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Arkoun, Delon et l'Égypte au Sila

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  • Arkoun, Delon et l'Égypte au Sila

    Même en congé, on se méfie toujours. Peut-être que le rédac-chef ou même le dirlo vont t'appeler pour te dire de rentrer dare-dare. Il faut alors que tu aies des billes. Autant dire que ton paquet de billes, t’as intérêt à le garder bien au chaud au fond de ta poche. C'est ce que je fais. Pour ne pas être surpris, j'ai pris des notes presque tous les jours au cas où... On ne m'a pas rappelé mais comme j'ai eu la flemme — mea-culpa ! — de rédiger la énième chronique sur le même sujet, je me suis dit que peut-être ce ne serait pas mal de leur fourguer mes gribouillis quotidiens. Ça peut faire nouveau genre. Non ?

    Mercredi :

    Je viens d'apprendre la mort de Mohamed Arkoun. Arkoun, je l'ai lu, entendu et même vu. Une fois. A l'enregistrement d'une émission radio. Avec ses cheveux blancs coiffés comme s'il venait de sortir de chez le coiffeur, un air soigné à en oublier qu'il était issu d'une famille pauvre et nombreuse de Taourirt-Mimoun, à At Yani ! Il était du même village que Mouloud Mammeri, c'est certifié. D'ailleurs, on n'a jamais compris comment, parti de là, il était devenu l'un des plus grands spécialistes de l'Islam. La question est étrange ? Certes, l'est-elle en réponse à ces préjugés imbéciles qui taxent la Kabylie au mieux d'impiété. Au pire ? Arkoun, c'était surtout un savant polyglotte qui savait tout sur tout. Je me souviens que l'animateur de radio qui l'avait interviewé ce jour-là coinçait sur Aristote. Il y avait d'autres invités mais c'est vers Arkoun qu'il s'est tourné. Instinctivement, et ce qu’il lui en a dit, est, à ce jour, ce que j’ai entendu de plus intéressant sur Aristote. Humaniste érudit, Arkoun était l'un des rares autorisés à dire aux intégristes qui pullulent aujourd'hui qu'ils ne savent rien de l'Islam et que, activistes, ils sèment la mort et quelques mots glanés de seconde main. C'est une lumière qui s'éteint.

    Jeudi :

    Je suis allé voir Des hommes et des dieux, le film consacré aux moines de Tibehirine. Pas mal. Le réalisateur a essayé d'éviter le point de crispation, à savoir : qui a tué les moines ? Comme ces braves moines ne sont pas morts centenaires dans leur lit, il fallait bien évoquer ne serait-ce que le sujet. Il s’est contenté de laisser entendre que ça pouvait être tout autant les barbus que l'armée. D'ailleurs, sur un plan plus général, le discours du film est axé sur la vieille question litigieuse : «qui tue qui ?». Le réalisateur met dans la bouche d'un personnage autochtone la question en ces termes. Faut croire que devant la multiplication de tangos déguisés en militaires et de militaires grimés en émirs, on aurait pu, dans les campagnes, subir un trouble de la vision. Mais le film est avant tout une peinture de l'âme des moines, dévoués à Dieu en qui ils croient et aussi à la population de Tibehirine qu'ils ne voulaient pas abandonner dans le malheur. Un beau moment d'émotion et de réflexion sur le rôle des religions dans le dialogue et la paix entre les hommes.


    Vendredi :


    Alain Delon. C'est lui que choisirait Jean-Marie Le Pen si on lui demandait son avis sur l'acteur qui le camperait le mieux au cinéma. A cause du physique ? Oui, Jean- Marie Le Pen l'affirme. Il se trouverait une ressemblance avec l'acteur félin de Rocco et ses frères. Rien que ça ! Mais aussi à cause de ses idées. Le Pen vend la mèche : ils sont copains tous les deux et, de ce fait, ils partagent certains points de vue. Bardot raciste, Delon pas loin ? Ces monstres sacrés sont plutôt de sacrés monstres car un artiste dénué d'humanisme est en effet un monstre.


    Samedi :


    Suite du feuilleton Arkoun. Il s'est fait enterrer au Maroc. Ce vœu serait celui de son épouse marocaine. Il semblerait, quant à lui, qu'il aurait souhaité être enterré en Algérie. A voir ! Le Maroc officiel jubile ! Non parce que la dépouille du grand homme reposera désormais sur la terre chérifienne mais parce que, sans se fouler, le Palais est arrivé à mettre une pierre dans le jardin du rival algérien. Faut dire que les nôtres, ils n'ont pas déménagé des masses ! Avoir un penseur de cette envergure et le laisser en friche, c'est un crime contre l'humanité. Les pleureurs ne verseront pas leur petite larme de croco. Le pire dans tout ça, c'est qu'ils doivent s'en cirer les makroutes. C'est bien ça, le pire. C'est gouverner la tribu avec les copains. T'es pas dans la ligne, confiné dans le territoire balisé, tant pis pour toi. Ne pas traverser, propriété privée, chien méchant... Heureusement qu'il y a les autres, les humbles, les sans-grades, les simples... Sa famille, ses amis, ses admirateurs... Toutes celles et ceux qui n'acceptent pas de gaieté de cœur de renoncer à lui rendre un ultime hommage sur la terre qui l’a vu naître ont exprimé leur tristesse…


    Dimanche :


    Arkoun, encore. Dans le chassé-croisé des touristes place du Trocadéro à Paris, quelques personnes réunies autour d’une échelle ont rendu hommage à Mohamed Arkoun. L’échelle, c’est pour monter dessus pour causer. Des jeunes, surtout. Parmi eux, l'un de ses neveux, Youcef, étudiant en France. Il parle de sa famille, là-bas à Taourirt-Mimoun, privée de le voir pour la dernière fois. Il s’est créé sur le tas une Association des amis d’Arkoun. Objectif : faire connaître son œuvre mais aussi demander à ce que quelque chose de culturel porte son nom.


    Samedi :

    Je suis de loin la polémique sur la participation de l'Égypte au Sila. Si les Égyptiens viennent, ce qui est souhaitable, les temps seront durs pour le commissaire du Sila et pour la ministre qui l'a si hâtivement et imprudemment soutenu dans l'expression d'un sentiment populiste.
    A. M.


    Le Soir d'Algérie
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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