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Il y aune fuite des cerveaux en Israël. C'est la jeunesse la plus globalisée qui part, les enfants des ministres... Lisez Le Monde.
Lorsque les enfants des politiques israéliens émigrent sous d'autres cieux
Article paru dans l'édition du 02.02.02
u départ, ce n'était qu'une réflexion de Yossi Beilin. L'ancien ministre de la justice d'Ehoud Barak exprimait ses craintes devant la « fuite des cerveaux », principalement les jeunes, que connaît Israël. Il la liait aux difficultés économiques actuelles du pays, mais aussi à l'atmosphère très pesante qui y règne depuis l'effondrement du processus de paix. Il évoquait ces « cinquantenaires », membres du « bel Israël », cette strate sociale qui, de fait, tient les rênes du pays.
Riches, généralement ashkénazes (issus d'Europe centrale), souvent héritiers de grandes familles pionnières qui ont bâti le pays, ils ne voient désormais plus d'un si mauvais oeil leurs enfants partir à l'étranger. « Il y a même, parmi eux, deux ministres », ajoutait-il. Il ne se doutait pas, le pauvre, que Yediot Aharonot, le grand quotidien populaire israélien, allait en faire ses choux gras.
Le journal a enquêté, et le résultat est saisissant. Titre de l'article, paru le 28 janvier sur deux pages : « Les parents gèrent le pays, les enfants sont outre-mer ». Ariel, le fils du ministre Roni Milo (droite modérée), est effectivement new-yorkais. Comme son frère Ofir. Tali, fille du ministre de la défense, Benyamin Ben Eliezer (travailliste « faucon »), vit aussi aux Etats-Unis, après être passée par la Nouvelle-Zélande.
Mais il y a mieux. Le fils d'Itzhak Rabin, Youval, est installé à Washington. Orit, petite-fille de l'ancien premier ministre Menahem Begin, a elle aussi quitté Israël. Premier ministre sortant en 2001, Ehoud Barak a eu le bonheur, la semaine dernière, de devenir grand-père. Sa fille, Mikhal, a accouché à New York, où elle réside avec son mari. Ygal, le fils du « faucon » Moshe Arens (Likoud), ex-ministre de la défense, vit à Los Angeles. L'avocat Yoël Herzog, fils de l'ancien président de l'Etat Chaïm Herzog, a opté pour Genève.
La liste de Yediot Aharonot comprend d'autres noms : enfants de députés, de généraux, installés à Londres ou ailleurs. Droite et gauche sont servies avec équité. Le pompon est atteint avec Alon Ben Gourion, petit-fils de David Ben Gourion, le « père de la nation », aujourd'hui directeur de l'hôtel Waldorf Astoria, à New York.
Le quotidien ne cache pas la leçon à tirer. Alors que les temps sont durs pour tous, qu'Israël appelle les juifs du monde entier à s'installer dans le pays pour faire face aux menaces, ses dirigeants trahissent le sionisme en envoyant leurs rejetons loin des attentats et du chômage.
Parmi les personnes citées, peu nombreuses sont celles qui ont réagi. Matan Vilnaï, ministre travailliste dont le fils Yaïr étudie la musique aux Etats-Unis, a vu dans ces reproches adressés aux parents une méthode « fasciste ». « un pays libre »
Yossi Beilin jure qu'il n'a jamais voulu dire ce qu'on lui prête. « Israël est un pays libre, explique-t-il au journal. Chacun est en droit d'y vivre ou d'en partir. Celui qui décide d'émigrer n'en devient pas pour autant à mes yeux un déchet, et ses parents n'ont pas à s'en excuser. Le vrai débat est celui-ci : la politique gouvernementale, hormis de renforcer des phénomènes graves comme le refus d'officiers de servir dans les territoires [palestiniens] ou de jeunes de s'enrôler dans l'armée, ne provoque-t-elle pas le refus le plus silencieux de tous, celui de ceux qui s'en vont ? »
Le chiffre des « émigrés » israéliens dans la tranche des 20-30 ans, depuis le début de l'Intifada, n'est pas connu. Il serait important. Maigre consolation : côté palestinien, quelque 40 000 jeunes seraient eux aussi partis sous d'autres cieux. Là encore, issus des meilleures familles.
SYLVAIN CYPEL
Lorsque les enfants des politiques israéliens émigrent sous d'autres cieux
Article paru dans l'édition du 02.02.02
u départ, ce n'était qu'une réflexion de Yossi Beilin. L'ancien ministre de la justice d'Ehoud Barak exprimait ses craintes devant la « fuite des cerveaux », principalement les jeunes, que connaît Israël. Il la liait aux difficultés économiques actuelles du pays, mais aussi à l'atmosphère très pesante qui y règne depuis l'effondrement du processus de paix. Il évoquait ces « cinquantenaires », membres du « bel Israël », cette strate sociale qui, de fait, tient les rênes du pays.
Riches, généralement ashkénazes (issus d'Europe centrale), souvent héritiers de grandes familles pionnières qui ont bâti le pays, ils ne voient désormais plus d'un si mauvais oeil leurs enfants partir à l'étranger. « Il y a même, parmi eux, deux ministres », ajoutait-il. Il ne se doutait pas, le pauvre, que Yediot Aharonot, le grand quotidien populaire israélien, allait en faire ses choux gras.
Le journal a enquêté, et le résultat est saisissant. Titre de l'article, paru le 28 janvier sur deux pages : « Les parents gèrent le pays, les enfants sont outre-mer ». Ariel, le fils du ministre Roni Milo (droite modérée), est effectivement new-yorkais. Comme son frère Ofir. Tali, fille du ministre de la défense, Benyamin Ben Eliezer (travailliste « faucon »), vit aussi aux Etats-Unis, après être passée par la Nouvelle-Zélande.
Mais il y a mieux. Le fils d'Itzhak Rabin, Youval, est installé à Washington. Orit, petite-fille de l'ancien premier ministre Menahem Begin, a elle aussi quitté Israël. Premier ministre sortant en 2001, Ehoud Barak a eu le bonheur, la semaine dernière, de devenir grand-père. Sa fille, Mikhal, a accouché à New York, où elle réside avec son mari. Ygal, le fils du « faucon » Moshe Arens (Likoud), ex-ministre de la défense, vit à Los Angeles. L'avocat Yoël Herzog, fils de l'ancien président de l'Etat Chaïm Herzog, a opté pour Genève.
La liste de Yediot Aharonot comprend d'autres noms : enfants de députés, de généraux, installés à Londres ou ailleurs. Droite et gauche sont servies avec équité. Le pompon est atteint avec Alon Ben Gourion, petit-fils de David Ben Gourion, le « père de la nation », aujourd'hui directeur de l'hôtel Waldorf Astoria, à New York.
Le quotidien ne cache pas la leçon à tirer. Alors que les temps sont durs pour tous, qu'Israël appelle les juifs du monde entier à s'installer dans le pays pour faire face aux menaces, ses dirigeants trahissent le sionisme en envoyant leurs rejetons loin des attentats et du chômage.
Parmi les personnes citées, peu nombreuses sont celles qui ont réagi. Matan Vilnaï, ministre travailliste dont le fils Yaïr étudie la musique aux Etats-Unis, a vu dans ces reproches adressés aux parents une méthode « fasciste ». « un pays libre »
Yossi Beilin jure qu'il n'a jamais voulu dire ce qu'on lui prête. « Israël est un pays libre, explique-t-il au journal. Chacun est en droit d'y vivre ou d'en partir. Celui qui décide d'émigrer n'en devient pas pour autant à mes yeux un déchet, et ses parents n'ont pas à s'en excuser. Le vrai débat est celui-ci : la politique gouvernementale, hormis de renforcer des phénomènes graves comme le refus d'officiers de servir dans les territoires [palestiniens] ou de jeunes de s'enrôler dans l'armée, ne provoque-t-elle pas le refus le plus silencieux de tous, celui de ceux qui s'en vont ? »
Le chiffre des « émigrés » israéliens dans la tranche des 20-30 ans, depuis le début de l'Intifada, n'est pas connu. Il serait important. Maigre consolation : côté palestinien, quelque 40 000 jeunes seraient eux aussi partis sous d'autres cieux. Là encore, issus des meilleures familles.
SYLVAIN CYPEL