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Sale temps pour les femmes

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  • Sale temps pour les femmes

    Tous les fanatiques du monde entier ont au moins un point commun: ils sont obsédés par la femme.
    Alors que partout les femmes se battent pour préserver leur dignité et améliorer leurs conditions d’existence, des Etats comme l’Afghanistan élaborent des lois obligeant la femme à se donner à son mari. Les talibans rêvent d’un monde où les femmes seraient cloîtrées, retirées du monde afin de pouvoir les posséder à l’infini et être les seuls à en jouir. C’est le sens du projet de loi que le président Hamid Karzaï a voulu déposer, un projet qui rend légal le viol de l’épouse et interdit à celle-ci se sortir sans l’autorisation de son mari.
    Les intégristes de tout poil, qu’ils soient catholiques, juifs ou musulmans, tremblent devant le corps de la femme, ont peur de son sexe et de sa jouissance au point de vouloir partout l’effacer de l’espace public.
    Les cultures du monde entier ont intégré et représenté cette peur fondatrice. Les lieux de culte, les autels et les musées regorgent de représentations de ces déesses-mères toutes-puissantes, avaleuses, dévoratrices; des sirènes et des Circée qui tentent d’hypnotiser les valeureux Ulysse pour mieux les engloutir…

    L’ombre de cette emprise creuse le sillon qui conduit les hommes à se construire contre la féminité, dans une sorte de peur du féminin, et d’abord en eux-mêmes. Ce sexe caché, mystérieux, inquiétant, s’oppose à leur organe visible, tour à tour puissant et vulnérable, mais toujours menacé. «En avoir ou pas» équivaut à échapper à la toute-puissance maternelle, à trancher, à fuir les délices de la passivité et de la fusion. La peur des hommes s’appuie sur la conviction que les femmes, succédant à leur mère, veulent s’emparer de leur pénis, soit pour leur propre puissance, soit, telle l’héroïne de l’Empire des sens, pour l’incorporer et en jouir indéfiniment.
    L’inconscient de ces hommes est peuplé de femmes à la sexualité animale et sauvage, insatiable et inassouvie, en liaison avec les forces diaboliques. Ces femmes que des tribunaux cherchent, pour la plus grande gloire de Dieu, à canaliser et à asservir à la perpétuation de l’espèce. Dans ce mouvement de domestication, les femmes vont être soit magnifiées, soit méprisées. Idéalisées ou dangereuses, Vierge Marie ou Marie-Madeleine, sanctifiées ou brûlées en place de Grève, elles inspirent le même effroi. Il faut domestiquer cette nature sauvage, lui ôter le clitoris, la dissimuler sous des voiles et des burkas, et s’en tenir à l’écart sous peine de se retrouver irrémédiablement féminisé, dans une position de passivité pénétrée.
    Toute la misogynie des hommes, relayée parfois par les femmes elles-mêmes, s’appuie sur ce double mouvement d’idéalisation et de mépris, d’apologie et de rejet, de sanctification et de rabaissement à une nature honteuse.
    Terreur suprême, les Grecs et les Romains opposaient le phallus à l’ensemble des orifices, la passivité doit être une bien terrible tentation pour qu’il faille à tout prix s’en écarter.
    Il y a quelque temps, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad s’exprimant devant 800 personnes à l’université Columbia de New York, tenait à peu près ces propos : «En Iran nous n’avons pas d’homosexuels comme dans votre pays. En Iran, nous n’avons pas ce phénomène.»
    La salle avait paraît-il éclaté d’un rire nerveux, chacun sachant que dans les faits, les homosexuels iraniens sont publiquement et jour après jour, traqués, suppliciés, condamnés à mort en toute légalité.
    Cette tragique hilarité traduisait parfaitement un choc de cultures. D’un côté un public cultivé, citoyen d’un Etat où l’homosexualité est banalisée et dépénalisée; de l’autre un orateur d'un autre culture, président d’un pays qui fait de la violence homophobe une politique systématique. Le rire comme souvent pointait la dénégation et dévoilait la vérité paranoïaque du fanatique: la terreur à l’égard de tout corps désirant, féminin ou efféminé; le refoulement de toute «déviance» sexuelle, forcément étrangère voire satanique.
    Bastonnades, humiliations, tortures, au cœur des prisons du colonel Kadhafi, les infirmières bulgares traitées de «putains», de «dépravées», de «chiennes chrétiennes», avaient été accusées d’avoir introduit le virus du sida en Libye. Dans un pays où les questions sexuelles sont massivement refoulées du discours public, l’apparition du sida devait fatalement être la conséquence d’une conspiration étrangère ourdie par une puissance maléfique, instrumentalisée par des créatures monstrueuses, des êtres de débauche.
    Dans l’imaginaire intégriste, le corps coupable, c’est d’abord et toujours le corps «passif», vecteur de mauvaises «humeurs» et porteur de poison: le corps des femmes en Afghanistan ou en Libye, celui des homosexuels en Egypte ou en Iran…
    Serge Hefez
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