Par Larbi le dimanche, octobre 3 2010, 22:48
Décidément si 2009 était une année des condamnations records, 2010 est l’année des adieux. Après Le jorunal Hebdomadaire (fermé en Janvier), Al Jarida Al Oula (mai) , l’hebdomadaire arabophone Nichane s’est éteint ce week-end.
Dans un communiqué du Groupe Telquel on apprend que l’hebdo Nichane a été fermé après avoir été « victime d’un boycott publicitaire persistant initié par le holding royal ONA/SNI, le plus important groupe économique du Maroc, avant d’être suivi par les grandes entreprises liées au régime. »
Doucement, et assez intelligemment, le paysage de la presse écrite s’est métamorphosé ces deux dernières années. Le pouvoir a diversifié ses méthodes de prise de contrôle, direct et indirect, de la presse écrite au Maroc, si bien qu’aujourd’hui personne n’attends plus la sortie des hebdos le week-end et leurs dossiers qui, il n’y a pas si longtemps, pimentaient la vie politique marocaine.
Au fil des années, le pouvoir s’est constitué une panoplie riche d’outils pour museler la presse écrite et la garder sous contrôle.
Actionnariat : méthode vieille, simple et toujours efficace. Beaucoup de journaux marocains sont contrôlés par des personnes proches du palais.
Boycott publicitaire : méthode éprouvée dont le Journal Hebdo était, bien avant Nichane, la principale victime. Les principaux annonceurs étant des organismes publics, des entreprises du holding royal ONA/SNI, ou des opérateurs télécoms et immobiliers liés au pouvoir, il est dès lors facile d’exercer cette pression.
Harcèlements policiers: la justice est mise à contribution. Pour une faute de frappe, ou un dossier, les directeurs des journaux sont convoqués et interrogés. Pour leur rappeler, si besoin est, qu’ils sont sous surveillance
Condamnations judiciaires : avec un pic en 2009. Méthode privilégiée : des condamnations à la prison en sursis : personne n’est mis en prison mais le condamné sait qu’il a une épée de Damoclès qui plane sur son dos.
Cette formidable stratégie donne ses fruits si bien que la presse écrite et plus contrôlée aujourd’hui qu’au moment de l’avènement du règne du roi Mohammed VI.
Prenons les titres de la presse marocaine, par ordre de tirage audité par OJD Maroc, et voyons ce que ça donne en cet Octobre 2010.
Hebdomadaires francophones
Harcèlements policiers :L’hebdomadaire est régulièrement saisi par les autorités, la dernière saisie à l’occasion de la publication d’un sondage sur le roi Mohammed VI. Bien entendu il s’agit d’une saisie administrative, confirmée après coup par une surréaliste décision de la justice.
Poursuites judiciaires : Le directeur de l’hebdo, est poursuivi pour le fameux éditorial « Majesté, que dites-vous ». Le procès est reporté d’une manière permanente.
Actionnariat : le Groupe Telquel est détenu par des actionnaires privés et indépendants. Selon des indiscrétions/rumeurs le groupe aurait été approché par le ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch pour une prise de participation.
Actionnariat : édité par « Groupe Caractères » , l’hebdomadaire appartient à Akwa-Group le Holding du ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch.
Actionnariat : Le tirage (pourtant audité par OJD) est à prendre avec beaucoup de précaution (plus est, le journal a déjà été accusé de tricherie). Propriété de père en fils de la famille Yata , l’hebdo appartient aussi à la famille politique de Khalid Naciri le ministre de la communication.
Actionnariat : Aucun lien direct ou indirect avec le pouvoir. Pionnier de la presse hebdomadaire francophone au Maroc, il a gardé sa ligne éditoriale de la période où Khalil Hachimi Idrissi en était le directeur.
Actionnariat : Non audité car crée en 2009 . L’hebdomadaire dont le tirage est honorable, est édité par « Logique Presse » filiale de « 7 Médias » qui est à son tour filiale de « H2Dev » . Ce dernier holding est dirigé par Rachid Tlemçani ancien directeur central du holding royal ONA/SNI et proche du secrétaire particulier du roi.
L’hebdomadaire phare de la presse indépendante marocaine a été fermé en janvier 2010. On en a beaucoup parlé, inutile de revenir sur les pressions judiciaires et le boycott publicitaire dont il a été la première victime.
Hebdomadaires arabophones :
Harcèlements judicaires : Saisi pour le fameux édito « Sidna Ach Ta Tagoul » puis pour le sondage interdit. Une de ses journalistes et un ancien rédacteur en chef ont été condamnés à des longues peines de prison en sursis dans l’affaire des blagues.
Boycott publicitaire : fermé ce week-end . Voir le communiqué du groupe Tel Quel.
Harcèlements judicaires : Nour Eddine Miftah, directeur de l’hebdol et la journaliste Meriem Moukrim, ont écopé d’une première condamnation de prison en sursis pour un dossier sur « le harem royal » . Le directeur du journal avait négocié une fin honorable pour tout le monde en présentant « des excuses » largement diffusées par la MAP contre cette peine « allégée ».
Noureddine Miftah est un habitué des postes de police : dernier interrogatoire en septembre 2009 pour le dossier sur la santé ru roi.
Harcèlements judicaires : Abderrahim Ariri, le directeur du journal est un autre habitué des postes de police. Dernière condamnation : six mois de prison avec sursis . Mustapha Hormatallah, journaliste de la même publication, avait moins de chance : il a purgé en 2008 une peine de huit mois de prison ferme, pour avoir publié un dossier intitulé «Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc».
Quotidiens arabophones :
Harcèlements judicaires : En 2008 Rchid Niny avait été condamné à verser 600 000 euros aux substituts du Procureur dans «l’affaire Ksar El Kebir».
Actionnariat : au 31/12/2009 Rachid Niny n’était qu’un simple salarié de son journal après avoir transféré ses parts sociales à son frère Ahmed Niny. Le cinéaste Mohammed Asli reste l’actionnaire principale de Masae Media.
Début 2010, Taoufik bouachrine et Samir Chaouki ont vendu leurs parts sociales, encore détenue dans la société à Rachid Niny. Il est impossible d’avoir des détails sur la suite des transactions et la structure actuelle du capital comme il est impossible de savoir comment les « 600 000 euros » de dommages et intérêts ont été payés (ou pas). Toujours est-il qu’en 2009 Rachi Niny prends un virage éditorial impressionnant n’hésitant pas à faire de la délation policière et à donner des arguments aux procureurs qui interrogeaient ses confrères.
Actionnariat : Le holding royal ONA/SNI détient 10.3% d’Eco-Médias, la société éditrice d’Assabah.
Actionnariat: Quotidien fondé par Mohamed El Brini un historique de la presse USFP , parti apparentant à la coalition gouvernementale en place depuis 1998.
Condamnations : Anciennement Akbar AL yaoum (interdit en 2009), le quotidien est dirigé par Taoufik Bouachrine qui est sous le coup d’une condamnation à quatre ans de prison avec sursis.
Le directeur du journal a aussi été condamné à 6 mois de prison ferme pour « escroquerie » qualifiée d’« un tour à la Ben Brik » .
Harcèlement policier : rien n’est épargné à Taoufik Bouachrine . Le vendredi 5 février, le parquet de Rabat l’a convoqué pour interrogatoire après une simple erreur de frappe . Il avait écrit : « le règne du défunt roi Mohammed VI ».
Quotidiens francophones:
Actionnariat : quotidien historique du palais détenu par le Saoudien Othman El Oumeïr en flagrante infraction du code de la presse.
Actionnariat : Le holding royal ONA/SNI détient 10.3% d’Eco-Médias, la société éditrice de l’Economiste.
Actionnariat : quotidien porte-parole du Parti du premier ministre El Fassi.
Actionnariat : quotidien principalement détenu par le ministre marocain de l’agriculture Aziz Akhannouch .
Comme on le voit, systématiquement il y a un lien capitaliste entre le pouvoir et la majorité des titres édités au Maroc. Quand ce lien fait défaut, les pressions policières et les condamnations judicaires s’y substituent.
Décidément si 2009 était une année des condamnations records, 2010 est l’année des adieux. Après Le jorunal Hebdomadaire (fermé en Janvier), Al Jarida Al Oula (mai) , l’hebdomadaire arabophone Nichane s’est éteint ce week-end.
Dans un communiqué du Groupe Telquel on apprend que l’hebdo Nichane a été fermé après avoir été « victime d’un boycott publicitaire persistant initié par le holding royal ONA/SNI, le plus important groupe économique du Maroc, avant d’être suivi par les grandes entreprises liées au régime. »
Doucement, et assez intelligemment, le paysage de la presse écrite s’est métamorphosé ces deux dernières années. Le pouvoir a diversifié ses méthodes de prise de contrôle, direct et indirect, de la presse écrite au Maroc, si bien qu’aujourd’hui personne n’attends plus la sortie des hebdos le week-end et leurs dossiers qui, il n’y a pas si longtemps, pimentaient la vie politique marocaine.
Au fil des années, le pouvoir s’est constitué une panoplie riche d’outils pour museler la presse écrite et la garder sous contrôle.
Actionnariat : méthode vieille, simple et toujours efficace. Beaucoup de journaux marocains sont contrôlés par des personnes proches du palais.
Boycott publicitaire : méthode éprouvée dont le Journal Hebdo était, bien avant Nichane, la principale victime. Les principaux annonceurs étant des organismes publics, des entreprises du holding royal ONA/SNI, ou des opérateurs télécoms et immobiliers liés au pouvoir, il est dès lors facile d’exercer cette pression.
Harcèlements policiers: la justice est mise à contribution. Pour une faute de frappe, ou un dossier, les directeurs des journaux sont convoqués et interrogés. Pour leur rappeler, si besoin est, qu’ils sont sous surveillance
Condamnations judiciaires : avec un pic en 2009. Méthode privilégiée : des condamnations à la prison en sursis : personne n’est mis en prison mais le condamné sait qu’il a une épée de Damoclès qui plane sur son dos.
Cette formidable stratégie donne ses fruits si bien que la presse écrite et plus contrôlée aujourd’hui qu’au moment de l’avènement du règne du roi Mohammed VI.
Prenons les titres de la presse marocaine, par ordre de tirage audité par OJD Maroc, et voyons ce que ça donne en cet Octobre 2010.
Hebdomadaires francophones
- 1er – TELQUEL, 22 480 ex.
Harcèlements policiers :L’hebdomadaire est régulièrement saisi par les autorités, la dernière saisie à l’occasion de la publication d’un sondage sur le roi Mohammed VI. Bien entendu il s’agit d’une saisie administrative, confirmée après coup par une surréaliste décision de la justice.
Poursuites judiciaires : Le directeur de l’hebdo, est poursuivi pour le fameux éditorial « Majesté, que dites-vous ». Le procès est reporté d’une manière permanente.
Actionnariat : le Groupe Telquel est détenu par des actionnaires privés et indépendants. Selon des indiscrétions/rumeurs le groupe aurait été approché par le ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch pour une prise de participation.
- 2ème – LA VIE ECO, 16 269 ex.
Actionnariat : édité par « Groupe Caractères » , l’hebdomadaire appartient à Akwa-Group le Holding du ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch.
- 3ème - LA NOUVELLE TRIBUNE, 12 702 ex.
Actionnariat : Le tirage (pourtant audité par OJD) est à prendre avec beaucoup de précaution (plus est, le journal a déjà été accusé de tricherie). Propriété de père en fils de la famille Yata , l’hebdo appartient aussi à la famille politique de Khalid Naciri le ministre de la communication.
- 4ème - MAROC HEBDO, 10 227 ex.
Actionnariat : Aucun lien direct ou indirect avec le pouvoir. Pionnier de la presse hebdomadaire francophone au Maroc, il a gardé sa ligne éditoriale de la période où Khalil Hachimi Idrissi en était le directeur.
- Nouveau – ACTUEL MAROC:
Actionnariat : Non audité car crée en 2009 . L’hebdomadaire dont le tirage est honorable, est édité par « Logique Presse » filiale de « 7 Médias » qui est à son tour filiale de « H2Dev » . Ce dernier holding est dirigé par Rachid Tlemçani ancien directeur central du holding royal ONA/SNI et proche du secrétaire particulier du roi.
- Défunt – Le Journal Hebdo :
L’hebdomadaire phare de la presse indépendante marocaine a été fermé en janvier 2010. On en a beaucoup parlé, inutile de revenir sur les pressions judiciaires et le boycott publicitaire dont il a été la première victime.
Hebdomadaires arabophones :
- 1er- Nichane, 20 267 ex.
Harcèlements judicaires : Saisi pour le fameux édito « Sidna Ach Ta Tagoul » puis pour le sondage interdit. Une de ses journalistes et un ancien rédacteur en chef ont été condamnés à des longues peines de prison en sursis dans l’affaire des blagues.
Boycott publicitaire : fermé ce week-end . Voir le communiqué du groupe Tel Quel.
- 2ème- Al Yam , 20 055 ex.
Harcèlements judicaires : Nour Eddine Miftah, directeur de l’hebdol et la journaliste Meriem Moukrim, ont écopé d’une première condamnation de prison en sursis pour un dossier sur « le harem royal » . Le directeur du journal avait négocié une fin honorable pour tout le monde en présentant « des excuses » largement diffusées par la MAP contre cette peine « allégée ».
Noureddine Miftah est un habitué des postes de police : dernier interrogatoire en septembre 2009 pour le dossier sur la santé ru roi.
- 3ème + AL WATAN AL ANE , 4 329 ex.
Harcèlements judicaires : Abderrahim Ariri, le directeur du journal est un autre habitué des postes de police. Dernière condamnation : six mois de prison avec sursis . Mustapha Hormatallah, journaliste de la même publication, avait moins de chance : il a purgé en 2008 une peine de huit mois de prison ferme, pour avoir publié un dossier intitulé «Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc».
Quotidiens arabophones :
- 1er- AL MASSAE , 101 122 ex.
Harcèlements judicaires : En 2008 Rchid Niny avait été condamné à verser 600 000 euros aux substituts du Procureur dans «l’affaire Ksar El Kebir».
Actionnariat : au 31/12/2009 Rachid Niny n’était qu’un simple salarié de son journal après avoir transféré ses parts sociales à son frère Ahmed Niny. Le cinéaste Mohammed Asli reste l’actionnaire principale de Masae Media.
Début 2010, Taoufik bouachrine et Samir Chaouki ont vendu leurs parts sociales, encore détenue dans la société à Rachid Niny. Il est impossible d’avoir des détails sur la suite des transactions et la structure actuelle du capital comme il est impossible de savoir comment les « 600 000 euros » de dommages et intérêts ont été payés (ou pas). Toujours est-il qu’en 2009 Rachi Niny prends un virage éditorial impressionnant n’hésitant pas à faire de la délation policière et à donner des arguments aux procureurs qui interrogeaient ses confrères.
- 2ème- ASSABAH, 72 868 ex.
Actionnariat : Le holding royal ONA/SNI détient 10.3% d’Eco-Médias, la société éditrice d’Assabah.
- 3ème - AL AHDATH AL MAGHRIBIA, 15 589 ex.
Actionnariat: Quotidien fondé par Mohamed El Brini un historique de la presse USFP , parti apparentant à la coalition gouvernementale en place depuis 1998.
- 4ème - AKHBAR AL YOUM MAGHRIBIYA, 9 996 ex.
Condamnations : Anciennement Akbar AL yaoum (interdit en 2009), le quotidien est dirigé par Taoufik Bouachrine qui est sous le coup d’une condamnation à quatre ans de prison avec sursis.
Le directeur du journal a aussi été condamné à 6 mois de prison ferme pour « escroquerie » qualifiée d’« un tour à la Ben Brik » .
Harcèlement policier : rien n’est épargné à Taoufik Bouachrine . Le vendredi 5 février, le parquet de Rabat l’a convoqué pour interrogatoire après une simple erreur de frappe . Il avait écrit : « le règne du défunt roi Mohammed VI ».
Quotidiens francophones:
- 1er - LE MATIN DU SAHARA ET MAGHREB , 23 805 ex.
Actionnariat : quotidien historique du palais détenu par le Saoudien Othman El Oumeïr en flagrante infraction du code de la presse.
- 2ème - L’ECONOMISTE, 19 805 ex.
Actionnariat : Le holding royal ONA/SNI détient 10.3% d’Eco-Médias, la société éditrice de l’Economiste.
- 3ème : L’OPINION : 17 797 ex.
Actionnariat : quotidien porte-parole du Parti du premier ministre El Fassi.
- 4 ème AUJOURD’HUI LE MAROC, 5937 ex.
Actionnariat : quotidien principalement détenu par le ministre marocain de l’agriculture Aziz Akhannouch .
Comme on le voit, systématiquement il y a un lien capitaliste entre le pouvoir et la majorité des titres édités au Maroc. Quand ce lien fait défaut, les pressions policières et les condamnations judicaires s’y substituent.
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