n’est pas prise aujourd’hui, la logique voudrait qu’on l’introduise le plus vite sur le marché marocain. Aussi, elle ne viendra pas tout de suite parce que Méditel est une marque qui est bien installée, et donc, il n’y a pas urgence à le faire.
On souhaite se donner le temps avec nos partenaires marocains pour évaluer tout ça et on verra ensuite s’il convient de le faire et à quel moment. Ça peut être le moment de l’introduction en Bourse ou un peu plus tard. En tout cas, c’est logique de l’envisager.
- Qu’est-ce qui motive votre décision d’investir dans les télécoms au Maroc. Est-ce que l’environnement a changé depuis 2001?
- Ce qui a surtout changé, c’est la situation de France Télécom. En 2001, si on n’avait pas eu des contraintes financières très fortes du fait de la dette et des investissements dans le rachat d’Orange, je suis convaincu que France Télécom aurait tout fait pour entrer dans Maroc Telecom. Simplement, il n’était pas en capacité de faire une offre attractive du fait de ses difficultés propres. On peut beaucoup le regretter mais bon, c’est comme ça. Aujourd’hui, les choses sont différentes parce que France Télécom est redevenue une entreprise très saine avec une des plus belles situations financières du secteur et le meilleur rating de l’industrie des télécoms en Europe. On a une structure financière qui est très solide avec 8 milliards d’euros de cash flow disponible et une dette parfaitement sous contrôle. Donc, France Télécom est en positions de réaliser un investissement de ce type sans aucun problème. Sinon, l’analyse sur l’intérêt du Maroc, je crois qu’on a toujours été intéressé par ce pays d’abord pour son environnement politique et économique, qui est pour nous extrêmement attractif, pour le climat d’affaires aussi. On a toujours caressé l’espoir de pouvoir faire un bel investissement au Maroc sans avoir trouvé jusqu’à maintenant l’ouverture. C’est désormais fait avec Méditel et on en est très heureux.
- Vous êtes quand même l’invité surprise dans le tour de table de Méditel. A quand remontent les négociations?
- C’est vrai. On a été un peu opportuniste, je dois dire. Méditel avait beaucoup avancé avec Itissalat. Ils étaient même arrivés à une forme d’accord, sur le prix en tout cas. Et puis, pour diverses raisons, les discussions ont un peu achoppé. C’est à ce moment-là qu’on a été alerté sur le fait qu’il y avait une ouverture possible et on s’y est engouffré. C’était début mai. On a engagé les discussions tout de suite et tout est allé vite. En quatre mois, si on exclut le mois d’août. On a posé les bases de l’accord, fin juillet, dans un dîner que j’ai eu avec Othman Benjelloun et Anas Alami à Paris.
Orange ou pas Orange?
«Ah oui! Parce que la marque Orange, c’est une des grandes marques mondiales de téléphonie. Elle est la seule du secteur à faire partie des 50 premières marques mondiales tous secteurs confondus. Elle a une puissance due à sa notoriété et sa diffusion mondiale. Et l’expérience montre que dans tous les pays où on a fait le rebranding, en passant à la marque Orange, cette stratégie a été assez spectaculaire sur la dynamique commerciale, aussi bien en Afrique d’ailleurs qu’en Europe.
Je pense qu’il y a un effet lié à la marque qui sera important, mais au-delà, il faut que la qualité des services, le rapport qualité/prix aussi et l’innovation qu’on peut apporter sur le marché marocain justifient cette image de la marque.
Propos recueillis par Bachir THIAM
L'économiste
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