e suis fdouli”
Le PV
Mohamed M’jid est un pan de l’histoire du Maroc à lui tout seul. Il a vécu sous trois rois et se rappelle même de Mohammed V alors qu’il n’était encore que sultan. Adolescent, il a participé à la première grève de la faim contre le Dahir berbère, avant de séjourner dans huit prisons différentes entre 1937 et 1955 à cause de son combat nationaliste. Ce fort en gueule a aussi fait partie des sécessionnistes de l’Istiqlal, avec Abdellah Ibrahim, Abderrahim Bouabid et Mahjoub Benseddik. Et “Mehdi bien sûr”, signale-t-il, faisant allusion à Ben Barka, qu’il n’appelle que par son prénom, comme au temps où il usait ses fonds de culotte sur les mêmes bancs d’école que le martyr de la gauche. Aujourd’hui, Papy M’jid fait toujours de la résistance, mais il n’est plus ce garnement aux mauvaises fréquentations de gauche. Il affirme n’avoir qu’une devise : Allah, Al Watan, Al Malik. Un grand classique…
Smyet bak ?
Abdelmjid Benkacem.
Smyet mok ?
Tamou Hachemi.
Nimirou d’la carte ?
B 7895.
Il est rare de tomber sur une carte nationale qui ne comprend que 4 chiffres.
Je ne suis pas un homme riche, c’est pourquoi on ne m’a donné que 4 chiffres. Je suis certain que les autres en ont beaucoup plus que moi : autant de chiffres que de milliards.
Votre grand-père s’appelait Jamaï et exerçait le négoce. En fait, vous êtes un Fassi caché
…
Serait-ce une tare que d’être fassi? Je ne comprends pas le régionalisme qui sévit au Maroc. Fassi ou pas Fassi, ce n’est pas mon problème, c’est celui de ceux qui réfléchissent mal. Moi, je me considère comme Marocain avant tout.
Quel âge avez-vous vraiment ?
Il n’y avait pas d’état civil quand je suis né, je ne connais donc pas mon âge précis. J’ai vu le jour entre 1916 et 1920, mais tout le monde arrondit à 90 ans en général. Rajeunissez-moi ou vieillissez-moi à votre convenance.
Vous n’êtes pas décidé à laisser la place aux jeunes ?
Pourquoi voulez-vous que je leur laisse ma place ? Je ne l’ai volée à personne et je ne gêne aucun quidam.
Un demi-siècle à la tête de la Fédération de tennis, ce n’est pas un peu beaucoup ?
Le tennis n’existait pas quand j’en ai pris les rênes. Il n’y avait ni infrastructures, ni dirigeants, ni joueurs. Entre les fils El Glaoui, les fils Sebti et quelques autres, nous étions à peine dix à taper dans la balle jaune. Je suis resté aussi longtemps non pas pour servir mes intérêts personnels, mais pour mettre en place tous ces éléments. Cela ne pouvait pas se faire en une semaine, il a fallu deux générations pour y arriver.
Mohammed VI a été très dur avec certains dirigeants de fédération dans sa lettre royale sur le sport. Vous êtes-vous senti visé ?
Pas du tout. J’ai applaudi car il a mis les points sur les i. Sa lettre venait à point nommé, il fallait sortir le sport marocain d’une situation catastrophique qui n’a que trop duré.
Vous êtes plutôt Nadal ou Federer ?
Nadal, car il possède à la fois la technique et le physique. Il aura à coup sûr une carrière plus longue que Federer, qui est un artiste, un ébéniste sur le terrain, mais à qui il manque le physique.
Pourtant, certains commentateurs affirment que Nadal ne durera pas car son jeu tout en puissance nécessite trop d’efforts physiques.
Je suis un homme de terrain, je sais de quoi je parle. Je laisse ce type d’affirmations aux commentateurs de cafés du commerce, qui sirotent leur whisky sans rien connaître du tennis.
Vous étiez dans la même classe que Mehdi Ben Barka en sixième. Un souvenir en particulier ?
C’était un génie des maths et un agitateur. Condisciples au collège Moulay Youssef, nous avons organisé ensemble la première grève de la faim contre le Dahir berbère.
Il dessinait des faucilles et des marteaux sur son pupitre ?
A l’époque, nous n’étions ni de gauche ni de droite. Nous n’avions pas de couleur politique, aucune faucille, aucun marteau, nous étions juste nationalistes.
Militant nationaliste, vous épousez sous le protectorat une Française. Vous a-t-on considéré comme un traître ?
Absolument pas. Je n’étais pas le seul nationaliste à avoir épousé une Française. Beaucoup de nos compagnes françaises militaient aussi pour l’indépendance du Maroc. J’aurais d’ailleurs aimé que certaines femmes marocaines s’investissent autant à nos côtés. Pour l’anecdote, mon épouse dit souvent qu’elle n’a connu que deux choses en se mariant avec moi : les prisons et les cours de tennis (rire).
Si je vous dis que votre ville d’origine, Safi, pue la sardine, vous me rétorquez quoi ?
Je préfère l’odeur des sardines à celle de certains “maquereaux” qui nous gèrent.
Vous avez été goal à l’Union sportive de Safi dans votre jeunesse. La solitude du gardien de but, c’est vrai ou c’est une légende ?
Un goal est certes le gardien du temple, mais sa solitude est une légende.
Vous assuriez dans les cages ?
J’ai une anecdote à ce propos. L’Union sportive de Safi devait jouer contre le RAC au Stade Philippe. Le gardien de but titulaire de l’USS ne s’étant pas présenté, j’ai dû le remplacer au pied levé alors que je n’étais encore qu’un collégien. L’arbitre siffle un penalty contre nous, que tire l’avant-centre du RAC et de l’équipe du Maroc à l’époque. Je me retrouve par miracle sur la trajectoire du ballon. Vexé qu’un collégien arrête son penalty, l’avant-centre du RAC s’est vengé en me plantant 7 buts. Cette défaite a marqué la fin de ma carrière (rire).
Vous avez critiqué les grévistes protestant contre le nouveau Code de la route. Au nom de quoi ou de qui ? Fdouli M’jid ?
Je suis fdouli, mais ce pays n’aurait jamais été construit sans les fdouliyne. Des syndicats organisent des grèves pour défendre les chauffards malgré l’hécatombe sur les routes. Ce n’est pas un permis de conduire pour eux, mais un permis de tuer.
On a le sentiment qu’on vous invite à la télé surtout pour faire le show car vous avez le verbe haut.
J’ai le verbe haut et le cul bas, comme tout le monde. Et il vaut mieux faire le show que le con.
Après avoir participé à la fondation de l’UNFP de Mehdi Ben Ben Barka en 1959, vous rejoignez dans les années 1980 les rangs du RNI, un parti administratif. Avez-vous vendu le match ?
Je n’ai jamais vendu de match. J’ai joué et gagné mes matchs sur le terrain de manière loyale. Je me suis présenté à Safi sous les couleurs du RNI, car je me suis interdit de demander l’accréditation à l’Istiqlal ou l’USFP, deux partis que j’avais quittés depuis longtemps. L’expression “parti administratif” ne rime d’ailleurs à rien. C’est une rengaine éculée, toutes les formations sont financées par l’administration.
Délégué du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), que pensez-vous de la politique du Maroc qui consiste à expulser les Subsahariens ?
La grande majorité d’entre eux sont des réfugiés économiques et non pas des réfugiés politiques. Le Maroc comptant déjà de nombreux chômeurs, nous n’avons pas le luxe de les accueillir. Mais je suis scandalisé par le fait que notre pays et l’Algérie jouent au ping-pong avec eux aux frontières.
Telquel
Mohamed M’jid, acteur associatif
(AICPRESS)
(AICPRESS)
Antécédents
Entre 1916
et 1920Voit le jour à Safi1933.Touche sa première raquette de tennis.1954.Se marie.1959.Participe à la création de l’UNFP avec Mehdi Ben Barka1960.Devient président de la Fédération de tennis.1968.Nommé délégué du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).1983.Elu député de Safi sous les couleurs du RNI.
et 1920Voit le jour à Safi1933.Touche sa première raquette de tennis.1954.Se marie.1959.Participe à la création de l’UNFP avec Mehdi Ben Barka1960.Devient président de la Fédération de tennis.1968.Nommé délégué du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).1983.Elu député de Safi sous les couleurs du RNI.
Le PV
Mohamed M’jid est un pan de l’histoire du Maroc à lui tout seul. Il a vécu sous trois rois et se rappelle même de Mohammed V alors qu’il n’était encore que sultan. Adolescent, il a participé à la première grève de la faim contre le Dahir berbère, avant de séjourner dans huit prisons différentes entre 1937 et 1955 à cause de son combat nationaliste. Ce fort en gueule a aussi fait partie des sécessionnistes de l’Istiqlal, avec Abdellah Ibrahim, Abderrahim Bouabid et Mahjoub Benseddik. Et “Mehdi bien sûr”, signale-t-il, faisant allusion à Ben Barka, qu’il n’appelle que par son prénom, comme au temps où il usait ses fonds de culotte sur les mêmes bancs d’école que le martyr de la gauche. Aujourd’hui, Papy M’jid fait toujours de la résistance, mais il n’est plus ce garnement aux mauvaises fréquentations de gauche. Il affirme n’avoir qu’une devise : Allah, Al Watan, Al Malik. Un grand classique…
Smyet bak ?
Abdelmjid Benkacem.
Smyet mok ?
Tamou Hachemi.
Nimirou d’la carte ?
B 7895.
Il est rare de tomber sur une carte nationale qui ne comprend que 4 chiffres.
Je ne suis pas un homme riche, c’est pourquoi on ne m’a donné que 4 chiffres. Je suis certain que les autres en ont beaucoup plus que moi : autant de chiffres que de milliards.
Votre grand-père s’appelait Jamaï et exerçait le négoce. En fait, vous êtes un Fassi caché
…
Serait-ce une tare que d’être fassi? Je ne comprends pas le régionalisme qui sévit au Maroc. Fassi ou pas Fassi, ce n’est pas mon problème, c’est celui de ceux qui réfléchissent mal. Moi, je me considère comme Marocain avant tout.
Quel âge avez-vous vraiment ?
Il n’y avait pas d’état civil quand je suis né, je ne connais donc pas mon âge précis. J’ai vu le jour entre 1916 et 1920, mais tout le monde arrondit à 90 ans en général. Rajeunissez-moi ou vieillissez-moi à votre convenance.
Vous n’êtes pas décidé à laisser la place aux jeunes ?
Pourquoi voulez-vous que je leur laisse ma place ? Je ne l’ai volée à personne et je ne gêne aucun quidam.
Un demi-siècle à la tête de la Fédération de tennis, ce n’est pas un peu beaucoup ?
Le tennis n’existait pas quand j’en ai pris les rênes. Il n’y avait ni infrastructures, ni dirigeants, ni joueurs. Entre les fils El Glaoui, les fils Sebti et quelques autres, nous étions à peine dix à taper dans la balle jaune. Je suis resté aussi longtemps non pas pour servir mes intérêts personnels, mais pour mettre en place tous ces éléments. Cela ne pouvait pas se faire en une semaine, il a fallu deux générations pour y arriver.
Mohammed VI a été très dur avec certains dirigeants de fédération dans sa lettre royale sur le sport. Vous êtes-vous senti visé ?
Pas du tout. J’ai applaudi car il a mis les points sur les i. Sa lettre venait à point nommé, il fallait sortir le sport marocain d’une situation catastrophique qui n’a que trop duré.
Vous êtes plutôt Nadal ou Federer ?
Nadal, car il possède à la fois la technique et le physique. Il aura à coup sûr une carrière plus longue que Federer, qui est un artiste, un ébéniste sur le terrain, mais à qui il manque le physique.
Pourtant, certains commentateurs affirment que Nadal ne durera pas car son jeu tout en puissance nécessite trop d’efforts physiques.
Je suis un homme de terrain, je sais de quoi je parle. Je laisse ce type d’affirmations aux commentateurs de cafés du commerce, qui sirotent leur whisky sans rien connaître du tennis.
Vous étiez dans la même classe que Mehdi Ben Barka en sixième. Un souvenir en particulier ?
C’était un génie des maths et un agitateur. Condisciples au collège Moulay Youssef, nous avons organisé ensemble la première grève de la faim contre le Dahir berbère.
Il dessinait des faucilles et des marteaux sur son pupitre ?
A l’époque, nous n’étions ni de gauche ni de droite. Nous n’avions pas de couleur politique, aucune faucille, aucun marteau, nous étions juste nationalistes.
Militant nationaliste, vous épousez sous le protectorat une Française. Vous a-t-on considéré comme un traître ?
Absolument pas. Je n’étais pas le seul nationaliste à avoir épousé une Française. Beaucoup de nos compagnes françaises militaient aussi pour l’indépendance du Maroc. J’aurais d’ailleurs aimé que certaines femmes marocaines s’investissent autant à nos côtés. Pour l’anecdote, mon épouse dit souvent qu’elle n’a connu que deux choses en se mariant avec moi : les prisons et les cours de tennis (rire).
Si je vous dis que votre ville d’origine, Safi, pue la sardine, vous me rétorquez quoi ?
Je préfère l’odeur des sardines à celle de certains “maquereaux” qui nous gèrent.
Vous avez été goal à l’Union sportive de Safi dans votre jeunesse. La solitude du gardien de but, c’est vrai ou c’est une légende ?
Un goal est certes le gardien du temple, mais sa solitude est une légende.
Vous assuriez dans les cages ?
J’ai une anecdote à ce propos. L’Union sportive de Safi devait jouer contre le RAC au Stade Philippe. Le gardien de but titulaire de l’USS ne s’étant pas présenté, j’ai dû le remplacer au pied levé alors que je n’étais encore qu’un collégien. L’arbitre siffle un penalty contre nous, que tire l’avant-centre du RAC et de l’équipe du Maroc à l’époque. Je me retrouve par miracle sur la trajectoire du ballon. Vexé qu’un collégien arrête son penalty, l’avant-centre du RAC s’est vengé en me plantant 7 buts. Cette défaite a marqué la fin de ma carrière (rire).
Vous avez critiqué les grévistes protestant contre le nouveau Code de la route. Au nom de quoi ou de qui ? Fdouli M’jid ?
Je suis fdouli, mais ce pays n’aurait jamais été construit sans les fdouliyne. Des syndicats organisent des grèves pour défendre les chauffards malgré l’hécatombe sur les routes. Ce n’est pas un permis de conduire pour eux, mais un permis de tuer.
On a le sentiment qu’on vous invite à la télé surtout pour faire le show car vous avez le verbe haut.
J’ai le verbe haut et le cul bas, comme tout le monde. Et il vaut mieux faire le show que le con.
Après avoir participé à la fondation de l’UNFP de Mehdi Ben Ben Barka en 1959, vous rejoignez dans les années 1980 les rangs du RNI, un parti administratif. Avez-vous vendu le match ?
Je n’ai jamais vendu de match. J’ai joué et gagné mes matchs sur le terrain de manière loyale. Je me suis présenté à Safi sous les couleurs du RNI, car je me suis interdit de demander l’accréditation à l’Istiqlal ou l’USFP, deux partis que j’avais quittés depuis longtemps. L’expression “parti administratif” ne rime d’ailleurs à rien. C’est une rengaine éculée, toutes les formations sont financées par l’administration.
Délégué du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), que pensez-vous de la politique du Maroc qui consiste à expulser les Subsahariens ?
La grande majorité d’entre eux sont des réfugiés économiques et non pas des réfugiés politiques. Le Maroc comptant déjà de nombreux chômeurs, nous n’avons pas le luxe de les accueillir. Mais je suis scandalisé par le fait que notre pays et l’Algérie jouent au ping-pong avec eux aux frontières.
Telquel
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