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Le sens du poil

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  • Le sens du poil

    « Le langage de ces cheveux exprimait, même indiciblement, des “choses” de gauche. » Pier Paolo Pasolini, 1973Des extraits de:

    Organisations pileuses et positions politiques

    À propos de démêlés idéologico-capillaires

    Auteur: Frédéric Baillette

    L’histoire de la pilosité (de son émondage, de son arrangement, de sa fertilité) est éminemment sociale, sexuelle, magicoreligieuse et politique. Le poil, qu’il prolifère ou se dérobe, se charge de significations fort différentes selon ses zones d’implantation privilégiées et ses lieux de villégiature. « Dès qu’il pousse, il n’y a plus de poil en soi : tout duvet est culturel. » Associé à d’autres manifestations corporelles (attitudes, dégaines, gestuelles, etc.) et à des assortiments vestimentaires, il peut énoncer un engagement politique, ou accompagner un parti pris idéologique. Il est aussi la manifestation visible, et parfois caricaturale, d’un choix existentiel, d’une orientation ou d’une prise de position philosophique, esthétique ou sexuelle. Le poil se fait alors, signe de déférence, marque d’allégeance ou, tout au contraire, manifestation caractérisée d’une effronterie, d’un irrespect, l’affirmation et la démonstration d’un refus. Rien d’étonnant dès lors, comme le constate Jerzy Jedlicki, qu’« à toutes les époques, dans toutes les cultures, le pouvoir [se soit] intéressé à la manière de se coiffer de ses citoyens. Il voyait dans leurs cheveux et leur barbe un symbole du soutien ou de l’opposition à son égard. Porter le poil long ou court, c’est effectivement marquer son appartenance au camp de la tradition ou au contraire de la révolution ». Aussi, ce philosophe polonais, qui s’intéresse à la « dialectique du poil et du pouvoir », propose-t-il d’appeler barbologie la discipline cherchant « à interpréter la relation entre la barbe, et plus généralement la coiffure, et la politique, qu’elle soit gouvernementale ou révolutionnaire. » De la même manière, les individus, en jouant de la mise en forme de leur système pileux se livrent à des modifications de l’apparence corporelle aussi signifiantes que provisoires. Ils peuvent ainsi coller à la norme corporelle – c’est-à-dire culturelle – en respectant les codes de la pilosité à l’honneur ou au contraire s’en affranchir et ainsi la transgresser.
    Visages masculins et marques d’ appartenance idéologiques
    Le port de la barbe, par exemple, peut être, selon les moments historiques et les cultures, un signe et un élément de contestation de l’ordre établi (image occidentale du barbu-révolutionnaire), ou au contraire, une marque de stricte observance des traditions, renvoyant alors très souvent à des principes religieux (juifs hassidim, prêtres orthodoxes, musulmans fondamentalistes), ou à des usages communautaires.

    Ainsi, l’homme Turc ajuste-t-il son système pileux facial de multiples façons, en fonction de son « appartenance sociale (militaires, fonctionnaires et représentants du monde des affaires sont souvent glabres), [de son] origine culturelle (orientale ou occidentale, rurale ou citadine), et, enfin, [de ses] sympathies politiques. Fournie et retombant des deux côtés de la bouche, la moustache trahit une communauté de vues avec la droite nationaliste ; épaisse et mordant légèrement sur la lèvre supérieure, elle suppose une certaine sympathie pour la gauche et l’extrême gauche ; courte et bien taillée, elle est l’apanage des islamistes. » Les extrémistes de droite, regroupés dans le Mouvement de l’action nationaliste (MHP, Milli Hareket Partisi), arborent ainsi de solides moustaches à la Gengis Khan. La bacante, fort singulière et instantanément reconnaissable, est appelée sarkik biyigi, ou moustache pendante. Ses brins forment, en retombant de part et d’autre de la bouche, deux sortes de « crocs » de loup qui « font directement référence à l’appellation courante de ces ultra-nationalistes : les “loups gris” (Bozkurt). […] Cette moustache constitue une sorte d’ “emphase”du discours ultra-nationaliste [dont] elle souligne la nature pan- turquiste. »
    Afin d’éviter toute confusion, leurs adversaires politiques (principalement l’extrême gauche) ont opté pour des barbes épaisses à la Karl Marx, ou accessoirement pour le bouc à la Lénine. La stalin biyigi (moustache à la Staline) qui mord largement sur la lèvre supérieure est, quant à elle, hautement suspecte. Elle est, en effet, considérée comme caractéristique des Kurdes proches du PKK (Parti ouvrier du Kurdistan). Moustaches et barbes « permettent de saisir les clivages politiques et identitaires fondamentaux de ces populations ». Rien de surprennant qu’en janvier 1998, les autorités turques aient, au nom de la lutte menée contre les ennemis de la laïcité, invité les fonctionnaires « à se raser quotidiennement ou, du moins, à arborer des moustaches politiquement correctes ». Tout comme les « foulards idéologiques », les barbes aux accointances islamiques n’avaient plus droit de cité dans les administrations publiques. Les institutions d’État n’aiment guère en effet que leur personnel montre ostensiblement ses convictions particulièrement si ces références affichent une contestation de l’autorité. Une tenue capillaire décente est exigée, et, si nécessaire, les rappels à l’ordre s’effectuent par la voie hiérarchique et réglementaire, avec menaces disciplinaires à l’appui.
    Messali Hadj, chef charismatique du nationalisme algérien, rapporte ainsi que Rabah Moussaoui (un des pionniers de l’Étoile nord-africaine, premier parti nationaliste algérien, 1947) « arborait ses grandes moustaches comme le drapeau algérien, et qu’il manqua vraiment mourir quand l’administrateur pénitentiaire les lui rasa. [Probablement lors de son incarcération, suite aux insurrections de Sétif et Guelma du 8 mai 1945] Cette tondeuse, c’était comme un bulldozer sur sa virilité, qui consacrait en même temps son éviction du club des moustachus célèbres, Foch, Staline, pour n’en citer que deux. »

  • #2
    Les différentes formes de barbes et la tendance de la mode

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    • #3
      Estimons nous heureuses, mesdames, que les rouflaquettes ne sont plus en vogue!
      Je me demande ce que cette forme de pilosité signifiait dans son temps?!

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      • #4
        Les autochtones de l'Amérique n'ont pas de barbe. C'est ainsi qu'ils se distinguent des autres ( espagnols, WASP ect).

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        • #5
          Tu veux dire les indiens mouloud?

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          • #6
            Oui. J'utilise pas le mot indien car des fois ça crée la confusion avec les indiens de l'Inde.

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