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Palestiniens:le Pouvoir De Dire Non

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    LE POUVOIR DE DIRE NON
    par Jeff Halper (anthropologue israélien)
    21/03/06

    Alors que le nouveau gouvernement Hamas prend le pouvoir au sein de l'Autorité Palestinienne, on ne peut que se demander : Qu'est-ce qui a amené un peuple, le plus séculaire parmi les populations arabes et n'ayant qu'une courte histoire avec le fondamentalisme religieux, à voter Hamas ? Il est trop facile de l'expliquer comme une simple forme de protestation liée à l'inefficacité du Fatah en matière de négociations comme à sa corruption interne. Tout en prévenant le Hamas que leur vote n'était pas constitutif d'un blanc-sein pour imposer en Palestine un régime théocratique inspiré de l'Iran, les Palestiniens impuissants ont choisi la seule option qui leur restait, puisque toutes les autres issues leur étaient fermées : celle de la non-coopération.

    Gandhi l'a exprimé mieux que quiconque : "Comment peut-on contraindre quiconque à accepter d'être un esclave ? Je refuse tout simplement d'exécuter le souhait de mon maître. Il peut me torturer, me briser les os, et même me tuer. Il aura alors mon corps mort, mais pas mon obéissance. Ainsi, à la fin, c'est moi qui serai le vainqueur et pas lui, puisqu'il n'aura pu me contraindre à faire ce qu'il voulait.
    La non-coopération est dirigée non contre... les gouvernants, mais contre le
    système qu'ils administrent. Le fondement de la non-coopération repose non pas dans la haine, mais dans la justice."

    La non-coopération, qui est peut-être la forme la plus efficace de résistance
    non-violente, surgit lorsque les opprimés n'ont d'autre voie pour obtenir leurs
    droits et atteindre la liberté. Puisque ce sont la communauté internationale,
    les USA, Israël et aussi, oui, le Fatah, qui ont fermé toutes les issues pour les
    Palestiniens, à eux donc de porter le "poids" du succès du Hamas. C'est vers eux que ce message électoral des Palestiniens s'adresse : "Ras-le-bol de vous tous !"

    Ras-le-bol d'une communauté internationale qui refuse aux Palestiniens tout
    recours au droit international et aux conventions sur les droits humains. Si seulement la 4ème Convention de Genève avait été appliquée, Israël n'aurait même pas pu commencer à bâtir l'Occupation. Le droit international définit l'occupation comme une
    situation militaire temporaire qui ne doit trouver de solution qu'à travers la
    négociation. En conséquence, il est interdit à une puissance occupante telle
    qu'Israël de prendre toute mesure unilatérale conduisant à un contrôle
    permanent. En sus de ses bases militaires, tout ce sur quoi repose l'Occupation israélienne est
    illégal, comme par exemple : les colonies et la construction d'un vaste système routier réservé aux Israéliens et reliant les colonies de Cisjordanie à Israël proprement dit ; l'extension aux territoires palestiniens occupés du régime juridique et planification propres à Israël ; le pillage des ressources
    palestiniennes telles que l'eau pour les besoins israéliens ; la démolition des
    maisons et l'expropriation de terres palestiniennes ; l'appauvrissement délibéré
    de la population palestinienne ; les opérations militaires à l'encontre de la
    population civile. Même lorsque la Cour Internationale de Justice de La Haye a
    jugé illégale la contruction de la "Barrière de séparation", jugement suivi d'une
    ratification par l'Assemblée Générale (de l'ONU - ndt), rien n'a été fait pour
    en arrêter la construction.

    Ras-le-bol des Etats-Unis, qui ont bloqué les négociations menant au
    rétablissement des droits des Palestiniens, permettant ainsi à Israël de pérenniser son Occupation.
    Dès le début du "processus de paix" d'Oslo, et à la demande expresse d'Israël,
    les USA ont reclassifié les territoires palestiniens du statut "d'occupés" à celui
    de "disputés", empêchant ainsi le droit international de former la base des
    négociations et en laissant les Palestiniens démunis d'un tel droit. Si le doit
    international avait été respecté, l'Occupation se serait écroulée d'elle-même
    sous
    le poids de sa propre illégalité. Mais dès lors que le pouvoir du plus fort est
    devenu la base des négociations, Israël a aisément écrasé les Palestiniens. A ce
    jour, les Palestiniens n'ont rien à espérer des négociations. Avec les USA qui
    soutiennent l'unilatéralisme israélien et utilisent le véto à l'ONU comme moyen
    de
    neutralisation de toute voie menant à une issue du conflit, et avec la passivité
    des
    Européens, les Palestiniens sont coupés de tout.

    Ras-le-bol d'Israël qui, par son expansionnisme dans les zones palestiniennes, a
    bloqué jusqu'à la possibilité d'un Etat palestinien viable. Le monde dans son
    entier
    n'a pas mesuré "l'offre généreuse" des Palestiniens : la reconnaissance de
    l'Etat
    d'Israël dans ses frontières de 1967 contre un Etat palestinien dans les
    Territoires
    Occupés. Ou, pour s'exprimer autrement, un Etat d'Israël sur 78 % de la
    Palestine
    historique, et les Palestiniens (qui sont maintenant majoritaires dans le pays)
    acceptant un Etat sur seulement 22 % de celle-ci. Avec le soutien des USA et la
    complicité de la communauté internationale, Israël est maintenant en mesure de
    rendre son Occupation permanente et d'isoler les Palestiniens dans un
    Etat-prison
    coupé en cinq "cantons", tous contrôlés par Israël. Pas de frontières, pas de
    liberté de mouvement, pas d'eau, pas d'économie viable, pas de Jérusalem, pas de
    possibilité d'offrir un avenir plein d'espoir à une jeunesse palestinienne
    traumatisée, brutalisée, sous-éduquée, et appauvrie.

    Et ras-le-bol du Fatah qui, en sus de favoriser la corruption, n'a pas
    véritablement
    poursuivi un dessein national visant à l'auto-détermination. L'Autorité
    Palestinienne a géré ses affaires loin du peuple, et a été incapable d'apporter
    un
    soutien matériel et moral aux victimes des attaques israéliennes et de la
    politique
    de démolition des maisons. La plupart des Palestiniens n'ont pas voté Hamas
    (seulement 44 % l'ont fait), donc la porte n'est pas définitivement fermée au
    Fatah
    qui devra tirer la leçon de son échec, c'est en tout cas ce que la plupart des
    Palestiniens semblent espérer.

    De fait, ce vote en faveur du Hamas ne représente pas une porte qui s'est
    refermée,
    mais une affirmation forte et rationnelle de non-coopération quant à un
    processus
    politique qui ne conduit qu'à l'enfermement des Palestiniens. Le Hamas, à tout
    le
    moins, s'en tient à la fermeté, au "sumud", au refus de céder. Ce conflit est
    trop
    déstabilisant pour tout le monde pour le laisser encore suppurer, disent les
    Palestiniens. Vous pouvez nous imposer à tous un système d'apartheid, nous
    condamner
    sur le thème de la violence tout en refusant de voir le Terrorisme d'Etat
    pratiqué
    par Israël, développer votre programme lié à l'Empire américain et vos idées sur
    le
    "clash des civilisations", mais nous, les Palestiniens, nous ne céderons pas.
    Nous
    ne coopérerons pas. Nous ne participerons plus à vos jeux truqués. Et à la fin,
    malgré votre puissance, vous viendrez à nous pour demander la paix. Alors, nous
    serons prêts pour une paix juste qui respecte les droits de tous les peuples de
    la
    région, y compris des Israéliens. Mais vous ne nous vaincrez pas.

    En tant que Juif Israélien qui constate combien l'Occupation a sapé les
    fondements
    moraux de mon pays et bien sûr de tout mon peuple, et en tant qu'habitant
    d'Israël-Palestine qui sait combien mon sort est inextricablement lié à celui
    des
    Palestiniens, je prie pour qu'une telle issue arrive au plus vite plutôt que
    trop
    tard.

    (Jeff Halper est le Coordinateur de l'ICAHD - Comité Israélien Contre les
    Démolitions de Maisons. Il peut être joint à <[email protected]>).
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