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Angoisse aérodynamique

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    Angoisse aérodynamique
    par Kamel Daoud

    Rien à se mettre sous la dent unique de la presse privée. Sauf peut-être le FLN et son Belkhadem. On y force même le casting en parlant d'une « crise », d'un redressement des redresseurs ou d'une sorte de fin délinquante du plus vieux parti du pays, auteur d'une libération mais coauteur d'une mascarade.

    Le chroniqueur l'a dit un jour : avec ce genre de parti, de Gaulle aurait gagné sa guerre avec un kilo de banane en guise de Plan de Constantine. Donc, évitons de voir ce qui se passe dans ce parti, à l'occasion du renouvellement de ses kasmate, quelque chose qui soit de l'ordre de l'évènement. C'est juste une preuve de la canaillerie.

    D'où la question du matin : qu'est-ce qui fait l'évènement ces jours-ci ? Rien. Tellement et si bien que cela a réactivé une attitude nationale : l'attente du pire quand rien ne se passe. Une angoisse aérodynamique. Car la règle est qu'il est impossible, mécaniquement, que Rien ne se passe. Il faut impérativement une manœuvre dans la manœuvre, un plan, une tension dramatique qui fasse vibrer les apparences. C'est la vision du Pouvoir comme volonté et comme représentation du monde, pour reprendre un Schopenhauer local.

    Le Pouvoir en Algérie ne peut pas se reposer comme un thé, avoir une pause et se contenter d'un statu quo et d'un consensus. Il faut que le Pouvoir « veut ». Sinon, que serions-nous ? C'est ce qui a poussé les « observateurs », ce club décaféiné qui sert de point d'ancrage à la conversation du monologue, à s'inventer une sorte de prochain bouleversement étatique annoncé dans quelques mois.

    Le peuple fonctionnant sur le même mode que les chancelleries occidentales : en attente, l'oreille sur le rail. D'ailleurs, le peuple est une ambassade étrangère anonyme dans son propre pays depuis des décennies. Sans l'immunité ni le barbelé. Cette attente fondamentale est vécue sur le même mode que la névrose : si vous l'enlevez à son porteur, il est obligé d'assumer sans condition, de revenir au travail, de se remettre sur le créneau des obligations de sa citoyenneté et de retrousser ses manches pour creuser sa route : le Pouvoir est une canaille, mais il se trouve qu'on a besoin de son encanaillement pour justifier notre démission permanente. Qu'on n'aille pas crier au contraire : on sait tous que c'est vrai.

    Le jour où le Pouvoir deviendra une démocratie sera un jour de terrible guérison et de retour désastreux aux obligations. Car ce sentiment d'échec et de déni de soi et des siens est devenu une accoutumance : lisez un peu les réactions dans tous les blogs du monde des Algériens en ce qui concerne l'Algérie.

    On dirait qu'il s'agit d'une même et seule personne ou, tout au plus, d'une personne et de son contradicteur : « A bas le pouvoir, tous pourris, c'est un pays malheureux». A quoi répond : «Dieu est de notre côté, l'Islam est la solution, Vive le MAK, à bas les francophiles, tous pourris ...», etc.

    Rares ceux qui, entre les deux, plantent un arbre ou ramasse un sachet bleu. On est devenu tous prophètes et avec la même tare: ne voir que l'avenir et jamais le présent. Ne voir que la fin du monde, pas le monde lui-même.

    par Kamel Daoud - Le Quotidien d'ORAN - 21/10/2010
    Dernière modification par absent, 21 octobre 2010, 13h52.
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