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Le couple a-t-il un avenir?

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  • Le couple a-t-il un avenir?

    «Ils s’aiment et ils s’aident. Enquête sur les couples d’ambition», titre cette semaine le Nouvel Observateur qui affiche pêle-mêle Kouchner et Ockrent, Lévy et Dombasle, tout comme les couples Strauss-Kahn/Sinclair et Sarkozy/Bruni.
    Tels Barak et Michelle, ou Cassel et Bellucci, en politique ou au cinéma, faire carrière à deux semble être la clé de la réussite. Amants et associés, on crée une petite entreprise qui sera d’autant plus florissante qu’elle respectera l’individualité de chacun.
    Jamais les ruptures conjugales n’ont été aussi nombreuses, et jamais le couple n’a été autant magnifié et idéalisé, objet culte de la pipolisation, miroir fascinant d’une réussite personnelle qu’on accomplirait à deux.
    Au règne de l’individu triomphant et tout puissant, rien n’est davantage source de fascination que cette association contractuelle d’individus indépendants décidant de troquer leur liberté originelle pour les bénéfices de la vie en commun. Car vivre en couple écorne sérieusement l’idéal contemporain d’indépendance et d’autonomie : chaque exemplaire du couple est incomplet et appelle sa «moitié» pour se sentir entier. Tant de couples se brisent aujourd’hui à cette contradiction !

    Depuis la nuit des temps, aujourd’hui encore dans les sociétés traditionnelles, la relation conjugale était établie sur un principe de complémentarité. Chacun y occupait une place hiérarchiquement définie, socialement prescrite. Il s'agissait de comportements solidaires, dissemblables mais adaptés l'un à l'autre. Chacun feignait d’accepter la place de l'autre, les règles et les rôles étaient institués, la domination masculine de rigueur et les définitions de la relation concordantes.
    Tous les couples sont aujourd’hui en quête d’une complémentarité qui correspondrait à leurs aspirations profondes et ne serait plus celle de leurs parents ou de leurs grands-parents.
    L’égalité appelle bien souvent la symétrie. Et le danger toujours possible d'une relation symétrique est la rivalité. On peut remarquer, chez les humains comme parmi les nations, que l'égalité ne semble rassurante que si l'on s'arrange, pour reprendre le célèbre mot d'Orwell, pour être juste un peu "plus égal" que l’autre. Cette égalité ne se mesure pas tant dans le partage des tâches que dans des questionnements plus déchirants : qui investit le plus le couple; qui est un meilleur parent ; qui sollicite le plus la sexualité ; qui, au fond, aime le plus ou le mieux…
    Les couples oscillent en permanence entre symétrie et complémentarité. Dans le premier cas, ils se sentent sur un pied d'égalité et, s'ils se disputent sur le lieu où passer les vacances ou les chaussettes qui traînent, c'est pour tester le rôle et la fonction que chacun occupe au sein du couple. La relation est instable, mais créative. Elle est en recherche de ses propres règles. Dans le second, ils sont d'accord (ou croient l'être) sur les rôles dans lesquels le couple les a assignés : homme protecteur et femme enfant, épouse maternante et conjoint volage. La relation est stable, mais peu évolutive.
    La vitalité du couple se mesure à la souplesse du passage d’une position à une autre, à pouvoir sortir de l’affrontement pour accepter une négociation.
    Car c’est toujours le cantonnement rigide dans une de ces deux attitudes qui détruit la relation, dans une dramaturgie éternellement conflictuelle, ou, au contraire, dévitalisée et répétitive.
    Cette danse conjugale entre symétrie et complémentarité fait en permanence surgir cet angoissant questionnement : peut-on tisser des liens tout en préservant notre identité, peut-on se sentir relié sans voir surgir le spectre de la dépendance ?
    Nous sommes ainsi soumis à une gigantesque confusion qui tend à nous faire croire que les liens et l’amour sont une seule et même chose, ou que c’est l’amour qui crée le lien, ou encore que les liens sont forcément d’amour. La liberté consisterait à convoquer ou à quitter selon notre bon gré qui nous aimons ou qui nous cessons d’apprécier. Si l’amour est certes le ciment d’un couple, l’essence dans le moteur, il n’en est en aucun cas le fondement. Fonder un couple a davantage à voir avec la pulsion à transmettre, à créer des groupes, des sociétés, des institutions où déposer une histoire, une culture, une morale, des idéaux et des valeurs, afin de les transformer et de les perpétuer. Bref, à poursuivre inlassablement le travail du lien.
    L’humour révèle parfois la capacité d’établir des liens inattendus, de contourner la banalité de la logique quotidienne, de relier des mondes qu’on pensait étrangers. Ce couple très sympathique s’adonne avec entrain à une scène de ménage permanente. Un beau jour, elle explose : «Je me demande vraiment pourquoi je suis amoureuse de toi. Nous n’avons rien à voir, toi et moi, nous sommes différents en tout. Nous n’avons pas la même culture, pas la même histoire, nos parents n’ont rien en commun. C’est même impossible de nous mettre d’accord sur un film ou un spectacle. Nous avons des goûts différents, des amis différents, des activités différentes»… Et elle ajoute : «et même de sexe, nous sommes différents!!» Ils éclatent de rire tous les deux, en se jetant dans les bras l’un de l’autre…
    Serge Hefez
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