Safia, Hayat et Fatima* ont subi les pires tortures de la part de leurs maris. A travers leurs histoires, on comprend l’utilité d’un foyer d’hébergement des femmes battues comme le centre Tilila. Reportage.
Le centre Tilila pour les femmes en situation de détresse a des allures d’hacienda mexicaine : espace ouvert, grand jardin et architecture coloniale rurale. La villa à la périphérie de Casablanca est « le seul établissement qui héberge des femmes victimes de violence conjugale dans une région qui compte plus de 8 millions d’âmes », annonce d’emblée Mouna Chemmakh, la directrice des lieux. Cet établissement a accueilli 409 femmes et 416 enfants depuis sa création en 2006. Le principe est simple : quand un centre d’écoute fait état d’un cas de violence insoluble, la femme est dirigée vers Tilila (liberté en amazigh) qui s’occupe de l’hospitalisation et de la prise en charge de la victime (logement et nourriture) en attendant de trouver une solution : enclencher une procédure de divorce ou un règlement à l’amiable. La capacité d’hébergement se limite à 20 lits, mais le centre accueille la plupart du temps plus de 40 femmes qui viennent bien entendu avec leurs enfants, quitte à se serrer un peu. Les femmes qui y séjournent ont toutes une histoire tragique à raconter. Elles sont ici pour se reconstruire, reprendre leur vie en main ou, parfois, échapper à une mort certaine. Fatima, 22 ans, est originaire du monde rural. Employée de maison dès l’âge de 11 ans, mariée par ses parents à 17 ans, cette frêle jeune femme qui a déjà 2 enfants (3 ans et 10 mois) n’a pas eu la vie facile. Son mari a commencé à la battre dès le huitième jour de mariage. Et de la pire des manières.
« Il me forçait à avoir des pratiques sexuelles perverses »
« Il est électricien. Pour me punir, il avait l’habitude de me lier les mains avec du fil électrique avant de me frapper. Quand je m’évanouissais, il versait un seau d’eau sur ma tête. Il me forçait aussi à avoir des pratiques sexuelles perverses », nous confie-t-elle en sanglots. Ce n’est qu’après une tentative de suicide que Fatima décide de franchir le pas et de contacter le centre Tilila dont elle a entendu parler dans son entourage. « Un jour, en voulant me frapper, il s’est trompé et c’est ma fille qui a pris le coup. Devant cette horreur, je me suis jetée du deuxième étage. J’ai passé 3 jours à l’hôpital et depuis, je suis une autre personne. » Loin d’être inquiété, le mari de Fatima exige de son épouse qu’elle abandonne la pension alimentaire qu’il doit en principe reverser si jamais un divorce est prononcé. Pour l’heure, le dossier vient d’être déposé en justice et Fatima essaye un tant soit peu de revenir à une vie normale en participant aux ateliers du centre Tilila (broderie, cuisine et alphabétisation).
Hayat, 28 ans, 2 enfants, a pour sa part fait des études. Cela lui a surtout servi à entretenir son époux depuis 2003. « J’ai un niveau bac, mon mari ne m’a pas laissé finir mes études. Au début, tout allait bien. Il travaillait avec sa famille dans une usine de chaussures. Mais quand la fabrique a fait faillite, il a refusé de chercher du travail et j’ai dû tout faire à sa place », nous confie-t-elle.
Son travail d’animatrice dans une grande surface ne lui suffisait pas pour payer les montagnes de mois de loyer qui s’accumulaient et la nourriture. « On se faisait virer de tous les appartements qu’on louait. Parfois la police intervenait pour nous chasser. Il ne voulait rien savoir, il m’obligeait même à lui acheter du haschisch. Je restais parfois dans la rue jusqu’à 22 h pour en acheter chez les dealers. Quand j’avais le malheur de rentrer sans, il me battait. J’ai même dû mendier à plusieurs reprises pour ne pas revenir bredouille », raconte Hayat.
Leur fils, Karim (5 ans), garde encore les séquelles de la violence quotidienne qu’il subissait, au même titre que sa mère. « Quand il est arrivé, il avait le visage tuméfié à causes de coups de sandale que lui assénait son père. S’il était victime, l’enfant était lui-même très agressif. Il frappait, crachait, jurait… sur sa propre mère », se rappelle Aïcha, assistante sociale du centre. « C’est malheureusement fréquent, précise Fatim-Zohra, psychologue à Tilila. Non seulement la femme est détruite et a tendance à reproduire la violence sur l’enfant, mais ces derniers, qui présentent également des problèmes psychologiques, finissent par adopter le comportement agressif de leurs parents. »
« Il me séquestrait »
Autre histoire, même destinée. Celle de Safia, 31 ans, mère d’une fille d’un an. Cette fois-ci, c’est la jalousie maladive du mari qui s’est avérée dévastatrice. « Il m’insultait, me frappait si j’avais juste le malheur de m’approcher de trop près de la fenêtre. Il me séquestrait dans la chambre qu’on louait. Je n’avais même pas accès aux toilettes », se souvient la jeune femme, privée à l’époque de son travail d’ouvrière dans la confection. La famille de Safia était la source de tous les maux pour le mari indélicat. Il a même déménagé pour s’en éloigner et ainsi maintenir son emprise sur sa femme. « Après un an de torture, j’ai décidé de fuir en emmenant avec moi uniquement les papiers de ma fille. Avant qu’il ne devienne violent, on habitait à côté du tribunal de Aïn Sebaâ. Je me rappelle encore ses commentaires quand il voyait les cas de femmes battues : ‘‘Un homme qui bat sa femme n’est pas un homme. ’’ Je ne pensais pas une seconde que cela m’arriverait », explique Safia.
Le seul point positif dans le malheur de ces femmes, c’est qu’elles ont aujourd’hui appris à se défaire de l’autorité maritale et à se prendre en charge. Safia, Hayat et Fatima ont échappé à la torture et ont l’intention de travailler pour assurer un avenir à leurs enfants. Mais qu’en est-il des milliers d’autres victimes qui n’ont pas la chance de connaître le centre ? Celles qui habitent loin ou qui ne trouvent tout simplement pas de place ?
Zakaria Choukrallah
* Afin de préserver l’anonymat des victimes citées, actuel a pris la liberté de changer leurs prénoms.
PS : je poste l'article parce qu'il est intéressant et non parce qu'il se passe au Maroc.
Malheureusement, ces situations se retrouvent à peu près partout dans le monde musulman où la femme a parfois autant de droits qu'un chien...
Le centre Tilila pour les femmes en situation de détresse a des allures d’hacienda mexicaine : espace ouvert, grand jardin et architecture coloniale rurale. La villa à la périphérie de Casablanca est « le seul établissement qui héberge des femmes victimes de violence conjugale dans une région qui compte plus de 8 millions d’âmes », annonce d’emblée Mouna Chemmakh, la directrice des lieux. Cet établissement a accueilli 409 femmes et 416 enfants depuis sa création en 2006. Le principe est simple : quand un centre d’écoute fait état d’un cas de violence insoluble, la femme est dirigée vers Tilila (liberté en amazigh) qui s’occupe de l’hospitalisation et de la prise en charge de la victime (logement et nourriture) en attendant de trouver une solution : enclencher une procédure de divorce ou un règlement à l’amiable. La capacité d’hébergement se limite à 20 lits, mais le centre accueille la plupart du temps plus de 40 femmes qui viennent bien entendu avec leurs enfants, quitte à se serrer un peu. Les femmes qui y séjournent ont toutes une histoire tragique à raconter. Elles sont ici pour se reconstruire, reprendre leur vie en main ou, parfois, échapper à une mort certaine. Fatima, 22 ans, est originaire du monde rural. Employée de maison dès l’âge de 11 ans, mariée par ses parents à 17 ans, cette frêle jeune femme qui a déjà 2 enfants (3 ans et 10 mois) n’a pas eu la vie facile. Son mari a commencé à la battre dès le huitième jour de mariage. Et de la pire des manières.
« Il me forçait à avoir des pratiques sexuelles perverses »
« Il est électricien. Pour me punir, il avait l’habitude de me lier les mains avec du fil électrique avant de me frapper. Quand je m’évanouissais, il versait un seau d’eau sur ma tête. Il me forçait aussi à avoir des pratiques sexuelles perverses », nous confie-t-elle en sanglots. Ce n’est qu’après une tentative de suicide que Fatima décide de franchir le pas et de contacter le centre Tilila dont elle a entendu parler dans son entourage. « Un jour, en voulant me frapper, il s’est trompé et c’est ma fille qui a pris le coup. Devant cette horreur, je me suis jetée du deuxième étage. J’ai passé 3 jours à l’hôpital et depuis, je suis une autre personne. » Loin d’être inquiété, le mari de Fatima exige de son épouse qu’elle abandonne la pension alimentaire qu’il doit en principe reverser si jamais un divorce est prononcé. Pour l’heure, le dossier vient d’être déposé en justice et Fatima essaye un tant soit peu de revenir à une vie normale en participant aux ateliers du centre Tilila (broderie, cuisine et alphabétisation).
Hayat, 28 ans, 2 enfants, a pour sa part fait des études. Cela lui a surtout servi à entretenir son époux depuis 2003. « J’ai un niveau bac, mon mari ne m’a pas laissé finir mes études. Au début, tout allait bien. Il travaillait avec sa famille dans une usine de chaussures. Mais quand la fabrique a fait faillite, il a refusé de chercher du travail et j’ai dû tout faire à sa place », nous confie-t-elle.
Son travail d’animatrice dans une grande surface ne lui suffisait pas pour payer les montagnes de mois de loyer qui s’accumulaient et la nourriture. « On se faisait virer de tous les appartements qu’on louait. Parfois la police intervenait pour nous chasser. Il ne voulait rien savoir, il m’obligeait même à lui acheter du haschisch. Je restais parfois dans la rue jusqu’à 22 h pour en acheter chez les dealers. Quand j’avais le malheur de rentrer sans, il me battait. J’ai même dû mendier à plusieurs reprises pour ne pas revenir bredouille », raconte Hayat.
Leur fils, Karim (5 ans), garde encore les séquelles de la violence quotidienne qu’il subissait, au même titre que sa mère. « Quand il est arrivé, il avait le visage tuméfié à causes de coups de sandale que lui assénait son père. S’il était victime, l’enfant était lui-même très agressif. Il frappait, crachait, jurait… sur sa propre mère », se rappelle Aïcha, assistante sociale du centre. « C’est malheureusement fréquent, précise Fatim-Zohra, psychologue à Tilila. Non seulement la femme est détruite et a tendance à reproduire la violence sur l’enfant, mais ces derniers, qui présentent également des problèmes psychologiques, finissent par adopter le comportement agressif de leurs parents. »
« Il me séquestrait »
Autre histoire, même destinée. Celle de Safia, 31 ans, mère d’une fille d’un an. Cette fois-ci, c’est la jalousie maladive du mari qui s’est avérée dévastatrice. « Il m’insultait, me frappait si j’avais juste le malheur de m’approcher de trop près de la fenêtre. Il me séquestrait dans la chambre qu’on louait. Je n’avais même pas accès aux toilettes », se souvient la jeune femme, privée à l’époque de son travail d’ouvrière dans la confection. La famille de Safia était la source de tous les maux pour le mari indélicat. Il a même déménagé pour s’en éloigner et ainsi maintenir son emprise sur sa femme. « Après un an de torture, j’ai décidé de fuir en emmenant avec moi uniquement les papiers de ma fille. Avant qu’il ne devienne violent, on habitait à côté du tribunal de Aïn Sebaâ. Je me rappelle encore ses commentaires quand il voyait les cas de femmes battues : ‘‘Un homme qui bat sa femme n’est pas un homme. ’’ Je ne pensais pas une seconde que cela m’arriverait », explique Safia.
Le seul point positif dans le malheur de ces femmes, c’est qu’elles ont aujourd’hui appris à se défaire de l’autorité maritale et à se prendre en charge. Safia, Hayat et Fatima ont échappé à la torture et ont l’intention de travailler pour assurer un avenir à leurs enfants. Mais qu’en est-il des milliers d’autres victimes qui n’ont pas la chance de connaître le centre ? Celles qui habitent loin ou qui ne trouvent tout simplement pas de place ?
Zakaria Choukrallah
* Afin de préserver l’anonymat des victimes citées, actuel a pris la liberté de changer leurs prénoms.
PS : je poste l'article parce qu'il est intéressant et non parce qu'il se passe au Maroc.
Malheureusement, ces situations se retrouvent à peu près partout dans le monde musulman où la femme a parfois autant de droits qu'un chien...
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