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El Watan a 20 ans : Témoignages.

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  • El Watan a 20 ans : Témoignages.

    Détermination
    le 07.10.10 | 03h00
    Omar Belhouchet Directeur de la Publication


    Le 8 octobre 1990, la presse indépendante algérienne, encore balbutiante, s’enrichit d’un nouveau titre. Un groupe de journalistes s’engage dans une aventure exaltante.

    Les Algériens découvrent enfin El Watan dans les kiosques, dont le contenu tranche avec les écrits d’El Moudjahid. Vingt ans après, il peut paraître assez présomptueux de consacrer à cet événement tout un supplément de 32 pages. La halte est pourtant indispensable, en ces moments de questionnements et de grande incertitude pour la presse algérienne.

    Les vingt premières années de la vie du journal ont été intenses, dures, palpitantes... L’aventure intellectuelle se mue, dans l’urgence, en un journalisme de combat, de résistance. L’Algérie, à cette époque, est traversée par des bouleversements majeurs dont elle n’a pas la maîtrise. Après la chute du mur de Berlin, la disparition des régimes communistes d’Europe de l’Est, l’affaiblissement du mouvement des non-alignés, l’islamisme politique gagne du terrain, porté par une sourde lutte d’influence entre le régime des mollahs de Téhéran et le wahhabisme. La société gronde. Les Algériens manquent de liberté et de travail. Le modèle politique porté par Boumediène se fissure.

    Faute de réformes à temps, la déflagration est inévitable. C’est la rue qui forge le destin du pays. L’ouverture politique conçue dans l’urgence favorise l’émergence de la presse indépendante. C’est une exceptionnelle aubaine pour les journalistes, mobilisés au sein du Mouvement des journalistes algériens (MJA), de faire avancer la liberté de presse encore inexistante. Nous nous infiltrons dans la brèche. A défaut de pouvoir réformer El Moudjahid, très contrôlé par la bureaucratie d’Etat et les forces de l’immobilisme, des journalistes, dont la plupart sont des membres actifs du MJA, créent

    El Watan, en s’appuyant sur les dispositions décidées par le Premier ministre, Mouloud Hamrouche. C’est le printemps de la presse, sur fond de tensions politiques. Un journalisme de liberté fleurit à l’ombre des baïonnettes et des sermons religieux. Nous avions l’opportunité de donner vie aux valeurs pour lesquelles beaucoup de nos collègues s’étaient investis des décennies durant. Désormais, preuve est faite que les Algériens étaient mûrs pour accéder à une information digne, vraie, honnête. L’explosion journalistique permet aux fondateurs d’El Watan de donner la pleine mesure de leur talent journalistique, de s’initier à la gestion... Notre quotidien est adopté par l’opinion publique pour la rigueur dans le traitement de l’information, la qualité de ses reportages, le sérieux de ses analyses... En quelques mois, il est incontournable dans le paysage médiatique. Il n’y a pas de sujet tabou ; les Algériens matraqués par la langue de bois et le journalisme lénifiant découvrent des écrits critiques, émancipés...

    En janvier 1992, l’arrêt du processus électoral assombrit le pays. Le FIS s’engage massivement dans le terrorisme. Le journaliste devient un acteur de la vie politique. Il est forcé par les événements à prendre position. Fidèle à ses valeurs de combat pour la démocratie et à sa mission d’informer, El Watan choisit la voie la plus difficile, celle qui le mettra en opposition avec les pouvoirs en place et l’islamisme politique.

    Aux tentatives d’assassinat des groupes terroristes, se greffe la répression brutale du pouvoir. Nous nous rendions au bureau la peur au ventre, sans savoir si ce jour sera celui d’un attentat, avec le macabre décompte de journalistes assassinés auxquels nous avons juré fidélité, ou de l’arrestation d’un reporter ou de la censure du journal. C’était notre droit et notre devoir de nous battre pour préserver notre espace d’indépendance, même si nous n’étions pas totalement compris, lorsqu’au plus fort de la violence islamiste, El Watan insistait pour que la question des droits de l’homme soit à l’ordre du jour. Face à tous les périls, nous nous battions pour faire sortir le journal tous les jours. Nous étions à la fois la proie du terrorisme intégriste, mais aussi l’une des cibles privilégiées du pouvoir.

    La détermination et la résistance ont forgé la personnalité d’El Watan. Nous sommes toujours habités par cette profonde conviction que le journalisme indépendant joue un rôle essentiel dans notre société.Dès les premiers mois du lancement du titre, la lancinante question de la santé financière du journal était posée. Un journalisme critique ne peut pas dépendre de l’Etat pour l’impression, la publicité et la diffusion du journal.

    Nous avons pris conscience, au fil des épreuves, que l’indépendance éditoriale ne peut être assurée que par une autonomie financière. Les pressions politiques, celles des puissances d’argent et des milieux d’affaires sont inévitables. Le besoin de construire une entreprise de presse sur des bases matérielles et industrielles solides nous a conduits à mobiliser des ressources financières appréciables, qui s’est matérialisé par l’achat de rotatives en partenariat avec El Khabar, bon nombre de titres de la presse algérienne sont d’ailleurs aujourd’hui tirés dans ces imprimeries qui sont gérées selon les règles commerciales et financières les plus strictes.

    Notre parcours est fondé sur le labeur au quotidien. El Watan est né et a grandi dans une culture de la résistance et de l’indépendance, pour que les règles d’or du journalisme d’information, à savoir l’honneteté, la précision, l’équilibre et l’impartialité soient une réalité dans notre pays.

    20 ans après, ce parcours prend un nouvel élan...

    Omar Bélhouchet

    Lire et écrire l’Histoire
    Benjammin Stora
    le 07.10.10 | 03h00


    Au moment où apparaît le quotidien El Watan dans le paysage journalistique algérien en 1990, la situation a changé, liée à la crise du système du parti unique, en octobre 1988.

    Dès lors, des approches nouvelles, diversifiées, devenaient possibles, confortées par les retrouvailles avec des acteurs longtemps relégués dans l’ombre, et qui ont commencé à revenir sur le- devant de la scène. Ce moment de naissance du journal est fondamental. Dans le registre de l’écriture de l’histoire, je me souviens, par exemple, de la une d’El Watan dans les mois qui ont suivi son lancement : «Faut-il réhabiliter Messali Hadj ?»

    Au même moment, de l’autre côté de la Méditerranée, la France s’est trouvée dans l’obligation de regarder son histoire coloniale, d’abandonner les arguments de confort qui avaient permis de justifier le silence sur ce qui s’était passé réellement pendant la guerre d’indépendance. Cette étape nouvelle va se prolonger, entrer en résonance avec le drame que l’Algérie a traversé dans les années 1990. Avec ses victimes innombrables, cette tragédie obligera les Algériens à s’interroger sur la généalogie de la violence. Et cette interrogation ne sera pas sans effet sur la mémoire française, conduite à sortir de sa torpeur et à s’interroger sur d’anciennes violences, sur sa part de responsabilité dans la violence algérienne par l’irruption ancienne du projet colonial.

    Vingt ans après, le processus très complexe de retour vers l’histoire, en Algérie, qui passe toujours par la médiation du politique, marque la période récente. Parmi les signaux émis, il est significatif de lire dans la presse, et particulièrement dans El Watan, sous un angle historien et critique, la question de la présence des femmes dans les maquis (présence qui constitue une transgression par rapport au mode de vie algérien), la guerre cruelle entre les partisans de Messali Hadj (le MNA) et ceux du FLN, ou les débats autour de personnalités comme Amirouche…

    L’enjeu désormais est toujours, vingt ans après, de savoir si cette partie de mémoire, à revisiter de manière critique, peut être intégrée dans les ouvrages d’histoire, enseignés dans les écoles algériennes. L’écriture de l’histoire, qui visait à légitimer les pouvoirs établis en Algérie, a désormais historiquement atteint ses limites. Depuis quelque temps déjà, à l’intérieur même des institutions, dans les universités algériennes, les travaux de recherches ont brisé cet encerclement du champ historique. La publication d’ouvrages d’historiens en Algérie, longtemps interdits, ou la tenue de colloques, sur les massacres du 20 août 1955 ou de mai 1945, mais aussi sur les grandes figures du nationalisme algérien, comme Ferhat Abbas, participent de ce processus d’une nouvelle écriture de l’histoire.

    Je me souviens particulièrement du moment d’émergence d’El Watan, pour une autre raison. A partir de 1990, mon passage à un autre type de travail d’historien s’opère avec plusieurs ouvrages comme La gangrène et l’oubli, la mémoire de la guerre d’Algérie, en 1991, ou Les imaginaires de guerre en 1997 ou comment la mémoire par les images fabrique un stock de souvenirs liés à la guerre du Viêt-Nam et à la guerre d’Algérie, à travers la fiction, le cinéma. Ces deux ouvrages, depuis, ont été publiés en Algérie (avec une préface d’Hassan Rémaoun).

    Cette année 1990, j’ai également achevé ma thèse d’Etat en lettres et sciences humaines, sous la direction de Charles Robert Ageron, portant sur L’histoire politique de l’immigration en France. Commencée en 1986, elle sera soutenue à l’université de Créteil en février 1991. Et dans cette année très particulière, je me «lance» aussi dans la réalisation de films, de documentaires, comme Les années algériennes qui sera diffusé en 1991. Je voulais faire l’histoire de façon différente, à partir de la mémoire et des images, être plus que jamais un historien sortant des sentiers battus de la seule source écrite. Sans cette mémoire vivante et visuelle des années de la guerre d’indépendance algérienne, les « événements» que nous vivions, en France comme en Algérie, restaient indéchiffrables. Et, par conséquent, sans remède.

    Comment, dans ces conditions, vingt ans après, poursuivre ce travail ? Un journal comme El Watan, en donnant régulièrement la parole aux chercheurs et aux historiens de cette période joue un grand rôle, de premier plan.




    http://www.univ-paris13.fr/benjaminstora/

    Benjamin Stora

  • #2
    Et aussi ....

    El Watan sur deux fronts
    Jean-François Kahn

    le 07.10.10 | 03h00



    La difficulté, mais qui fait aussi l’héroïsme, c’est d’être capable, sans fléchir, de se battre sur deux fronts, c’est-à-dire d’affronter une horreur sans démissionner pour autant devant une injustice, de dire non à la terreur sans cautionner la forfaiture, et de refuser à la fois la terreur qui prétend être une réponse à la forfaiture et la forfaiture qui utilise comme alibi la terreur.

    Ainsi furent ces anti-staliniens qui ne manifestèrent jamais la moindre faiblesse face au fascisme et ces anti-fascistes qui ne justifièrent jamais le stalinisme. En ce sens votre journal a été un exemple. Il a su, sans faiblir, lutter contre une colossale perversion sans renoncer à son action contre d’autres perversions, fussent-elles moindre. Il a su représenter, au milieu des pires difficultés, ce que doit être une presse indépendante et libre.

    A tous il nous a fait honneur !
    Jean-François Kahn (Journaliste, fondateur de Marianne)

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    • #3
      Je ne sais pas comment était El Watan à son début mais actuellement, je n'adhère pas du tout. Populiste, approximatif et peu convaincant je trouve

      Comme malheureusement une bonne partie de la presse algérienne à quelques rares exceptions près.

      C'est rageant de voir un outil si précieux et relativement libre d'écrire à sa guise si mal employé.
      « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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      • #4
        C'est un grand journal, j'aim bcp belhouchet le verbe fluide l'esprit clair et les analyses toujours pertinentes.

        Mais, c'est un journal qui devient de plus une entreprise économique.

        J'aurais aimé qu'il investisse dans la formation de ses journalistes que de lancer la construction de son nouveau siege.

        Les journalistes de l'edition electronique d'el watan sont une vraie catastrophe.
        « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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        • #5
          zakia


          il faut faire la difference entre sa version papier et sa version electronique.
          « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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          • #6
            Je l'aimais bien aux tous débuts...
            Il est devenu un journal comme les autres.
            Belhouchet a beaucoup changé aussi.

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            • #7
              il faut faire la difference entre sa version papier et sa version electronique.
              Les deux versions ne sont pas les mêmes?
              « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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              • #8
                C'était la crème de la presse écrite nationale. Avec El Khabar, ils avaient le plus grand nombre de lectorat. Mais depuis quelques temps (2 ans à peu près), il me semble que la facilité l'emporte sur le travail de fond.

                Maintenant si vous dîtes que la version électronique est différente de la version papier ! Je ne sais plus quoi dire...Sauf que cela n'est pas normal du tout.
                "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
                Socrate.

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