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Le nationalisme algérien vu par les services de renseignement français

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  • Le nationalisme algérien vu par les services de renseignement français

    Le nationalisme algérien vu par les services de renseignement français : l’œil du cyclone (1946-1954).




    Nous remercions notre compatriote B. Abdelwahab pour l’envoi de cet excellent travail de recherche du Dr J.C Jauffret que nous publions à l’approche de l’anniversaire du 1er novembre 54.
    ==========================================
    Dr. Jean-Charles JAUFFRET
    I.E.P d’Aix-en-Provence
    22 Juin 2006.


    Au lendemain de la loi d’amnistie du 9 mars 1946 qui met un terme à la sévère répression de l’acte un de la guerre d’Algérie, l’insurrection du Nord-Constantinois en mai 1945[1], un axiome perdure dans les services publics français et une grande partie de la presse : l’ordre règne en Algérie. Et ce jusqu’aux surprises du 1er novembre 1954, deuxième acte du conflit algérien marqué par la longue Guerre de Libération nationale.
    Mais que savait-on alors des aspirations des Algériens à la liberté entre ces deux dates ? Les représentants de la puissance coloniale emploient le terme de nationalisme et non de nation algérienne, et encore moins d’« individualité nationale » comme le fit Ben Badis dès 1925 avant de répondre, onze ans plus tard, à Ferhat Abbas dans une diatribe célèbre [2]. Pourtant, c’est bien d’un peuple en devenir qu’il s’agit, dans cet œil du cyclone, ce faux calme entre deux bourrasques de l’histoire. Par quels moyens les politiques français, tant à Paris qu’à Alger, percevaient-ils les aspirations des Français de souche nord-africaine (FSNA), pour reprendre une expression administrative de l’époque ? Poser cette question, c’est s’intéresser aux services de renseignements en s’interrogeant sur la prise en considération de leurs informations, sans négliger le poids des évolutions de la décolonisation, du panarabisme[3], la solidarité maghrébine et d’autres facteurs extérieurs, que nous avons par ailleurs développés dans plusieurs études[4]. En d’autres termes, la « Toussaint rouge » n’a-t-elle pas été annoncée par une série d’alertes et d’analyses des intentions des divers mouvements dits nationalistes, d’événements qui ont précédé la fin de l’année 1953, date à partir de laquelle se perçoit un emballement des actions jugées comme étant déjà « terroristes » ? Pour ce faire, nous reprendrons en la complétant une étude fondamentale menée sous notre direction et publiée en 1998, le tome deux de La guerre d’Algérie par les documents : les portes de la guerre, 1946- 1954[5].
    Quel renseignement ?

    En dehors de la magistrale thèse sur le renseignement opérationnel menée à bien par Raphaëlle Branche [6], l’étude des services des renseignements en est encore à ses débuts et ne concerne que la période 1954-1962 du conflit algérien [7]. On conçoit, dès lors, combien il peut être utile de s’intéresser aux années les moins connues du conflit algérien, entre 1946 et 1954, à partir de quels outils et selon quelles méthodes ?
    Par renseignement, il faut concevoir une somme d’informations adressée tant aux politiques qu’aux responsables militaires comme aide à la prise de décision, en ayant toujours à l’esprit cette limite : surtout en temps de paix, il est souvent plus difficile de faire prendre un renseignement en considération que de l’acquérir par des moyens humains - agents infiltrés ou « honorables correspondants » -, la contrainte (voir ci-après), ou les écoutes radio[8].
    Il convient également d’éviter le travers de l’omnipotence des services de renseignement et les fausses pistes sur lesquelles le chercheur peut s’égarer s’il ne fait pas attention au respect le plus strict de la chronologie. Ces services naviguent le plus souvent à l’aveuglette et ont parfois tendance à se donner le beau rôle en constituant leurs notes de synthèse afin de convaincre le politique de la pertinence de leurs analyses. Autre défaut, surtout en temps de guerre, ils ont parfois tendance à perdre leur rôle d’avertissement pour celui de courtisan en cherchant, dans l’actualité ou la prospective, ce qui pourrait conforter la ligne de conduite des autorités supérieures. À cette critique des sources, il faut joindre aussi une autre considération. Avant novembre 1954 et les prémices du Centre de coordination interarmées et du Centre de renseignement et d’opérations (CRO), créé le 30 décembre 1954, qui centralisent enfin les renseignements, les Services de renseignement (SR) forment une nébuleuse aux compartiments nécessairement étanches qui relève moins d’un conflit interne que d’un souci d’éviter les fuites.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Plusieurs organismes suivent le développement des mouvements nationalistes algériens. Deux services dépendent directement des instances gouvernementales et ne communiquent qu’exceptionnellement avec le gouverneur général de l’Algérie. Rattaché au président du Conseil, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) dispose d’un poste ou antenne en Algérie, mais il ne reste rien des documents, le plus souvent à détruire après réception, de cet organisme. Il en est de même pour la Direction de surveillance du territoire (DST), dépendant du ministre de l’Intérieur, dont les services à Alger sont dirigés avant novembre 1954 par Gaston Pontal, disposant de tables d’écoute [9].
    Outre les 249 brigades de trois légions départementales (10e, 10e bis et 10e ter), et la 10e légion de la Garde républicaine, le gouverneur général de l’Algérie, à travers les services de la Sûreté nationale, bénéficie du réseau de la police judiciaire, de la police administrative et des Renseignements généraux (RG). Les RG constituent le plus faible effectif des trois services de police, 356 personnes, dont 16 commissaires, contre un total de 584 personnes, dont 34 commissaires et 5 896 personnes et 113 commissaires respectivement pour les deux autres services. Dans ses souvenirs, le préfet Jean Vaujour [10], chef de la Sûreté générale en 1953-1954, estime que si les RG sont bien informés pour tout ce qui se passe dans les grandes villes algériennes, leurs informations sur le bled sont rares et peu fiables [11]. Archives au maniement délicat de valeur très inégale, car mêlant ragots et enquêtes véritables, ces documents se rapprochent souvent de la main courante des commissariats ou de la simple délation. Lorsque nous dirigions, de 1987 à 1998, la grande entreprise du Service historique de l’armée de terre (SHAT), devenu en 2005 Service historique de la Défense (SHD), nous avons eu en main les doubles des synthèses de renseignements mensuels des RG adressés au général commandant la 10e région militaire (RM). N’ayant pas reçu alors l’autorisation de publication de la part du ministère de l’Intérieur, seul propriétaire de ces archives pour un service qui existe encore, nous n’avons pu les inclure dans le deuxième tome cité. Nous pouvons cependant dire que ces documents, dont des doubles sont aussi détenus par le Centre des archives d’Outre-mer (CAOM) d’Aix-en-Provence[12], évoquent ce que l’on appelait en Algérie, le « renseignement anisette », c’est-à-dire que l’inspecteur des RG, personnalité rapidement démasquée dans le petit univers des Français de souche européenne (FSE), glanait souvent ces renseignements au café du Commerce local. Mais ce qui est le plus gênant et rend leur exploitation très délicate, c’est que ces documents fourmillent d’informations relatives à la vie privée des gens, dont certains futurs ministres, hommes politiques, ou personnalités de l’Algérie devenue indépendante. D’où les précautions sémantiques appelant à « une sérieuse critique historique [ce que disent les RG n’est pas nécessairement exempt d’erreurs ou d’imprécisions] »[13] de François Giustiniani, conservateur du patrimoine et chef de la mission des Archives nationales auprès du ministre de l’Intérieur, lorsqu’en août 2005 le gouvernement Villepin décide de la parution d’une dérogation générale concernant les archives des RG relatives à la guerre d’Algérie et conservées aux Archives nationales.
    La quête du renseignement par les services de police et de gendarmerie pose, de manière précoce, la question de la contrainte. Par recoupement de sources et d’études, il s’agit bien d’une spécificité coloniale propre à l’Algérie - en dehors de l’Indochine. Une première utilisation de la « gégène » apparaît, selon Jacques Cantier [14], au sein de la brigade de gendarmerie de Berrouaghia au printemps de 1942, de connivence avec le service de sûreté de Médéa. Dans son roman Les Hauteurs de la ville, prix Femina 1948, Emmanuel Roblès fait également référence à la pratique courante de méthodes fortes par les forces de police en Algérie. En découle la vive, et semble-t-il, vaine réaction d’un homme à poigne, le gouverneur général Marcel-Edmond Naegelen. Le 21 octobre 1949, il condamne l’usage de la torture dans une circulaire aux préfets : « La violence doit être prohibée d’une manière absolue en tant que méthode d’investigation », précise-t-il. Ce discours s’adresse également à tous les supérieurs hiérarchiques des forces de police en Algérie qui « auront toléré ou favorisé ces pratiques », en menaçant ceux qui n’en tiendraient pas compte d’être punis « avec une extrême rigueur ». Et de préciser que ces méthodes« constituent une atteinte à la dignité humaine qui n’admet aucune justification » [15]. Un an plus tard, au moment du démantèlement de l’OS (Organisation spéciale), branche armée clandestine du nationalisme algérien, il précise aux responsables de la police convoqués dans son bureau qu’enfreindre la loi et la morale c’est « tomber au niveau des tortionnaires nazis ». Et d’ajouter qu’il ne tolérerait point que certains agents de la force publique soient « tentés de croire qu’avec les “ratons” on pouvait tout se permettre». Cette ligne de conduite ne constitue pas un épiphénomène, mais s’inscrit dans la lignée de la politique prônée en Afrique du Nord par Lyautey (« Rien de durable ne se fonde sur la force »[16]), des directives de 1927 sur le respect dû aux indigènes et faisant suite aux efforts du gouverneur général Yves Chataigneau, dans les années 1944-1948, quant à la reconnaissance de la dignité des Algériens musulmans.Renouvelée en 1952, cette interdiction semble être restée lettre morte auprès des forces de police en Algérie, en dépit de la punition exemplaire infligée, dit Naegelen sans plus de précision, à un lieutenant de gendarmerie à l’occasion des brutalités commises lors de la fouille du village de Sidi-Ali-Bou-Nab, en Kabylie [17].
    On comprend mieux, dès lors, bien avant le bloc-notes de François Mauriac dans L’Express du 2 novembre 1954, l’à-propos de l’article de Claude Bourdet qui demande, le 6 décembre 1951, à la suite des conditions du démantèlement de l’OS : « Y a-t-il une Gestapo d’Algérie ? »[18]. Sylvie Thénault a par ailleurs montré dans sa thèse que, très tôt, les atteintes à l’intégrité des personnes pour obtenir un aveu font partie des pratiques courantes de la justice pénale en Algérie, qui jouit d’une mauvaise réputation en s’apparentant déjà à un régime d’exception[19].
    En revanche, demeurent exploitables les séries conservées aux archives de Vincennes de deux autres services de renseignement qui font encore du vrai renseignement sans verser, semble-t-il, de façon systématique, dans ces déviances de la contrainte, elle-même témoin de l’échec de la quête fiable des informations. Le premier dépend du ministère de l’Intérieur. Il s’agit du Service de liaisons nord-africaines (SLNA) [20] du colonel Schœn. Véritable « as » du renseignement, Paul Schœn est un ancien des Affaires indigènes du Maroc (1925-1938). Il s’illustre à la prise de Toulon et lors de la campagne d’Alsace au sein du 9e zouaves. Placé hors cadre, le 2 mai 1947, il est rattaché au cabinet civil du gouverneur général de l’Algérie comme chef du SLNA qui vient d’être créé [21]. Ce service est unique en son genre, et se situe aux antipodes des habituelles méthodes coercitives de la police [22], en attendant celles encore plus expéditives des Dispositifs opérationnels de protection (DOP). Disposant d’un effectif permanent de 13 officiers du Service des affaires militaires musulmanes, le SLNA comprend une portion centrale à Alger et trois services départementaux rattachés aux cabinets des préfets. Il n’a pas d’informateurs rétribués à plein-temps (?), hormis, semble-t-il des agents « retournés », anciens de l’OS, à en croire l’auteur algérien Azzedine Boumeneur [23].
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    • #3
      Bien que cette affirmation ne puisse être recoupée, il semble, en revanche, que le SLNA, outre ses liens avec les administrateurs civils des communes mixtes, bénéficiait de contacts avec des personnes, tant musulmanes qu’européennes, réfractaires aux méthodes employées par les services de police, selon les dires du colonel Schœn. En effet, le SLNA dispose d’un fichier de 8 000 noms constamment mis à jour, mais dont nous ne savons rien quant à leur identité. Lointain héritier des Bureaux arabes, le SLNA est à l’origine des circulaires gubernatoriales, hélas bien mal appliquées, sur les égards dus aux musulmans, dont la circulaire du 19 juillet 1952 sur la « Lutte contre les intermédiaires se livrant à la spoliation des pensionnés militaires musulmans » [24]. C’est dire si les synthèses mensuelles adressées au gouverneur général, très riches à partir de la fin 1953, sont précieuses pour l’historien, quoique ce service soit, lui aussi, mieux informé de ce qui se passe en ville que dans le bled. Témoin de la sous-administration chronique de l’Algérie, c’est là une des grandes faiblesses des services de renseignement, et une des origines des surprises de novembre 1954, en dépit de la perception des diverses menaces remettant en cause le modèle colonial.
      Une autre série exceptionnelle d’archives, mais parfois incomplète, concerne le Deuxième bureau de la 10e région militaire. Depuis la fin de l’état de siège en Algérie proclamée le 12 décembre 1945, il a perdu son caractère opérationnel. Les priorités de la défense de l’hexagone dans le contexte de la guerre froide et les impératifs du conflit indochinois affaiblissent considérablement ce service relevant du ministre de la Défense. Par rapport à la période du temps de guerre, le Deuxième bureau n’a plus ses propres informateurs, vraisemblablement officiers indigènes en « immersion » dans la population, quoique les officiers des Affaires militaires musulmanes (AMM), en poste dans les subdivisions militaires, constituent une source précieuse. L’Algérie n’étant plus considérée comme zone d’opérations, le Deuxième bureau bénéficie cependant de relais fort utiles. La portion centrale d’Alger fait la synthèse des documents fournis par les divisions militaires territoriales correspondant aux départements d’Alger, de Constantine et d’Oran, les brigades de gendarmerie, le Service de sécurité de défense nationale et des forces armées (SSDNFA)[25] et les précieux rapports des officiers des Affaires militaires musulmanes (AMM) en poste dans les unités de tirailleurs - trois régiments de tirailleurs forment la 21e division d’intervention algérienne créée en 1949. Des renseignements complémentaires viennent des officiers se trouvant dans les Territoires du Sud (Sahara) et des RG. Donnant tous les mois au commandant de la 10e région militaire une synthèse sur l’état d’esprit des populations, l’acuité de ces rapports change de l’habituelle langue de bois administrative que la presse algérienne, hormis l’Alger Républicain [26] ou la revue communiste Liberté, reproduit le plus souvent.
      L’ordre règne en Algérie, mars 1946 – septembre 1953

      Au lendemain de l’insurrection du Nord-Constantinois, un peu à l’image de la répression qui a suivi la grande révolte de 1871, la population algérienne (musulmane), aux dires des SR, semble « sonnée », c’est-à-dire ce que d’aucuns prennent pour une sage soumission, l’acceptation, enfin, de la présence française, traduit, en fait, une apathie, une attitude sourdement hostile. L’échec de l’insurrection spontanée remet en cause les moyens d’accès à la souveraineté pour les partis dits nationalistes : faut-il tenter de passer par les urnes en profitant de certains gestes de bonne volonté de la puissance coloniale tel le statut, bien timide, de l’Algérie adopté en 1947, croire encore aux possibilités d’une révolte générale mieux organisée, ou bien préparer une action armée clandestine ? Comment les SR perçoivent-ils ces débats internes et comment en rendent-ils compte aux instances décisionnelles avant les premiers signes avant-coureurs, en octobre 1953, d’impatience qui se radicalisent ?
      En avril 1946, soit un mois après le vote de la loi d’amnistie, le général Henry Martin, commandant la 10e région militaire, estime qu’il y a « tendance à moins redouter un mouvement insurrectionnel, mais des possibilités de troubles locaux persistent » [27]. Après les événements sanglants de mai 1945, cette réflexion donne une image de l’Algérie pour les neuf ans à venir, au moment où les acteurs politiques algériens se mettent en place [28].
      Ferhat Abbas apparaît comme le principal bénéficiaire de l’amnistie. Dans un appel à la jeunesse française et algérienne, il tire la leçon de l’insurrection et rejette tout recours à la violence [29]. Entouré de ses amis Ahmed Boumendjed, Ahmed Francis et le Dr Saadane, il crée l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA). Cette référence au Manifeste du 10 février 1943, acte de naissance de la nation algérienne [30], assure la transition entre le nouveau parti et les Amis du manifeste et de la liberté (AML) dissous en mai 1945. En juin 1946, aux élections de la seconde Assemblée constituante, l’UDMA obtient 11 députés. Le 9 août, Ferhat Abbas est l’auteur de la proposition de loi, plus tard reprise par Charles de Gaulle, d’une constitution d’une République algérienne associée à la France [31].
      Si Ferhat Abbas occupe en 1946 le devant de la scène, c’est, notent les SR, par la disparition ou la discrétion d’autres mouvements contestataires. À l’origine de la manifestation du 8 mai 1945 à Sétif, les scouts musulmans sont interdits dans le Constantinois jusqu’en avril 1948. Sous l’autorité morale de Bachir Brahimi, les oulémas réformistes, déçus par leur alliance en 1945 avec les patriotes les plus intransigeants, se rapprochent des modérés de l’UDMA. Légaliste, le Parti communiste algérien (PCA) suit la ligne directrice de Paris et attend juillet 1946 pour lancer un premier appel à l’union des partis musulmans anticoloniaux en réclamant une assemblée et un gouvernement algériens.
      Pour les Algériens, la grande affaire de 1946, c’est le retour du zaïm, du guide, Messali Hadj, sur sa terre natale - il est en résidence forcée à Brazzaville depuis la fin avril 1945. L’autorité militaire suit avec inquiétude cet événement dont la date a été plusieurs fois reportée. Selon Benjamin Stora, c’est à Bamako, le 20 juin 1946 que le chef du Parti du peuple algérien (PPA), clandestin depuis 1939, apprend qu’un arrêté du préfet de Constantine lui signifie les limites de son élargissement : les grandes villes algériennes lui sont interdites [32]. Après une arrivée discrète par avion, la troupe étant réquisitionnée pour la circonstance, le zaïm s’installe, le 13 octobre, à Bouzaréah, près d’Alger, où il est l’objet d’« ovations de la part de 8 000 musulmans » [33]. Abandonnant ses consignes abstentionnistes en matière électorale, Messali Hadj crée, en novembre, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) revendiquant l’indépendance de l’Algérie. Aux premières législatives de la IVe République, le MTLD obtient cinq sièges, tandis qu’en parallèle le PPA se reconstitue peu à peu de façon fort discrète depuis 1945.
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      • #4
        Qu’en est-il du bled ? Là encore la lecture des rapports des SR infirme le stéréotype du ciel redevenu soudainement serein après les « événements » de 1945. En 1946, le slogan déjà rencontré en Algérie depuis 1943, « La valise ou le cercueil », réapparaît et traduit une tension entre communautés. Les SR notent le caractère radical du discours des candidats européens aux diverses consultations électorales de l’année. En mai, le Deuxième bureau qualifie de « psychotiques » les comportements des Européens croyant à toutes sortes de bruits comme l’annonce de nouveaux troubles à Sétif [34]. Se perçoit, à ce propos, une constante caractérisant la population française d’Algérie : la peur latente de la submersion par la communauté musulmane beaucoup plus nombreuse. D’où un impératif besoin de protection. Le 30 juillet, à Tiaret, un peloton de gardes républicains est détaché pour assurer la protection des récoltes. Le 9 décembre, les SR observent une « recrudescence du banditisme en Kabylie», sans distinguer les combattants algériens, tels Hocine Aït Ahmed ou « le lion des djebels » [35], Krim Belkacem, qui ont pris le maquis depuis 1945 et n’en sont pas redescendus. Selon le Deuxième bureau, cette atmosphère délétère, qui règne au-dessus des cendres du Constantinois, occulte le référendum constitutionnel d’octobre 1946. Le préambule de la nouvelle constitution n’est pas commenté dans les cafés maures. Il contient pourtant la promesse d’une égalité entre les populations des départements algériens et la métropole, mais ce principe républicain se trouve restreint par la promesse d’un statut particulier.
        C’est bien cette dernière question qui est le grand débat de 1947, sur fond de décolonisation au moment où la Grande-Bretagne vient d’accorder le self-government à Malte, tandis que la partition des Indes donne naissance au Pakistan musulman. En outre, naît au Caire le Comité de libération du Maghreb arabe. Selon les synthèses de renseignements signées par le général Olleris, commandant de la 10e région militaire [36], dans les grandes villes algériennes les discussions sont passionnées, dans un climat d’inquiétude entretenue par l’« agitation nationaliste ». En mai, un vent de panique, l’attente d’une nouvelle insurrection, traverse l’Algérie, du village d’Edgar-Quinet, dans le Sud-Constantinois à Nemours près de la frontière marocaine [37]. Le plus curieux est que l’impopularité du projet crée une sorte d’unanimité, mais pour des raisons opposées, entre FSE et FSNA pour rejeter un texte imposé par Paris, adopté le 27 août et promulgué le 20 septembre. Le 17 juillet, le zaïm, dans un long message au peuple algérien, revendique le droit de « lutter avec foi et persévérance pour tes libertés et une véritable démocratie » [38]. Pour Ferhat Abbas, déçu que la IVe République légifère en lieu et place des Algériens, sans oser soumettre sa réforme à référendum, ce statut étriqué arrive trop tard. En geste de protestation, l’UDMA fait démettre de leurs mandats ses élus au Conseil de la République, imitant les députés du MTLD Khider et Derdour, ainsi que Djemad, élu du PCA. Le 27 août tous les élus algériens quittent l’hémicycle en refusant de participer au débat final. Sans entrer dans le détail de ce statut maintes fois étudié donnant naissance à une Assemblée algérienne, caractérisée par son immobilisme et les querelles byzantines entre ses deux collèges [39], le général Olleris note : « Le climat actuel de l’Algérie ne permet pas de conclure sur une note optimiste. »[40] Outre la traduction du sentiment d’« abandon de la France » ressenti par les Français d’Algérie, ce document du Deuxième bureau contient la mise sur pied par le PPA clandestin d’une « armée secrète » formée de « groupes de choc et de commandos ». Ce renseignement prend en compte de manière partielle la création, sans la nommer, de l’OS qui a quelques mois d’existence [41].
        En dehors des grandes grèves (cheminots, dockers, etc.) à Alger, Oran, Bône et Bougie, un autre événement d’importance a lieu en 1947 : les élections municipales du 20 octobre. Le Deuxième bureau, sans faire référence à la fraude au bénéfice des candidats administratifs, se contente de noter que 30 % des suffrages ont bénéficié au MTLD, et ce sans tenir compte des très bons résultats des nationalistes au premier tour, pour le second collège, soit 55 % des voix (33 % MTLD, 18 % UDMA, 4 % PCA). Pour une des très rares fois de son histoire, tant coloniale qu’indépendante, l’Algérie a pu exprimer son aspiration à la liberté. Cette « occasion manquée » qui aurait pu représenter une solution de la question algérienne par la voie légale est, hélas, annulée par le traditionnel bourrage des urnes du second tour.
        L’alerte a été chaude pour les pouvoirs publics. Un mois plus tard, les 27 et 28 novembre, des manœuvres à grand spectacle ont lieu entre Arzew et La Macta afin de montrer la puissance de l’État souverain. Cet exercice est marqué par les tirs réels du cuirassé Richelieu. En décembre, deux comptes rendus bihebdomadaires envoyés par le général Olleris au gouverneur général relatent l’attentat de Dra-el-Mizan. Sans qu’il soit nommé, il s’agit de la première action armée due à Krim Belkacem, chef de région PPA en Kabylie. Le 25 décembre, sur la route de Tizi-Ouzou à Dra-el-Mizan, le garde champêtre Aomar Mohamed et le propre cousin de Krim Belkacem, le caïd Dahmoun Slimane tombent dans une embuscade [42]. Cet attentat traduit sans doute des règlements de compte depuis juillet 1945 en Kabylie [43], mais aussi les actions ponctuelles entreprises par l’OS en 1948.
        Entre les deux premiers actes de la guerre d’Algérie, 1948 apparaît comme l’« année trouble », sur fond de passion pour la cause palestinienne lors de la première guerre israélo-arabe [44]. Dès le 4 février, le général Olleris adresse directement au ministre des Forces armées, une synthèse personnelle, document rarissime, dénonçant le racisme qui mine la société algérienne [45]. Il se méfie du « calme apparent » et se dit inquiet des outrances des nationalistes, appelant de ses vœux une « ère de vigilance et de fermeté », auxquels semble répondre la nomination d’un nouveau gouverneur général, l’Alsacien socialiste Marcel-Edmond Naegelen.
        En ayant saisi à Alger des documents sur trois étudiants algériens, le Deuxième bureau, en mars, s’inquiète de la constitution de « groupes de combat » au sein du PPA[46], mais ne perçoit pas encore l’existence de l’OS. Aucune enquête complémentaire n’en découle, sans doute par l’importance de l’enjeu politique des élections de l’Assemblée algérienne, les 4 et 11 avril. Les archives du renseignement permettent de se faire une idée du degré de tension qui règne alors en Algérie, et de mesurer la déception causée par cette occasion manquée d’accéder à une solution politique par la voie des urnes. Les préfets font usage de leur droit de réquisition de la troupe, comme en mai 1945, pour maintenir l’ordre. L’ampleur de la fraude électorale, immédiatement dénoncée par Ferhat Abbas et les messalistes, est également notée par le général Olleris dans la synthèse de la première quinzaine d’avril :
        Les Musulmans nationalistes demeurent convaincus qu’ils auraient emporté 60 à 80 % des suffrages si l’administration française n’avait pas mobilisé tout son appareil policier et répressif pour faire passer une importante majorité d’indépendants et barrer la route aux nationalistes. [47]
        Rappelons que dans le premier collège, l’opposition est réduite à 18 élus dont Abbas et Ahmed Francis, et que dans le second collège 43 « indépendants » ou candidats administratifs l’emportent sur neuf MTLD et huit UDMA. En revanche, les SR donnent d’amples informations sur le climat de violence qui règne en Algérie.
        Lors du premier tour, le 4 avril, deux émeutes éclatent. L’une, au douar Deschmya, sur le territoire de la commune mixte d’Aumale, fait huit morts. L’autre à Champlain, commune mixte de Berrouaghia, marquée par l’attaque du commissariat, donne un bilan de trois morts [48]. L’agitation ne se calme pas après la période électorale. Sans que les SR puissent en donner la raison, le 13 août, en Basse-Kabylie, au douar de Menacra, le caïd Balhoul est assassiné, tandis qu’un « loyaliste » est grièvement blessé d’un coup de couteau [49]. En novembre, nouveau regain de violence. Entre les 17 et 26 novembre, on compte de multiples incidents, trois morts, des blessés graves, en Kabylie et dans les Aurès, sans compter des vols multiples. Pour la première fois depuis 1945, des armes de guerre sont saisies, notamment dans la commune mixte d’Edough, près de Bône. Le 5 décembre, à Béni-Saf, une foule nombreuse prend à partie des douaniers venus contrôlés un marché. Ils font usage de leurs armes pour se dégager : deux morts, trois blessés [50].
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          De cette masse de renseignements ne découle aucune mesure spécifique tendant à guérir l’Algérie française de ses troubles de langage et d’audition. L’ordre règne, point. Cet immobilisme, la difficulté de se faire entendre des pouvoirs publics, les impératifs de la guerre d’Indochine dévoreuse d’hommes et de compétences portent atteinte à la qualité du renseignement dans les années qui suivent. Après 1948, on a le sentiment que les sources militaires se tarissent, l’acuité du Deuxième bureau sombre dans la routine. Il faut dire aussi que si certains fourbissent leurs armes ou rongent leur frein en attendant des jours meilleurs, dans les années 1949-1953, selon Xavier Yacono [51], les revendications sociales et économiques l’emportent sur les ressentiments politiques entre communautés.
          En 1949, si l’indépendance de l’Indonésie, pays à majorité musulmane, trouve un plus faible écho en Algérie que la partition des Indes, deux ans plus tôt, la vie politique semble au point mort. Les synthèses du Deuxième bureau souffrent de lacunes avant celle du mois d’octobre. La proposition d’union du PCA en vue de la formation d’un État algérien souverain en accord avec l’UDMA et le MTLD est mentionnée. Pour le général Préaud, successeur du général Olleris à la tête de la 10e région militaire, cet effort unitaire entrepris depuis avril ne dépasse pas le cadre des déclarations d’intention [52]. La presse est comme de coutume analysée avec soin. Le Deuxième bureau rend compte de la campagne menée par l’Alger Républicain et La République Algérienne, le journal de l’UDMA, qui dénoncent la répression continue en Kabylie [53].
          À noter également une première réaction de mémoire, propre de toute nation en devenir attachée à ses mythes fondateurs. La République Algérienne et des tracts du MTLD protestent lors de l’inauguration d’une stèle à la mémoire d’Abd el-Kader, à Cacherou, près de Mascara, lieu de naissance de l’émir, en présence du gouverneur Naegelen. Les organes nationalistes ne veulent voir en l’émir que le « symbole de la résistance algérienne à la conquête française » et non un ami de la France ; le gouverneur général ayant évoqué le rôle joué par Abd el-Kader, en 1860, à Damas pour protéger les chrétiens lors des massacres de Syrie, ce qui lui valut d’être fait grand-croix de la Légion d’honneur par Napoléon III [54].
          C’est en 1950 seulement que les pouvoirs publics découvrent l’OS de façon progressive. Dirigés par le commissaire Costes, les RG profitent d’un heureux hasard, le 18 mars, pour démanteler le bras armé du MTLD-PPA. Le Deuxième bureau confirme que c’est à Tébessa que Khiari, membre de l’OS, mis à l’index par ses supérieurs, livre tout à la police [55]. À Oued-Zénati, puis à Bône et dans les autres villes d’Algérie, les principaux chefs de l’OS sont arrêtés. Les synthèses d’avril et de mai 1950 contiennent des informations complémentaires sur ce qu’on appelle alors « le complot PPA ». C’est seulement à cette époque que les SR s’intéressent à l’attentat de la poste d’Oran, par recoupement, commis un an plus tôt par Ben Bella, avec la complicité d’Aït Ahmed et du député MTLD Mohammed Khider. Il s’agissait de renflouer les caisses de l’OS avant de passer à la lutte armée.
          En 1949, ce « hold-up » de 3 070 000 francs figurait dans la rubrique des faits divers. C’est en 1950 que les SR considèrent Ahmed Ben Bella [56] comme le chef le plus dangereux des « activistes » algériens. En juin, l’organisation du « complot PPA » commence à être analysée et le Deuxième bureau découvre l’existence d’une « armée secrète » disposant d’armes, d’instructions sur le sabotage et la guérilla, et même d’un poste radio émetteur-récepteur saisi à Alger. L’OS n’est pas encore clairement nommée, mais ses forces sont estimées entre 500 et 1 000 hommes. Si les missions de « terrorisme à l’encontre des Musulmans fidèles à la France » sont perçues par le Deuxième bureau, en revanche ce dernier fait fausse route en estimant que l’objectif principal reste un « mouvement insurrectionnel », tout d’abord dans le Constantinois, dans le reste de l’Algérie et des Territoires du Sud [57]. Autre bévue, par reconduction du schéma de l’insurrection de 1945, le Deuxième bureau croit que les principaux artisans de cette « armée secrète nationaliste » sont les scouts musulmans [58].
          L’indépendance par étapes, dans un conflit de longue durée favorisé par l’environnement international et la guerre de partisans définie par Aït Ahmed en 1949, échappe également aux SR. De même, n’est pas perçu le débat interne au sein du MTLD-PPA dont les partisans de l’action directe, ceux de l’OS, sortent minoritaires ; et ce après la première crise dite « berbériste » remontant au mois d’août 1948 et qui perdure en 1949. Il est vrai que cette crise, importée de France [59], a pour résultat l’éviction ou la mise sous contrôle de nombreux Kabyles de l’OS et du parti de Messali Hadj.
          Ces dissensions internes expliquent l’isolement des membres de l’OS et leur curieux système de défense lors de leur procès en 1951. En juin, à Bône, les 135 inculpés du PPA, on ne dit toujours pas OS, sont jugés à huis clos, procédure d’exception qui n’étonne pas l’ensemble de la presse pour un procès politique. Les archives militaires ont conservé de très nombreux documents, dont la plupart des comptes rendus d’audience. Le témoignage d’un des avocats, maître Kiouane, recueilli par Patrick Eveno et Jean Planchais [60], se trouve confirmé : pour faire de ce procès celui des brutalités policières, les inculpés nient l’existence de l’OS et dénoncent le « complot colonialiste ». Ce système de défense cherchant à éviter la lourde accusation d’atteinte à l’intégrité de l’État ne peut éviter un verdict sévère prononcé le 23 juin : la moitié des inculpés écope de trois à dix ans de prison ferme, plus de lourdes amendes et de dix à six ans d’interdiction de séjour et de droits civiques [61].
          En 1951, après deux échéances électorales marquées par le désormais traditionnel bourrage des urnes - en mars, renouvellement par tiers de l’Assemblée algérienne, en avril, élections municipales -, les législatives suscitent l’intérêt à la suite de la démission, inattendue, du gouverneur général Naegelen. Le 26 mai, à Oran, le général de Gaulle, chef du Rassemblement du peuple français (RPF), souhaite une « union de tous les Français » et brocarde l’instabilité ministérielle chronique. Lors de cette allocution, le PCA organise un « contre-meeting », mais c’est à Tlemcen et à Alger, aux dires des SR, que les nationalistes radicaux fomentent des coups de force dans les cafés maures et lors des prêches du vendredi dans les mosquées. Lors des élections, le 17 juin, l’ensemble des nationalistes « crient au trucage et à la préfabrication des élections » [62] et les incidents sont très nombreux dans le Constantinois : bureaux de vote envahis, urnes fracturées par des militants du MTLD, bulletins de vote MTLD distribués dans les rues, multiples cris séditieux (« À bas la France »), bagarres, gendarmes bousculés, etc. L’annulation de ces élections truquées de façon grossière est de nouveau réclamée, pendant l’été, par l’éphémère Front algérien pour la défense et le respect de la liberté (FADRL), cartel regroupant le PCA, le MTLD et l’UDMA. Mais aux cantonales d’octobre le FADRL est incapable de présenter des candidats uniques.
          L’année 1951 marque de façon diffuse une reprise de l’activisme, pour reprendre une expression des SR. Et cela pour deux raisons. Tout d’abord l’agitation sociale, le mal vivre manifesté dans des grèves de diverses origines, trouvent un écho dans les Aurès. Trafic d’armes et recrudescence du « banditisme » renaissent dans ce massif notoirement sous-administré. Le lieutenant-colonel Gaulard, chef du groupement de gendarmerie du département de Constantine, livre la découverte des activités clandestines de Mostefa Ben Boulaïd. Ancien responsable régional de l’OS, après avoir été meunier, le futur chef de l’insurrection dans les Aurès camoufle un intense trafic d’armes en exploitant une ligne de cars. Pourtant, il n’écope que d’une amende dérisoire de 1 000 francs par le tribunal de Batna. Dans une note du 6 septembre, Gaulard déplore les protections politiques dont bénéficie Ben Boulaïd [63].
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            Toutefois, avant même les débuts des émeutes insurrectionnelles marocaine et tunisienne en novembre, dans la région de Tébessa et sur les confins avec la Tunisie des grandes manœuvres ont lieu dès la fin septembre. Elles réunissent des unités venues de la Régence et la totalité des forces opérationnelles de la 10e région militaire. Les prises d’armes qui en découlent ont pour but d’organiser des « manifestations franco-algériennes » [64]. Bref, montrer la force pour tenter de calmer les ardeurs nationalistes, mais aussi se servir de tous les « amis de la France », dont le plus inattendu est le cheikh Soussi Bachir Ben Hadj Mebarek, chef de la confrérie des Amaria. À la fin novembre, il lui est demandé une tournée dans la région de Frenda-Tiaret, proche du Maroc en situation insurrectionnelle, « pour l’honneur de la France » et «le bien-être et la paix » [65].
            Cette « agitation » perdure en 1952 où les nouvelles du Maroc et de la Tunisie sont commentées, comme l’ont été, l’année précédente, la pleine indépendance de la Libye, aux portes du Maghreb, et les émeutes de Suez suivies avec intérêt en Algérie car mettant en cause les intérêts franco-britanniques. Les SR s’intéressent particulièrement au procès des 66 membres de l’OS jugés en mars à Blida. Mais quatre jours avant le verdict, deux des principaux responsables de l’OS, Ben Bella et Ahmed Mahsas, s’évadent. L’effet en est immédiat : à Blida, une tentative de mutinerie est brisée le 20 mars [66]. Le Deuxième bureau note pour la première fois l’importance de la délégation extérieure du MTLD-PPA au Caire, dès lors qu’Ahmed Ben Bella en devient le chef, aux côtés de Mohammed Khider, d’Hocine Aït Ahmed et d’autres responsables de l’OS. Pour les SR français, plus qu’une représentation chargée de la propagande et des relations avec l’étranger, la délégation extérieure est perçue comme un noyau de dangereux activistes préparant une action armée.
            En Algérie, le recours à la violence est entretenu par une série d’incidents. Ils ponctuent une tournée de Messali Hadj dans l’Algérois. À Orléansville, le 14 mai, le général Lardin, commandant la division territoriale d’Alger, dénombre deux tués parmi les 500 manifestants attendant le zaïm à l’entrée de la ville. Ils ont lapidé des voitures de Français d’Algérie, ouvert le feu sur des gendarmes de la garde républicaine avant que ceux-ci ne répliquent [67]. C’est à la suite de cette fusillade que Messali Hadj, appréhendé, est assigné à résidence à Niort. La documentation fragmentaire ne permet pas de suivre au jour le jour cette agitation ; mais en octobre, écho algérien de ce qui se passe dans les deux protectorats d’Afrique du Nord, elle perdure dans l’Est algérien, à Constantine, Bône, Souk-Ahras, Philippeville, et dans la petite ville de Nemours proche de la frontière marocaine.
            Un bulletin de renseignement de la division territoriale d’Alger, daté du 6 février 1953, donne une des clefs de cette situation troublée : la société bloquée algérienne évoquée sous les termes de « malaise social ». Le Deuxième bureau revient sur le thème bien connu de « la peur de l’étouffement progressif » de la population européenne minoritaire, qui entretient une « psychose de crainte et d’insécurité » [68]. Et de préciser face à l’accroissement démographique de la population musulmane qui s’entasse aux portes des villes [69] : « Elle prend lentement conscience de sa force, de ses possibilités et du rôle qu’elle peut être appelée à jouer. » Afin de rassurer les Français d’Algérie, l’autorité militaire multiplie, en février 1953, des raids et des marches de reconnaissance pouvant aller jusqu’à une manœuvre, dénommée « Aiguille » dans la région de Batna, composée de troupes essentiellement européennes.
            Depuis les affrontements des années précédentes, le MTLD-PPA est dans la ligne de mire des SR, même si l’exil du zaïm semble l’avoir affaibli. Mais de façon surprenante, le deuxième congrès [70] du MTLD d’avril 1953, réuni pour réformer les structures du parti - et remettre en cause le culte de la personnalité de Messali Hahdj -, n’apparaît pas dans les sources militaires. Comme l’a montré Mohammed Harbi [71], la question fondamentale est alors posée : faut-il choisir la voie du compromis avec la fraction libérale de la puissance coloniale représentée par le nouveau maire d’Alger Jacques Chevallier, ou opter pour la voie révolutionnaire ? Dans un premier temps, la modération semble l’emporter. Benyoucef Ben Khedda, élu secrétaire général, choisit comme adjoint Hocine Lahouel et Abderahmane Kiouane. On les appelle bientôt les centralistes, opposés à ceux qui suivent Mezerna et Moulay Merbab, messalistes convaincus, éliminés du bureau politique. Mais bientôt le zaïm appelle à l’insurrection et réclame en septembre les pleins pouvoirs. La crise devant conduire à la scission du MTLD-PPA est ouverte.
            Ce même mois d’avril 1953, les municipales et l’élection des assemblées locales - djemaas des communes mixtes - sont troublées dans l’Oranais, tandis qu’ailleurs le désintérêt accompagne les candidats administratifs ou « apolitiques ». Aiguillonnés par le regain de violence au Maroc - en août, déposition du sultan Mohammed Ben Youssef - et en Tunisie - en décembre 1952, assassinat du syndicaliste Ferhat Hached -, las des tergiversations, des patriotes algériens manifestent en métropole et en Algérie. Le 14 juillet, place de la Nation, on déplore sept morts et 126 blessés parmi 2 000 manifestants nord-africains. Cet événement considérable n’est pas connecté à la situation en Algérie, comme si l’autre était définitivement devenu transparent, alors que bien avant la création de la septième wilaya (la France), existe déjà une interdépendance entre ce qui se passe en Afrique du Nord et les manifestations en métropole. D’autres faits, mineurs, sont cependant relevés par les SR. À Souk-Ahras, un tirailleur algérien en fin de congé provoque un incident grave en s’en prenant à un commerçant mozabite. Il provoque un attroupement de 200 personnes et traite la France de « putain ». Ses cris séditieux sont repris par des manifestants déclarant qu’ils en ont « assez de l’arbitraire » [72]. À Blida, le capitaine Sant, des AMM, alerte ses chefs, le 17 juillet, sur un possible coup de force armée du PPA en vue de s’emparer des armes de la garnison enfermées dans la poudrière. [73]
            Tous ces signes avant-coureurs dénotent une nette impatience et préfigurent certaines actions entreprises le 1er novembre 1954. Certes, l’ordre règne malgré tout en Algérie, mais bien des ingrédients sont à présent réunis pour favoriser l’action résolue. Les SR perçoivent une radicalisation du mouvement nationaliste, et ce à partir d’octobre 1953.
            Les portes de la guerre : octobre 1953 – octobre 1954

            Pour les treize mois qui précèdent le 1er novembre, les archives militaires possèdent une série exceptionnelle de synthèses de renseignement. Le 15 octobre, une émeute a lieu dans la commune mixte de Nédroma, dans l’Ouest Oranais : un mort parmi les manifestants et sept blessés dans les rangs des forces de l’ordre dont l’administrateur civil. Cet événement, somme toute mineur, est apparemment peu différent d’incidents similaires, telle l’attaque d’un commissariat en 1951 à Philippeville. Mais l’affaire de Nédroma marque une nouvelle radicalisation par l’agression directe des représentants de l’ordre pour se saisir de leurs armes. Jean Vaujour, chef de la Sûreté générale, ne s’y trompe pas. Il est vrai qu’en octobre, pour protester contre l’exil du zaïm, le MTLD-PPA lance une « quinzaine de lutte contre la répression ». L’épreuve de force surgit un jour de marché à Nédroma à propos de la vente du journal interdit L’Algérie Libre.
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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            • #7
              Selon Jean Vaujour, le 14 octobre, un militant venu de France mobilise des sympathisants dans trois localités des environs [74]. De même pour le Deuxième bureau il s’agit d’une émeute préméditée [75]. Les SR envisagent une reconstitution de l’OS en raison de l’organisation, qu’ils estiment nouvelle, de l’appareil du PPA clandestin en cellules de cinq membres [76]. De même, et ce jusqu’aux lendemains de l’expédition de Suez, les SR restent convaincus que l’Égypte arme et entraîne les dissidents algériens. Pour le général Pardes, commandant de la division d’Alger, des commandos d’étudiants nord-africains seraient formés au Caire, notamment aux universités d’Al-Azhar et Farouk [77].
              Pour le SLNA, au lendemain de l’émeute de Nédroma, la région de la vaste commune mixte de Nédroma-Marnia continue de donner des inquiétudes. Le 21 janvier 1954, à Djemaa-Sakrha, six gendarmes sont lapidés par des femmes ; cet incident inhabituel inquiète le colonel Schœn [78]. Pourtant la justice s’est montrée ferme pour les auteurs de l’émeute de Nédroma : 26 condamnations à des peines de prison pour les hommes et des peines plus légères pour sept femmes. À noter, enfin, les manœuvres de grande envergure intéressant l’ensemble Oudja-Nemours entre le 2 et le 6 mars 1954. Elles engagent la presque totalité des unités opérationnelles de la 10e région militaire, dont des bataillons aéroportés, des chars et des troupes en garnison au Maroc. Ce déploiement de forces considérable, le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en Algérie, est destiné à prévenir les trublions, certes, mais aussi les nationalistes marocains et l’Espagne, puissance amie de la Ligue des États arabes à cette époque [79]. Il s’agit également de signifier aux alliés de l’OTAN que la France n’envisage aucunement de quitter l’Afrique du Nord, puisque pour la première fois, de façon théorique, est pris en compte l’emploi d’une arme nucléaire [80].
              Une nouvelle étape est franchie dans l’insécurité le 30 novembre 1953 : le train Oran-Colomb-Béchar déraille à 78 kilomètres de cette dernière cité. Pour le Deuxième bureau, il s’agit bien d’un attentat dû aux extrémistes algériens, tandis que le colonel Pigeot, commandant du territoire d’Aïn-Sefra et donc proche du lieu du sabotage, y voit la marque de « terroristes marocains » destinée à impressionner les populations locales au moment des fêtes du cinquantenaire de l’occupation de Colomb-Béchar [81].
              Depuis l’affaire de Nédroma, les SR s’intéressent plus qu’auparavant aux échos de l’international en Algérie. Psychose due aux difficultés de la France au Maroc, en Tunisie et en Indochine, mais aussi soutien affiché de l’Égypte des officiers libres et bientôt du colonel Nasser. La radio La Voix des Arabes du Caire devient plus agressive envers la puissance coloniale française. Le compte rendu par le SNLA, du 3 au 9 décembre 1953, du voyage du cheikh Bachir Brahimi à Jérusalem, où il représente l’Algérie au Congrès musulman, est un signe de cette évolution [82].
              Deux faits historiques importants survenus en janvier 1954 permettent de mieux comprendre le 1er novembre et la lente constitution d’une troisième force, dissidente du PPA. Selon le Deuxième bureau de la division d’Alger, le 8 janvier a lieu une découverte d’un grand intérêt. Les gendarmes de Tizi-Ouzou, enquêtant sur une agression dont a été victime un garde champêtre, arrêtent un certain Achachi qualifié d’« homme de main du MTLD ». Dans une grotte, les gendarmes trouvent de nombreux documents sur « une organisation clandestine » [83]. La DST, dirigée alors par Roger Wybot [84], est alertée. Les rapports trouvés dans la grotte sont rédigés par des « chefs de secteurs » à destination d’un mystérieux Si Ahmed. Pour la DST, il s’agit d’éviter le passage de l’« agitation propagande » à la révolte armée. En mars, l’opération « Sirocco » commence en métropole à l’encontre des dirigeants nationalistes algériens. Mais fruit de la guerre des services, le décalage entre la découverte de Tizi-Ouzou et les premières interpellations permettent aux responsables les plus compromis de se cacher ou de changer d’identité.
              Un autre fait gravissime, analysé par la presse algérienne dans la rubrique des faits divers concerne aussi janvier 1954. Le 29 janvier, rue d’Isly à Alger, trois militaires européens sont tués et quatre personnes blessées. L’agression n’est pas revendiquée, les raisons demeurent inconnues puisque l’enquête n’a pas abouti et le cabinet du général commandant la 10e région militaire ne peut déterminer « ni les mobiles, ni les attaches de son auteur », mais l’attentat a sans doute un « caractère politique » [85]. Le Deuxième bureau attribue cet attentat aux activistes du PPA [86], tandis que la presse classe cet acte gravissime dans la catégorie « fait divers », confirmation de la transparence de l’autre à qui on ne veut pas reconnaître une revendication politique pouvant aller jusqu’au terrorisme. Le SNLA s’inquiète d’un « plan d’action » dû au PPA, note les divers sabotages perpétrés en Algérie et les actes d’intimidation qui frappent les musulmans suspectés de sympathie à l’égard de la France [87]. Or, si on fait le bilan de ces attentats entre octobre 1953 et octobre 1954, on arrive à un total de 53, dont 11 contre des représentants des forces de l’ordre, 11 sabotages de voies ferrées, 9 attaques contre des civils FSE ou FSNA francophiles [88]. Dès le mois de janvier, le colonel Schœn se demande si « la phase de l’agitation » n’est pas déjà dépassée par la phase d’organisation elle-même précédant « la phase d’action » ? [89]
              En fait, les SR s’inquiètent de cette marée qui monte, mais ne perçoivent pas encore cette troisième force, issue des déçus du PPA et d’anciens de l’OS, qui conduira un jour au FLN via la création, le 23 mars, du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA). En février et en mars, d’une masse de documentation ressort une impression de satisfaction pour les SR : les loups se battent entre eux. La lutte d’influence au sein du MTLD entre Lahouel et Messali semble irrémédiable. Le Deuxième bureau estime, provisoirement, qu’il ne faut plus redouter « la détermination sérieuse de frapper les esprits par des violences concrètes » [90]. La probabilité d’une insurrection semble s’éloigner. Comme l’a montré Gilbert Meynier dans la somme Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, la question entre le légalisme et l’action armée continue de miner le parti [91]. À partir de mars se produit un décalage entre l’énergie souterraine des « neutralistes » du CRUA, la troisième force dissidente issue du MTLD-PPA, et l’agitation de surface qui marque les luttes internes du parti. Pour les SR, le MTLD-PPA continue de former une seule entité.
              Pourtant, en avril, le SLNA commence à s’intéresser à cette mystérieuse troisième force en donnant le nom du CRUA auteur d’une « proclamation » et d’un bulletin Patriote algérien [92]. Tout en étant le premier à révéler l’existence de ce CRUA, le colonel Schœn y voit une cause de faiblesse au sein du parti : « La démoralisation des militants s’accentue. » Il persiste à voir dans les anciens membres de l’OS réfugiés au Caire les seuls auteurs de ce nouvel organisme dont il prend les désirs au pied de la lettre : une entreprise de réconciliation entre les frères ennemis. Schœn remarque toutefois que le CRUA est surtout implanté dans le Constantinois [93], sans toutefois deviner la naissance du groupe dit de Constantine. De leur côté, le préfet Jean Vaujour, la DST et les RG, sont sur les traces d’une « organisation clandestine du mouvement séparatiste nord-africain et spécialement algérien, tant en France qu’en Algérie » [94]. Le cloisonnement des SR ne permet pas de recouper les informations, notamment avec celles recueillies par le SLNA.
              En mai, le Deuxième bureau, à son tour, se préoccupe de la troisième force en estimant qu’elle ne fait qu’accentuer la confusion qui règne dans le parti. Le 9 mai 1954, le lendemain de l’annonce de la chute de Điện Biên Phủ, Jean Vaujour s’inquiète du ralliement de Krim Belkacem [95], grâce à l’entremise de Ben Boulaïd, au CRUA [96]. Ce qui signifierait que des Kabyles seraient aptes à créer des groupes de choc. La défaite en Indochine joue bien un rôle d’accélérateur de l’histoire.
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              • #8
                Pour les patriotes algériens, elle est marquée du sceau de « la justice divine - « le camp retranché est tombé “le jour anniversaire des événements de mai 1945” » -, précise le colonel Schœn dans la synthèse de mai du SLNA [97]. Au Caire, La Voix des Arabes appelle à l’insurrection armée pour l’ensemble du Maghreb. Le Deuxième bureau se préoccupe de cet embrasement général, vu la situation chaotique du Maroc et de la Tunisie, tout en tenant compte de « la violence congénitale du PPA-MTLD » [98]. La coupure définitive entre le CRUA et le parti n’est toujours pas saisie, bien que le Deuxième bureau précise que le neutralisme du CRUA fasse place à une « hostilité marquée envers Messali ».C’est aussi au mois de mai, en s’intéressant aux auteurs du bulletin Le Patriote[99], que le colonel Schœn identifie trois des responsables du CRUA : Ahmed Mahsas, Mohammed Boudiaf et un certain SNP[100] Ahmed Ben Mohmmed dit « Maroc », mais sans que ce renseignement ne soit pris en compte[101]. Le SLNA est aussi le premier des SR à attirer l’attention du gouverneur général sur l’éventuelle « éclosion du terrorisme en Algérie » à partir de « vocations individuelles, ou en incitant à l’action des groupements restés jusqu’à ce jour ignorés les uns des autres » [102]. En fait, depuis le mois d’avril, l’attention des SR se concentre sur les incursions de « fellaghas tunisiens armés » en territoire algérien. Les membres du PPA sont soupçonnés de les aider et le SLNA se demande si le CRUA n’en profite pas pour « s’organiser en vue de l’“action directe” » [103].
                Le 18 juin, Pierre Mendès France devient président du Conseil. Le SLNA reproduit le télégramme que lui envoie Ferhat Abbas. Il salue son investiture « comme l’aube d’une politique nouvelle susceptible de réconcilier la grandeur de la France avec la liberté des peuples d’outre-mer » [104]. Le Deuxième bureau constate avec satisfaction que l’UDMA se démarque nettement de l’action terroriste en forte croissance en Tunisie et au Maroc. Mais l’autre événement qui intéresse l’avenir de l’Algérie n’est pas soupçonné par les SR, la réunion dite des « vingt-deux » - en fait 21, et 22 si on compte l’hôte [105] - le 3 juin, rue Montpensier à Alger. Elle prépare directement la Guerre de Libération nationale [106]. Les SR continuent d’observer avec satisfaction les dissensions internes du plus radical des partis nationalistes, le CRUA n’étant à leurs yeux qu’une des trois familles le composant, quoique le SLNA s’inquiète des activités des « supers clandestins » [107]. Le 29 juin, muni d’une note du directeur de la Sûreté générale, le gouverneur général, Roger Léonard, se rend à Paris pour informer le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, de la reconstitution, localement, de « groupes armés » au sein d’une « super clandestinité » [108]. Est-ce cette note qui aurait fait dire peu après à François Mitterrand, lors d’un entretien avec Pierre Mendès France : « Je crois qu’il faut tout de suite s’occuper de l’Algérie, si nous voulons éviter l’explosion » [109]? Nous savons comment procède le président du Conseil : « Gouverner, c’est choisir » aime-t-il à dire. C’est un homme de dossiers, il traite d’abord les plus urgents [110], Indochine, Tunisie, Communauté Européenne de Défense (CED) puis Maroc. L’Algérie n’est pas encore une priorité, somme toute l’ordre y règne. De plus, il ne veut pas apparaître comme un bradeur d’empire [111].
                La nomination aux affaires de Pierre Mendès France donne un regain d’intérêt à la vie politique algérienne, surtout après les accords de Genève signés le 20 juillet et le célèbre voyage en Tunisie ponctué par le discours de Carthage prononcé le 31 juillet. Les oulémas et l’UDMA espèrent une nouvelle politique de la part du gouvernement. Deux documents émanant des capitaines Brousse, du cabinet du général commandant la 10e région militaire, et Bouras, officier des AMM à l’état-major de la division d’Oran, soulignent que les « milieux musulmans » attendent beaucoup du président du Conseil et lui prêtent des mesures d’apaisement comme le retour au Maroc de son souverain légitime et l’indépendance de la Tunisie[112]. La volonté de faire aboutir des « réformes nécessaires » en Algérie est également attribuée au nouveau secrétaire d’État à la Guerre, le jeune maire libéral d’Alger, Jacques Chevallier, dont Hocine Lahouel devient bientôt l’un des adjoints.
                Pour le SLNA, la scission définitive entre les clans Lahouel et Messali est le fait majeur de la vie politique algérienne à la suite du congrès d’Hornu, en Belgique, les 14, 15 et 16 juillet 1954. En se faisant donner les pleins pouvoirs par 150 délégués MTLD acquis à sa cause, le zaïm croit encore à la possibilité d’une révolte générale organisée, ce qui paraît bien éloigné des réalités algériennes [113]. Le Deuxième bureau en tire la conclusion que le CRUA, « peu enclin aux solutions de douceur » est le seul à pouvoir envisager une action directe [114]. Mais les SR ignorent que le 25 juillet, au clos Salembier, à Alger, les « vingt-deux » se décident pour une révolution armée excluant tout dialogue avec la France.
                Lorsque par décret du 13 août, le général Cherrière est nommé à la tête de la 10e région militaire, une synthèse fort rare, sans doute d’origine SDECE, lui est remise peu après [115] ; la situation « apparemment tranquille de l’Algérie » y est mentionnée. Mais ce document démontre en quoi, depuis Điện Biên Phủ l’environnement international fait le jeu des nationalistes algériens, du Japon à l’Égypte, témoin précoce d’une contestation « tiers-mondiste » avant la lettre depuis la conférence de Colombo du 28 avril 1954. Elle avait proposé de mettre au ban des nations les puissances coloniales. Le SLNA s’en fait l’écho à propos du Congrès islamique de La Mecque réunissant 14 pays arabo-asiatiques très critiques envers la France [116]. Le service du colonel Schœn suit aussi de façon systématique les émissions en arabe de diverses radios, dont Radio-Budapest. À partir d’août, elle sert de relais à la propagande du bloc de l’Est à destination des musulmans.
                La menace nationaliste pour l’ensemble de l’AFN est minutieusement analysée dans le rapport remis au général Cherrière. Les confins orientaux et occidentaux de l’Algérie paraissent très perméables au bénéfice des « séparatistes algériens ». Les Aurès servent de refuge aux fellaghas tunisiens, placés dans l’expectative depuis le discours de Carthage. Le Deuxième bureau constate qu’à la faveur de l’apaisement tunisien - considéré par les Algériens nationalistes comme une victoire sur la puissance coloniale -, et un Maroc à feu et à sang - émeutes de Fès, Européens massacrés à Port-Lyautey, Juifs lynchés et brûlés à Petit-Jean, etc. : « Une tendance générale se fait jour parmi les musulmans anti-français visant à la perpétration d’actes de violence en Algérie. »[117]
                Toutefois, l’amorce d’un dialogue, à Paris, entre Ferhat Abbas, Pierre Mendès France et François Mitterrand, est suivie par l’ensemble des SR. Si Abbas constate l’« immobilisme » et que « la machine étant définitivement bloquée, les voies légales et progressistes » n’aboutissent pas, ses efforts ont peu d’échos en Algérie, sans doute parce que l’UDMA, composé de fortes personnalités, est un parti sans troupes dont la modération semble dépassée [118].
                The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                • #9
                  L’ouverture vers la France semble avoir fait long feu. Le CRUA en tire bénéfice. Pour le SLNA, cet organisme s’« orienterait vers la formation d’hommes de main », et après la mise à l’écart du Dr Lamine Debaghine, les liens se renforceraient entre Ben Bella et ses amis au Caire et les plus radicaux des nationalistes algériens [119]. Toutefois, le colonel Schœn estime que la menace d’une action directe du CRUA semble s’éloigner, Le Patriote a cessé de paraître, signe selon lui du découragement de la « troisième tendance ». En fait, les chefs historiques du CRUA ont décidé de se montrer très discrets avant de passer à l’action, afin de créer la surprise. Sans doute ont-ils été aussi alertés par la dérive « mendésiste » de membres du MTLD qui suivent Lahouel, selon les services du préfet Jean Vaujour [120]. Ce « mendésisme » ne risque-t-il pas de faire des émules parmi les patriotes algériens ? Déjà dans l’Algérois et le Constantinois des membres du CRUA sont débauchés, tandis qu’un nouvel hebdomadaire, en français, est créé par le clan Lahouel, La Nation algérienne. Le temps de la lutte armée est donc à envisager à brève échéance.
                  Une catastrophe naturelle, trop souvent oubliée, vient semer le trouble. Le 9 septembre 1954, un séisme de grande amplitude ravage la région d’Orléansville : 1 409 morts, 5 000 blessés, 60 000 sans-abri. Pour la première fois, la métropole s’intéresse à l’Algérie en dehors des deux conflits mondiaux et développe, via un pont aérien humanitaire, un véritable élan de solidarité envers les sinistrés. Mais pour le SLNA, c’est le PCA qui déforme la réalité et tire parti du séisme sur le plan politique. En écho au PCF et à L’Humanité, il dénonce la précarité des premiers secours, l’« incapacité » et le « racisme » dont a fait preuve l’Administration au lendemain de la catastrophe. Ce qui permet, observe le colonel Schœn, aux « nationalistes de tous bords » de surenchérir [121]. Pour sa part, le Deuxième bureau note que cette campagne de presse favorise l’augmentation des agressions dans le Constantinois et recommande : « Si le passage à l’action directe des partis nationalistes est actuellement gêné par leur mésentente, cette éventualité ne doit pas être écartée et la plus grande vigilance est toujours recommandée. »[122] Le SLNA livre sans commentaire deux informations capitales, là encore non exploitées : la mise en place d’une organisation très cloisonnée composée de cellules de trois hommes et l’existence d’un « comité des quatre » [123]. Les craintes du préfet Jean Vaujour sont encore plus précises. Selon son témoignage, le 25 septembre, il adresse une lettre à l’ancien président du Conseil Henri Queuille pour qu’il alerte Pierre Mendès France et René Mayer : les séparatistes pourraient passer à l’action avant un mois [124].
                  Octobre, c’est la veillée d’armes, la course de vitesse entre les partisans de la lutte armée et les services secrets qui commencent à pénétrer les réseaux de « poseurs de bombes » d’Alger, tout en s’inquiétant de menaces précises dans les Aurès. Pourtant, tout était-il joué d’avance ? Le 15 octobre, dans L’Algérie libre, Messali Hadj publie une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur. Elle suscite bien des interrogations sur la politique du zaïm. Estime-t-il que le mendésisme puisse constituer une ultime chance de dialogue ? Déplacé de Niort, aux Sables-d’Olonne, son attitude est contradictoire. D’un côté il a été sensible au geste de solidarité de la France lors du séisme d’Orléansville et envisage une solution politique ; de l’autre, il prévoit, précise Benjamin Stora, de donner le signal de l’insurrection pour le 15 novembre [125]. Le SLNA suit de fort près tout ce que signe le zaïm, dont un article du 22 octobre de L’Algérie libre intitulé « Quelques mots à Liberté » (organe du PCA) à la langue sibylline : « Vous avez votre lutte et nous avons la nôtre. Livrons-les honnêtement, à visage découvert, chacun pour son compte. » [126]
                  Le voyage du ministre de l’Intérieur en Algérie, du 16 au 22 octobre à la suite du séisme d’Orléansville, n’est pas une réponse aux interrogations du zaïm. Le SLNA donne une lecture des plus précises de cette fameuse visite où François Mitterrand, devant l’Assemblée algérienne, affirme sa volonté d’appliquer intégralement, puis de dépasser dans un sens égalitaire, le statut de 1947[127]. Cette volonté réformatrice, certes bien tardive, trouble les consciences et on peut se demander, avec beaucoup de prudence, si la décision de passer à la lutte armée ne s’en trouve point précipitée. À cela une autre cause s’ajoute : le désir d’internationaliser la question algérienne le plus vite possible au moment où, le 9 octobre, les questions tunisienne et marocaine sont inscrites au sixième et septième rangs de l’ordre du jour de l’ONU. En date du 26 octobre, un informateur du SLNA signale que des « attentats terroristes et actes de sabotages seraient provoqués pour appuyer toute intervention des États arabes à l’ONU » [128].
                  Cette orientation diplomatique entraîne une erreur d’appréciation des SR qui gardent pour cible le MTLD-PPA seul capable de jouir d’une audience internationale, au détriment du CRUA toujours considéré comme branche minoritaire du parti. Le SLNA demeure convaincu que seuls les messalistes sont capables de mettre sur pied « “un plan d’action directe avec constitution de groupes de combat voués à l’action” » [129]. Quant au CRUA proprement dit, le service du colonel Schœn note simplement : « Ils travaillent dans la clandestinité complète. » Même erreur d’appréciation pour le Deuxième bureau. C’est le parti de Messali et non le CRUA qui est susceptible d’une « action directe généralisée et profonde », seulement retardée par les « dissensions internes du PPA-MTLD » [130].
                  Un élément nouveau survient le 16 octobre. Le général Spillmann, commandant la division de Constantine, informe son supérieur, le général Cherrière, de la découverte dans la région de Souk-Ahras de « trois bandes armées et en uniforme de “révolutionnaires algériens” fortes chacune de 25 à 30 hommes » [131]. Dans les Aurès, une observation similaire a été faite par les gendarmes à compter du 20 août, mais l’information a du mal à « remonter » et à être prise en compte, lorsque le général Spillmann demande par télégramme au chef de secteur de Tébessa de vérifier si ces : « fellagha n’auraient pas relations avec rebelles tunisiens mais avec bandits Aurès » [132].
                  Même si Cherrière se plaint des SR qui ne l’informent pas suffisamment [133], des mesures préventives sont prises. Le 15 octobre, une conférence réunit à Constantine, le gouverneur général de l’Algérie, Roger Léonard, le commandant de la 10e région militaire et le général Boyer de La Tour du Pin, résident général en Tunisie. Cherrière obtient la restitution d’une partie des troupes de la 10e région militaire détachées en Tunisie. Le 27 octobre, Cherrière reçoit le commandement interarmées en Algérie et demande l’envoi de renforts immédiats [134]. Le 29 octobre, lors d’une nouvelle conférence à Constantine, il se dit très préoccupé par la présence de ces « bandes armées » dans les Aurès, distinctes des traditionnels, « bandits d’honneur ». Il a, le même jour, un long entretien avec le préfet Jean Vaujour. Ce dernier raconte dans son livre la façon dont il est informé, à partir d’octobre, de l’imminence d’une action terroriste au moment où ses agents pénètrent le « groupe de la Casbah » [135]. Ayant décidé de retenir l’information le plus longtemps possible afin de mettre à jour l’ensemble du réseau clandestin, Jean Vaujour déclare avoir prévenu le gouvernement de la constitution d’« un groupe d’action directe », à partir d’une enquête du commissaire Carcenac, chef des RG d’Alger. Il transmet le rapport des RG à Paris en l’accompagnant d’une lettre de Roger Léonard : « Il se confirme[...] la mise sur pied d’un groupement d’éléments les plus dangereux susceptibles d’entreprendre, peut-être sans délai, une action directe. »[136] Un délai de sept jours s’écoule, dont on peut mesurer l’importance historique. Le 30 octobre, Pierre Nicolaÿ, chef de cabinet de François Mitterrand, demande au gouverneur général de l’Algérie de procéder aux arrestations, sans préciser les noms [137]. Mais la lettre arrive à Alger le 1er novembre.
                  The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                  • #10
                    Conclusion

                    En bref, dans les derniers jours qui précèdent le début de la Guerre de Libération nationale, les pouvoirs publics français savent confusément ce qui se trame en ville, à Alger surtout, mais en dehors des Aurès ils ont tendance à mésestimer ce qui se prépare dans le bled par manque d’information. Il s’agit aussi d’un autre défaut, propre à la guerre d’Algérie : la sous-estimation de l’adversaire, non encore identifié de façon nette il est vrai.
                    En effet, la transformation, le 10 octobre, du CRUA en FLN n’est pas connue, pas plus que la création de l’Armée de libération nationale. Le cocon de la clandestinité demeure suffisamment étanche pour que, le 22 octobre, la répétition générale du passage à la lutte armée quelques jours plus tard passe inaperçue des SR français. Si l’on excepte des précédents, telles les révolutions française ou maoïste, comme l’a fait remarquer à maintes occasions Charles-Robert Ageron, président d’honneur de ce colloque, le nationalisme algérien est un nationalisme de rupture et, dans l’histoire, les révolutions sont très souvent l’œuvre d’un petit groupe d’hommes décidés.

                    Puisse cette modeste étude restituer une partie de sa mémoire à la nation algérienne, en rappelant que le 1er novembre 1954 n’est pas sorti tout armé de la cuisse de Jupiter, mais qu’il a été annoncé par des signes avant-coureurs.
                    Dr. Jean-Charles JAUFFRET
                    I.E.P d’Aix-en-Provence
                    22 Juin 2006.
                    [1] L’ouvrage le plus récent sur la question : Jean-Louis Planche, Sétif 1945. Histoire d’un massacre annoncé. Paris : Perrin, 2006, 426 p. Voir également la réédition du classique d’Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois. Paris : La Découverte, 2006, 406 p.
                    [2] Gilbert Meynier et Mohammed Harbi, Le FLN. Documents et histoire, 1954-1961. Paris : Fayard, 2004, 900 p., p. 15.
                    [3] À signaler un carton particulièrement riche sur ce sujet au Centre des archives d’Outre-mer (CAOM) : 81 F 996.
                    [4] « Algérie 1945-1954 : les exemples de décolonisation vus par les services de renseignement français ». In Charles-Robert Ageron et Marc Michel (dir.), Décolonisations comparées. Colloque international, 30 septembre – 3 octobre 1993, Aix-en-Provence, Institut d’histoire du temps présent et Institut d’histoire des pays d’Outre-mer, édité en 1995 par l’Université de Provence, 300 p., p. 40-53. « The french army in the beginnings of the Algerian War. From the Absence of a military doctrine to the first specific solutions, May 1945 to august 1956 ». In Dekolonisatie. Schold en Boete. Colloque international organisé à l’occasion du 500e anniversaire de la Rijks Universiteit de Leyde, 23-24 mai 1995. Actes publiés par la revue Itinerario. European Journal of Overseas History, 1996, vol. II, p. 79-102.
                    [5] Service historique de l’armée de terre, Vincennes, septembre 1998, 1 026 p.
                    [6] Raphaëlle Branche, L’armée et la torture pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962. Paris : Gallimard, 2001, 474 p.
                    [7] Sur l’organisation de l’appareil militaire : Aspects militaires de la guerre d’Algérie. Colloque international, 5-6 mai 2000, Montpellier, École du commissariat de l’armée de terre, UMR 5609, ESID (CNRS) en collaboration avec le Centre d’études d’histoire de la Défense de Vincennes ; Général Maurice Faivre, « Le renseignement dans la guerre d’Algérie ». In Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaïsse (dir.). Militaires, guérilla et contre-guérilla pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962. Paris : Éditions Complexe, 2001, 562 p., p. 291-309. Pour une première approche de l’exploitation politique : Olivier Forcade, « Michel Debré et les fins politiques du renseignement ». In Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-François Sirinelli (dir.). Michel Debré, chef du gouvernement. Colloque organisé par le CHEV-FNSP, 14-16 mars 2002, palais du Luxembourg. Paris : PUF, 2005, 630 p., p. 489-513. Sur certains aspects techniques et administratifs : voir Sébastien Duquenne, Le centre de coordination interarmées. Mémoire de maîtrise, sous la direction de Jacques Frémeaux, Université de Paris IV-Sorbonne, 1999, 120 p. ; Amiral Jean Kessler, « La surveillance des frontières maritimes de l’Algérie, 1954-1962 ». Revue historique des armées. 1992, n° 1 ; Jean Guillon. « La contrebande des armes pendant la guerre d’Algérie » Revue Historique des Armées, 1995, n° 3, p. 105-118 ; Mattea-Paola Battaglia, Les questions de renseignement et de surveillance des trafics en direction de l’ALN, 1954-1962. Mémoire de DEA, sous la direction de Maurice Vaïsse, Université Paris I-Panthéon – Sorbonne, Centre d’études d’histoire de la Défense, 1999, 92 p. ; Romain Choron, Le trafic d’armes pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962. Mémoire de DEA, sous la direction de Jacques Frémeaux, Université Paris IV-Sorbonne, 2001, 119 p.
                    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                    • #11
                      [8] Jean-Charles Jauffret, Ces officiers qui ont dit non à la torture. Algérie 1954-1962. Paris : Autrement, 2005, 178 p., voir p. 70-71 le caractère précoce de cette guerre des ondes dès 1945 en Algérie.
                      [9] M. Faivre, op. cit., p. 292.
                      [10] Jean Vaujour, De la révolte à la révolution. Aux premiers jours de la guerre d’Algérie. Paris : Albin Michel, 1985, 475 p.
                      [11] Rachid Bencheneb fait remarquer que les rapports avec l’Administration sont quasiment inexistants, les seuls contacts étant ceux du garde champêtre, du caïd ou des gendarmes : « L’Algérie à la veille du soulèvement de 1954 ». In Les Chemins de la décolonisation de l’empire colonial français. Colloque organisé par l’Institut d’histoire du temps présent, 4-5 octobre 1984, Paris : Éditions du CNRS, 1986, 700 p., p. 421.
                      [12] Fonds particulièrement riche de la série 81 F, dont 649, 669-671, 803-804 et *810,*827 et *879.
                      [13] 31 août 2005, Chronique réglementaire, [email protected].
                      [14] Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy. Thèse d’histoire contemporaine, sous la direction de Jean Rives, Université Toulouse II-Le-Mirail, 2000, p. 609.
                      [15] J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 296-297.
                      [16] Marcel-Edmond Naegelen, Mission en Algérie. Paris : Flammarion, 1962, 315 p., p. 176.
                      [17] J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 177.
                      [18] Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne. Paris : Flammarion, 304 p., p. 142.
                      [19] S. Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie. Paris : La Découverte, 2001, 350 p., p. 14-28.
                      [20] Sur les conditions de sa création, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 360. À noter que le CAOM détient également une copie des synthèses mensuelles.
                      [21] Pour la biographie du colonel Schœn qui a laissé un ouvrage de souvenirs non publiés, Gouverner l’Algérie, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 974-975.
                      [22] Voir J.-C. Jauffret, Ces officiers qui ont dit non…, op. cit., p. 20-21.
                      [23] Dans une saga en trois tomes consacrée aux « lourds», surnom des membres et anciens membres de l’OS, dans le volume deux intitulé Les Lions de la nuit, Azzedine Boumeneur évoque des « militants brisés par la torture » qui ont « retourné leur veste » en devenant agents des RG et du colonel Schönen (sic) (Paris : Gallimard, 1985, 340 p., p. 130).
                      [24] « Algérie 1945-1954 : les exemples de décolonisation vus par les services de renseignement français », communication citée, p. 45.
                      [25] Créé en 1948 pour remplir des fonctions de sécurité militaire, voir M. Faivre, op. cit., p. 292.
                      [26] Henri Alleg, Mémoire algérienne, souvenirs de lutte et d’espérance. Paris : Stock, 2005, 416 p. Voir, entre autres, les pages 124-128 consacrées à la répression de l’insurrection du Nord-Constantinois et de ses suites en 1945.
                      [27] SHAT, *1 H 1729 (l’astérisque indique un carton soumis à dérogation, ceux que nous citons sont contenus dans J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II.
                      [28] CAOM, 81 F 765. Ce carton est le plus complet sur les « mouvements politiques nationalistes ».
                      [29] Zakya Daoud et Benjamin Stora, Fehrat Abbas, une utopie algérienne. Paris : Denoël, 1995.
                      [30] Nous avons donné copie intégrale d’un des documents originaux, non édulcoré, envoyé au gouverneur général de l’Algérie, Marcel Peyrouton, L’avertissement, 10 février 1943 - 9 mars 1946. Vincennes : SHAT, 1990, 556 p., t. I, p. 28 à 38, de la série citée La guerre d’Algérie par les documents.
                      [31] Comme il le dit lui-même dans ses mémoires, Guerre et révolution en Algérie. T. I : La nuit coloniale (Paris : Julliard, 1962, 240 p., p. 165), il s’agit de créer dans le giron de l’Union française chargée de sa défense et de sa politique étrangère une « République algérienne autonome fédérée à une République française rénovée, anti-coloniale et anti-impérialiste ».
                      [32] Benjamin Stora, Messali Hadj. Paris : Hachette, 2004 (réédition).
                      [33] SHAT, *4 Q 73.
                      [34] J.-L. Planche, op. cit., p. 314.
                      [35] A. Handami, Le lion des djebels, Krim Belkacem. Paris : Balland, 1973.
                      [36] Pour les biographies de tous les hauts responsables civils et militaires entre 1946 et 1954, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 947-978.
                      [37] J.-L. Planche, op. cit., p. 314.
                      [38] SHAT,* 1 H 1430.
                      [39] Voir notamment la contribution de Tayeb Chenntouf, « L’Assemblée algérienne et l’application des réformes prévues par le statut du 20 septembre 1947 ». In C.-R. Ageron, Les chemins de la décolonisation…, op. cit., p. 367-375,
                      [40] SHAT, 1 H 1423.
                      [41] L’Organisation spéciale est née le 15 février 1947 lors d’un congrès clandestin du MTLD-PPA, influencé par l’intervention du Dr Lamine Debaghine. Sur la première organisation de l’OS, voir Mohammed Teguia. L’Algérie en guerre. Thèse d’État, Alger : Office de publications universitaires, 1981, 436 p., p. 78-79.
                      [42] Yves Courrière, Les fils de la Toussaint. Paris : Fayard, 1981, 490 p., p. 58-60.
                      [43] J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. I, p. 461.
                      [44] Dès décembre 1947 des collectes pour les Palestiniens sont organisées en Algérie, notamment à Batna. Voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 91-97.
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                      • #12
                        [45] SHAT, * 4 Q 73.
                        [46] SHAT, *1 H 1430.
                        [47] Ibid.
                        [48] Ibid.
                        [49] SHAT, 1 H 1261.
                        [50] Ibid.
                        [51] Xavier Yacono, Histoire de l’Algérie (1830-1954). Versailles : Éditions de l’Atlanthrope, 1993, p. 348-388.
                        [52] SHAT, *1 H 3399.
                        [53] Ibid.
                        [54] Ibid.
                        [55] SHAT,*1 H 3399 ; et CAOM, *81 F 781.
                        [56] Les sources militaires orthographient le nom de cet ancien adjudant-chef en ajoutant un « h », Ben Bellah et changent fréquemment son prénom Ahmed en Mohammed avec un ou deux « m ».
                        [57] SHAT, synthèse du 15 juin, *1 H 2856.
                        [58] Deux organismes sont étudiés : les Scouts musulmans algériens (SMA) d’obédience PPA, et les Boys scouts musulmans algériens (BSMA) d’obédience UDMA. Ibid.
                        [59] En attendant la consultation du carton *81 F 773, du CAOM, voir sur cette question Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale, 1830-1954. Paris : La Découverte, 1991, 130 p., p. 111 ; et Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962. Paris : Fayard, 2002, 814 p., p. 98.
                        [60] Patrick Eveno et Jean Planchais, La guerre d’Algérie. Paris : La Découverte - Le Monde, 1989, 426 p., p. 36-38.
                        [61] SHAT, 1 H 2892.
                        [62] Ibid.
                        [63] Fait rarissime pour un gendarme, il accuse nominalement maître Malpel, maire de Batna et conseiller général délégué à l’Assemblée algérienne : SHAT, 1 H 2892. Sur l’antériorité du trafic d’armes en Algérie : CAOM, *81 F 959.
                        [64] SHAT, *1 H 3399.
                        [65] SHAT, *1 H 3400.
                        [66] Ibid.
                        [67] Ibid.
                        [68] Ibid.
                        [69] Rappelons qu’au début des années 1950, l’agglomération d’Alger compte plus de 50 % d’Algériens concentrés dans les bidonvilles, les quartiers pauvres de la périphérie ou l’antique et insalubre Casbah.
                        [70] Le premier congrès, en 1947, avait créé l’OS.
                        [71] Mohammed Harbi, 1954, la guerre commence en Algérie. Paris : Éditions Complexe, 1984, 210 p., p. 52-54. Sur les origines de la crise, voir aussi son témoignage, Une vie debout. Mémoires politiques. T I : 1945-1962. Paris : La Découverte, 2002, 420 p., p. 94-137.
                        [72] Rapport mensuel d’information, division de Constantine, 31 août 1953 : SHAT, *1 H 3400.
                        [73] SHAT, *1 H 3400.
                        [74] Jean Vaujour, De la révolte…, op. cit., p. 88.
                        [75] SHAT, synthèse d’octobre, *1 H 3399.
                        [76] Cette organisation inspirée de la Résistance française plus que du Viêt-minh préfigure celle du CRUA.
                        [77] SHAT, synthèse d’octobre, *1 H 1400.
                        [78] SHAT, 1 H 1202.
                        [79] Une information en provenance du SDECE en date du 23 novembre et exploitée par le Deuxième bureau de l’état-major de l’armée à Paris confirme cette analyse. SHAT, *carton non coté n° 504, EMA/3 bureau.
                        [80] Sur les circonstances de ces manœuvres capitales, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 562-574.
                        [81] SHAT, carton non coté n° 506, EMAT/2 bureau.
                        [82] SHAT, synthèse de décembre, 1 H 1202.
                        [83] SHAT, *1 H 3400.
                        [84] Éternelle rivalité des services, Roger Wybot se qualifie un peu vite de « découvreur du FLN » et s’attribue la découverte de la grotte ; voir Philippe Bernert, Roger Wybot et la bataille de la DST. Paris : Presses de la Cité, 1975, 545 p., p. 444.
                        [85] Compte rendu hebdomadaire en date du 8 février. SHAT, 1 H 1261. Cet attentat nous semble illustrer les initiatives individuelles de militants lassés des tergiversations des politiques.
                        [86] Sur cette question importante encore occultée, voir J.-C. Jauffret, La guerred’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 398, 407 et 409.
                        [87] SHAT, synthèse de janvier, 1 H 1202.
                        [88] Voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, tableau détaillé p. 358.
                        [89] SHAT, synthèse de janvier. 1 H 1202.
                        [90] Synthèse de mars. *1 H 3399, SHAT.
                        [91] G. Meynier, Histoire intérieure du FLN…, op. cit., p. 76-88.
                        [92] SHAT, 1 H 1202.
                        [93] Note annexe accompagnant le premier numéro du Patriote algérien et de Caw Al-Djazair (en langue arabe) de Lahouel. Ibid.
                        [94] Témoignage donné dans la revue L’Algérianiste, mars 1994, p. 111-112.
                        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                        • #13
                          [95] Ce ralliement, avec celui d’Amar Ouamrane, est en fait plus tardif. Il est progressif à partir de juin, avec ceux de la délégation extérieure au Caire et des chefs messalistes de Kabylie ; voir M. Harbi, Une vie debout…, op. cit., t. I, p. 116. Benjamin Stora précise que c’est à partir du 9 juin que l’on peut parler du ralliement du Krim ; voir Algérie 1954. Paris : Éditions de l’Aube-Le Monde, 2004, 96 p., p. 40-41.
                          [96] J. Vaujour, De la révolte…, op. cit., p. 123 ; et J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 446.
                          [97] Souligné dans le texte. SHAT, 1 H 1202.
                          [98] SHAT, *1 H 3399.
                          [99] Ce numéro 3 du 15 mai, intitulé « Le Patriote te parle » est reproduit par M. Harbi et G. Meynier, dans Le FLN, documents et histoire…, op. cit., p. 28-30.
                          [100] SNP : Sans Nom Patronymique ; patronyme donné couramment en Algérie par les autorités chargées des recensements.
                          [101] Sur cette question qui aurait pu changer le cours de l’histoire, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documesnts…, op. cit., t. II, p. 432, 446 et 449.
                          [102] Conclusion du bulletin politique.
                          [103] SHAT, 1 H 1202.
                          [104] Ibid., synthèse de juin.
                          [105] M. Harbi, Une vie debout…, op. cit., t I, p. 116.
                          [106] M. Harbi., 1954, la guerre…, op. cit., p. 58 ; et M. Teguia, L’Algérie en guerre, op. cit., p. 92.
                          [107] SHAT, synthèse de juin, 1 H 1202.
                          [108] J. Vaujour, témoignage dans L’Algérianiste, op. cit., p. 112.
                          [109] Franz-Olivier Giesbert, Mitterrand ou la tentation de l’histoire. Paris : Seuil, 1977, p. 130.
                          [110] Selon Edgar Faure, ministre des Finances dans le cabinet Mendès France, le président du Conseil traite les dossiers les uns après les autres comme autant de tiroirs à classer ; voir Edgar Faure, Mémoires. T. I : Avoir toujours raison… c est un grand tort. Paris : Plon, 694 p., p. 594.
                          [111] Charles-Robert Ageron, « Le gouvernement Pierre Mendès France et l’insurrection algérienne ». In François Bédarida et Jean-Pierre Rioux (dir.), Pierre Mendès France et le mendésisme. Paris : Fayard, 1985.
                          [112] SHAT, 1 H 126 et *1 H 3400.
                          [113] B. Stora, Messali Hadj, op. cit., p. 298.
                          [114] SHAT, *1 H 3399.
                          [115] Ce document dactylographié n’est pas signé et est daté d’Alger le 30 août. SHAT, *1 H 1676.
                          [116] SHAT, synthèse d’août, 1 H 1202.
                          [117] SHAT, *1 H 3399.
                          [118] Pour les circonstances et les faux espoirs suscités par ce voyage d’Abbas à Paris, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 479-480.
                          [119] Lamine Debaghine ne répond pas en fait aux injonctions du Comité central du PTLD-PPA pour prendre la tête d’une révolution. SHAT, 1 H 1202.
                          [120] J. Vaujour. De la révolte…, op. cit., p. 161.
                          [121] SHAT, 1 H 1202.
                          [122] SHAT, *1 H 3400.
                          [123] SHAT, 1 H 1202. Il s’agit du Comité des six. Après la réunion de juin du Comité des vingt-deux, décision est prise de mener la lutte jusqu’à l’indépendance. Pour ce faire, le CRUA relève à Alger d’une direction collégiale de six membres : Ben Boulaïd, Ben M’Hidi, Boudiaf, Mourad Didouche, Krim Belkacem et Rabah Bitat. Chargé des relations avec les trois autres chefs historiques au Caire, Ben Bella, Khider et Aït Ahmed, Mohammed Boudiaf exerce une autorité morale comme responsable de la coordination entre les différentes zones. En effet, pour ne pas renouveler les erreurs de l’OS, le Comité des six prépare en septembre 1954 la division du territoire algérien en cinq zones autonomes, les futures wilayas ; l’organisation d’une sixième zone, celle du Sahara, étant seulement envisagée.
                          [124] L’Algérianiste, op. cit., p. 112.
                          [125] B. Stora, Messali Hadj, op. cit., p. 222-224.
                          [126] SHAT, 1 H 1202.
                          [127] Sur les circonstances précises de ce voyage, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 518.
                          [128] Récapitulatif des renseignements fournis par le SLNA du 1er janvier au 31 octobre 1954. SHAT, fonds général Blanc, carton 145 K 31.
                          [129] Souligné dans le texte. SHAT, synthèse d’octobre, 1 H 1202.
                          [130] SHAT, document daté du 9 décembre, carton EMA/2 bureau, n° 506, non coté.
                          [131] SHAT, 1 H 2894.
                          [132] Ibid.
                          [133] Sur cette question, voir J.-C. Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents…, op. cit., t. II, p. 519 et 534-540.
                          [134] Sur l’envoi de la 14e division d’infanterie dans l’Est algérien et toutes les mesures militaires préventives avant le 1er novembre, voir ibid., p. 547-637.
                          [135] J. Vaujour, De la révolte…, op. cit., p. 143-147.
                          [136] Ibid., p. 152.
                          [137] F.-O. Giesbert, Mitterrand ou la tentation de l’histoire, op. cit., p. 127.


                          LQA
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