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Turquie-Allemagne : Le président allemand tente l’apaisement

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  • Turquie-Allemagne : Le président allemand tente l’apaisement

    En visite officielle de quatre jours en Turquie, Christian Wulff a salué le rôle joué par les Turcs en Allemagne après les propos de la chancelière Angela Merkel sur l’échec du modèle «multiculti» en Allemagne. Les Turcs d’Allemagne revenus au pays témoignent

    Pas de vague ni de déclaration fracassante, le président Christian Wulff a tenté de calmer le jeu lors de sa première journée de visite officielle en Turquie. Alors que son pays débat avec passion de la place des étrangers, et notamment des 2,5 millions de Turcs, le chef de l’Etat allemand a certes évoqué certains problèmes d’intégration et la peur du fondamentalisme religieux, mais il a surtout salué le rôle joué par les citoyens d’origine turque dans le développement économique de son pays. Contrairement aux propos de la chancelière Angela Merkel samedi, il n’a donc pas dénoncé le modèle multiculti de son pays, mais appelé Berlin et Ankara à œuvrer «de concert» pour développer l’amitié entre leurs deux peuples.

    Ces propos mesurés tombent à pic, mais auront du mal à rassurer une opinion publique turque qui observe avec une certaine déception l’actuel débat sur la place des étrangers. «La communauté turque a besoin de reconnaissance et de respect», commente Nail Alkan, un académicien qui a passé vingt-quatre années en Allemagne avant de rentrer en Turquie. «Ces gens ont travaillé durant trente ou quarante ans dans ce pays. Même s’il y a des problèmes, on peut dire qu’ils ont fait du bon boulot. Il était nécessaire que le président Wulff salue leur rôle tout comme l’existence de l’islam comme l’une des composantes de la société allemande.»

    Alors que le débat fait rage à Berlin, on assiste sur le terrain à un renversement de tendance migratoire depuis quelques années. Selon le Bureau des statistiques fédérales, si 30 000 Turcs ont émigré vers l’Allemagne en 2009, 40 000 personnes ont quitté ce pays pour s’installer en Turquie. Parmi elles se trouvent des retraités, mais aussi de jeunes diplômés attirés par le boom économique de la Turquie (Ankara table sur plus de 6% de croissance en 2010). Or, le débat sur la place des étrangers pourrait bien accélérer ce processus migratoire. «Ceux qui rentrent ne veulent plus se satisfaire du deuxième ou du troisième rang. Ils veulent être au premier rang», constate Nail Alkan, qui a créé une association à Ankara pour soutenir ces nouveaux migrants.

    Dans son immense bureau du quartier d’Usküdar à Istanbul, Emine Sahin confirme ce point de vue. Cette architecte de 38 ans a elle aussi choisi de s’installer en Turquie, il y a quatre ans, «pour faire carrière». «Mes amis d’université ont presque tous changé de branche. L’un d’eux est chauffeur de taxi, une autre directrice de crèche. Moi, j’ai refusé d’abandonner mon rêve.» Cette jeune femme active et rieuse, au léger accent allemand, a vécu jusqu’à l’âge de 34 ans à Francfort avec ses parents, eux-mêmes partis travailler dans le secteur du bâtiment dans les années 1970. A l’époque, en accord avec Ankara, l’Allemagne recrute à tour de bras afin de faire face à sa pénurie de main-d’œuvre. Aujourd’hui, Emine Sahin regarde de loin cette nouvelle polémique. «C’est vrai qu’il y a un problème d’intégration. Mais ce n’est pas nouveau! Il aurait fallu prendre le mal à la racine, il y a des années de cela. Par exemple, l’Etat devrait aider davantage les enfants en difficulté, car n’oublions pas que leurs parents sont partis en Allemagne sur invitation! Il ne faut pas les diriger dès leur plus jeune âge vers des voies de garage.»

    Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lui-même participé à la polémique en appelant Berlin à ouvrir des établissements en langue turque et en dénonçant l’assimilation comme un «crime contre l’humanité». «Erdogan ne joue pas un rôle très positif dans ce débat», constate Ayhan Kaya, professeur à l’Université Bilgi d’Istanbul. «Pour le premier ministre, les cultures sont des entités statiques qui ne doivent pas interagir entre elles. Cela ne favorise ni la mixité ni l’interaction. Quand il intervient, il place les Turcs dans une perspective plus religieuse, ce qu’Angela Merkel fait aussi. Conséquence, les migrants sont poussés à mettre davantage en évidence leur identité religieuse.»

    Recep Tayyip Erdogan serait-il un obstacle à l’intégration des Turcs d’Allemagne? C’est ce que pense Ahmet Kesici, un professeur d’allemand, rentré de Hambourg en 2005 pour s’installer à Istanbul. «Il ne veut ni assimilation ni intégration des Turcs. Il veut seulement bénéficier d’un lobby musulman fort en Europe.»

    Les Turcs n’ont toutefois pas attendu que le débat éclate de l’autre côté du Bosphore pour polémiquer sur le rôle que devraient jouer les Turcs d’Allemagne. La nouvelle star du football européen, Mesut Özil, a récemment fait les frais de ces incessants débats lorsqu’il a été accusé de «trahison» envers la Turquie pour avoir fait partie de la Mannschaft au Mondial 2010.

    Cette polémique aura-t-elle des conséquences sur les relations entre Ankara et Berlin? Les présidents Abdullah Gül et Christian Wulff ont tenté hier de rassurer en répondant par la négative. Vendredi, ils poseront ensemble la première pierre d’une université turco-allemande à Istanbul, symbole de leur «amitié renforcée».

    PAR DELPHINE NERBOLLIER, ISTANBUL
    LE TEMPS 20/10/2010
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence
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