Ma tante vient d'avoir un appartement. Je l'ai su aujourd'hui. Et je suis content, mais content mon vieux.
Je vous reconte ça. Comme ça. Parceque j'ai envie. Parceque j'ai pas sommeil. Et parceque le cours du pétrole commence à m'inquiéter. Voilà.
Comme beaucoup d'algériens, ma tante habite un appartement communautaire à Alger, qui sent la soupe aux oignons, mais ça c'est l'odeur d'alger. Et peut-être bien de la l'algérie toute entière.
Un appartement communautaire, disais-je. Six pièces, trois familles, 17 personnes, une seule porte d'entrée. Je ne sais pas si vous imaginez bien la chose. Vous arrivez du travail en même temps que votre voisin, vous montez les escaliers ensemble, vous entrez chez vous, mais votre voisin aussi entre chez vous, parce que c'est chez lui aussi ! Et un troisième arrivera tantôt, qui accrochera également son manteau à votre patère, et laissera ses souliers à côté des vôtres sur le tapis, parce que c'est aussi son tapis, et sa patère...
Salima, ma cousine, louche un peu, ce qui met de la drôlerie dans son visage, mais elle est très sérieuse, très formelle et, je le soupçonne, puritaine. Vingt deux ans. Déjà mariée. Une petite fille de deux ans qui s'appelle Latifa... Bref, la fiancée exemplaire de l'homo algérius. Son mari, leur petite fille et la mère de Salima, ma tante, et ses deux soeurs disposent de deux des six pièces de l'appartement. Comment ont-ils réussi à loger là-dedans un vieux piano en plus des armoires, d'une bibliothèque, d'un frigo et des sofas qu'on déplie le soir pour dormir ? Comment Djamel, le mari de Salima, qui étudie à l'université, réussit à faire ses travaux pendant que bébé circule sur son tricycle et que les belles soeurs écoutent la télé ? Aucune idée mon vieux..
La cuisine est un poème odorant, tendu de cordes où sèche du linge. Trois petits poêles à gaz, chacun le sien, mais un évier unique, minuscule.
Les trois familles sont brouillées tant qu'elles se souviennent de l'objet de leur brouille. Pas bonjour, pas comment ça va, une gueule longue comme ça depuis des années. On fait cuire ses patates en même temps, on se succède à la porte de l'unique toilette, on se frôle dans un couloir sombre et étroit comme une galerie de mine, mais on s'ignore comme si on marchait chacun d'un côté de la rue Michelet...Ils se frôlent, s'écoutent tousser, renifler, baiser aussi j'imagine, téléphoner, l'unique téléphone est dans l'entrée, mais ils ne se parlent pas. C'est comme ça...La deuxième famille est régentée par un vieil oncle qui n'aime pas les enfants et leur a interdit le couloir et la cuisine. Youcef, l'homme de la troisième famille a trois enfants, prend un coup. Quand il rentre en disant " Essalam alikoum ! " c'est qu'il est paqueté.
Salima a passé toute sa vie dans cet appartement. Le vieil oncle et Youcef son beau frère étaient déjà là quand elle est née, et déjà, elle ne pouvait pas jouer dans le couloir. Et maintenant sa fille...
Des grands changements en Algérie, dites-vous. Oh yeah ? Parlez-en à Salima pour voir...
Ma tante vient d'avoir un appartement. Je l'ai su aujourd'hui. Et je suis content, mais content mon vieux.
Je vous reconte ça. Comme ça. Parceque j'ai envie. Parceque j'ai pas sommeil. Et parceque le cours du pétrole commence à m'inquiéter. Voilà.
Comme beaucoup d'algériens, ma tante habite un appartement communautaire à Alger, qui sent la soupe aux oignons, mais ça c'est l'odeur d'alger. Et peut-être bien de la l'algérie toute entière.
Un appartement communautaire, disais-je. Six pièces, trois familles, 17 personnes, une seule porte d'entrée. Je ne sais pas si vous imaginez bien la chose. Vous arrivez du travail en même temps que votre voisin, vous montez les escaliers ensemble, vous entrez chez vous, mais votre voisin aussi entre chez vous, parce que c'est chez lui aussi ! Et un troisième arrivera tantôt, qui accrochera également son manteau à votre patère, et laissera ses souliers à côté des vôtres sur le tapis, parce que c'est aussi son tapis, et sa patère...
Salima, ma cousine, louche un peu, ce qui met de la drôlerie dans son visage, mais elle est très sérieuse, très formelle et, je le soupçonne, puritaine. Vingt deux ans. Déjà mariée. Une petite fille de deux ans qui s'appelle Latifa... Bref, la fiancée exemplaire de l'homo algérius. Son mari, leur petite fille et la mère de Salima, ma tante, et ses deux soeurs disposent de deux des six pièces de l'appartement. Comment ont-ils réussi à loger là-dedans un vieux piano en plus des armoires, d'une bibliothèque, d'un frigo et des sofas qu'on déplie le soir pour dormir ? Comment Djamel, le mari de Salima, qui étudie à l'université, réussit à faire ses travaux pendant que bébé circule sur son tricycle et que les belles soeurs écoutent la télé ? Aucune idée mon vieux..
La cuisine est un poème odorant, tendu de cordes où sèche du linge. Trois petits poêles à gaz, chacun le sien, mais un évier unique, minuscule.
Les trois familles sont brouillées tant qu'elles se souviennent de l'objet de leur brouille. Pas bonjour, pas comment ça va, une gueule longue comme ça depuis des années. On fait cuire ses patates en même temps, on se succède à la porte de l'unique toilette, on se frôle dans un couloir sombre et étroit comme une galerie de mine, mais on s'ignore comme si on marchait chacun d'un côté de la rue Michelet...Ils se frôlent, s'écoutent tousser, renifler, baiser aussi j'imagine, téléphoner, l'unique téléphone est dans l'entrée, mais ils ne se parlent pas. C'est comme ça...La deuxième famille est régentée par un vieil oncle qui n'aime pas les enfants et leur a interdit le couloir et la cuisine. Youcef, l'homme de la troisième famille a trois enfants, prend un coup. Quand il rentre en disant " Essalam alikoum ! " c'est qu'il est paqueté.
Salima a passé toute sa vie dans cet appartement. Le vieil oncle et Youcef son beau frère étaient déjà là quand elle est née, et déjà, elle ne pouvait pas jouer dans le couloir. Et maintenant sa fille...
Des grands changements en Algérie, dites-vous. Oh yeah ? Parlez-en à Salima pour voir...
Ma tante vient d'avoir un appartement. Je l'ai su aujourd'hui. Et je suis content, mais content mon vieux.
Commentaire