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De Cerise Maréchaud
"Je n’irai pas à La Mecque"Saphia Azzeddine, écrivaine (AFP)
Antécédents
1980.Naissance à Agadir.1989.Sa famille s’installe en France.1997.Année sabbatique à Houston (Texas).2000.Obtient une licence de sociologie, pour faire plaisir à ses parents.2008.Premier roman, Confidences à Allah, adapté au théâtre.2009.Deuxième roman, Mon père est femme de ménage, qu’elle vient d’adapter au cinéma.2010.Troisième roman, La Mecque-Phuket.
1980.Naissance à Agadir.1989.Sa famille s’installe en France.1997.Année sabbatique à Houston (Texas).2000.Obtient une licence de sociologie, pour faire plaisir à ses parents.2008.Premier roman, Confidences à Allah, adapté au théâtre.2009.Deuxième roman, Mon père est femme de ménage, qu’elle vient d’adapter au cinéma.2010.Troisième roman, La Mecque-Phuket.
Le PV
Elle vit à Paris, elle a 30 ans, elle est talentueuse, intelligente et très, très belle. Donc agaçante ! Non, plutôt attachante, à la voir comme ça au rez-de-chaussée d’un immeuble de Boulogne, silhouette longiligne emmitouflée dans son gilet de laine, et, derrière les lunettes, des yeux en amande fatigués d’avoir trop travaillé. Saphia Azzeddine est à la fois distante et accessible, sûrement érudite, certainement pas pédante. Bon, on aimerait qu’elle rigole un peu plus, comme à la télé. On remballe vite fait les questions pas assez sérieuses ou un peu trop people – pas touche aux amours – et on remballe ses complexes. Ce serait perdre son temps quand elle préfère le prendre, sauf que des fois, il s’accélère : le montage du film, une promo qui en suit une autre, et ce nouveau livre à écrire. Mais ouf, ce soir, le temps va s’arrêter. Dans le taxi qui file le long de la Seine, Saphia Azzeddine se remaquille. Elle va à la Comédie française, voir Andromaque, une tragédie de Racine. On ne demande pas avec qui…
Smyet bak ?
Euh… (rire) Boualem Azzeddine. Je ne parle pas arabe, hein, vous êtes drôle…
Smyet mok ?
Faïza Azzeddine.
Nimirou d’la carte ?
Je ne l’ai pas sur moi.
Ni la française ni la marocaine ?
Aucune, regardez… (Elle fouille dans son sac à main)
Si vous aviez eu les deux, vous m’auriez donné laquelle ?
La marocaine. Ça évitera au douanier de me demander si je n’oublie pas que je suis marocaine malgré mon passeport français ! On me l’a souvent dit.
Quand vous allez au Maroc on vous fait le coup de l’hostilité “MRE / blédard” ?
Non, jamais. En même temps, quand je rentre, je vais presque toujours à Figuig, et là-bas on ne vous embête pas.
Et vous, vous ne vous embêtez pas à Figuig ?
Non, c’est bizarre, je sais. On prend de longs cafés, de longs thés, à 8h du matin, à 11h avec les voisines, après le déjeuner, et surtout le fameux goûter de 17h qui s’étend jusqu’au dîner, on refait le monde.
Et on prend des kilos…
Pas des kilos, plutôt de la cellulite.
Au fait, vous êtes en retard ! (d’une demi-heure) Votre mot d’excuse ?
Eh bien je suis en post-synchro de mon film tiré de mon deuxième livre Mon père est femme de ménage qui sort en salle (en France, ndlr) le 13 avril. Donc je n’ai pas le choix.
Comment s’improvise-t-on réalisatrice ?
Quand votre producteur vous dit qu’il n’y a que vous qui puissiez le faire, vous le croyez sur parole.
Confidences à Allah devait aussi être porté à l’écran, où en est le projet ?
Il doit être tourné en arabe, donc c’est plus compliqué à monter. J’attends d’avoir plus d’expérience pour convaincre des producteurs.
Vous enchaînez les émissions de télé pour la promo du livre. ça tombe bien, ça met aussi en avant votre physique de rêve…
(Silence) J’ai la gueule que j’ai, je ne vais pas m’amocher pour être prise au sérieux. La réalité c’est que, oui, un boudin passera moins à la télé, car il y a une discrimination dans les médias. Après, les émissions de télé, ça fait partie du métier, je ne me pose pas trop de questions. Même si c’est frustrant, car en deux minutes on ne peut pas parler des sujets sensibles que j’aborde. Par exemple on me demande : “Alors qu’est-ce qui est mieux, La Mecque ou Phuket ?”.
J’avoue, j’allais vous poser la question…
A choisir, aujourd’hui, j’irais à Phuket, parce que je suis fatiguée et un peu de vacances ça ne serait pas mal. Quant à La Mecque... Par éducation on est musulman dans la famille, même assez pratiquants, mais j’ai un rapport bizarre avec le culte. Ce n’est pas là que ma foi s’épanouit. Il y a des moments inattendus dans la journée où on se dit “là, Dieu m’envoie un signe”, mais répéter des prières, tout le temps les mêmes, aller à La Mecque, ça ne m’apporte rien. Mon père m’a toujours dit : “Il y a mieux à faire avec cet argent, Dieu comprendra”.
Sinon, ça va mieux ?
Depuis ?
Depuis que vous vous êtes lâchée contre à peu près la terre entière dans La Mecque-Phuket…
Oui je vais beaucoup mieux (sourire). Il y a beaucoup de moi dans Fairouz (l’héroïne), mais plutôt moi au café, avec des copines, quand on trouve que tout va mal. C’est vrai qu’elle se plaint de tout, mais ce n’est pas méchant, à part pour la discrimination positive et Ni Putes ni soumises (mouvement féministe français, constitué après la mort de Sohane Benziane, 17 ans, brûlée vive en 2002, ndlr).
Qu’est-ce que vous avez contre Ni Putes ni soumises ?
Qu’elles le veuillent ou non, ce mouvement rassure la France d’en haut, alors que je suis plutôt pour la terroriser, je parle des politiques évidemment. Dire que le problème des banlieues c’est les pères, les frères, les cousins, c’est malhonnête, trop facile. Le problème est social. Et un mouvement qui est né d’un fait émotif va faire pleurer et non réfléchir.
La Mecque-Phuket parle de la culpabilité, notamment celle des enfants vis-à-vis des parents. Et vous le dédiez à vos “formidables parents”…
J’ai eu des parents extraordinaires, tant mieux. La culpabilité c’est aussi vis-à-vis de soi, de la religion, de la culture, du territoire, chaque jour on ne fait jamais assez bien, on se dénigre tout le temps, apparemment on aurait tous fauté.
Etes-vous mardiat l’walidine ?
On est quatre à l’être. Mais mes parents nous ont élevés pareil, garçons et filles. Corvée de ménage, interdiction de sortir jusqu’à 19 ans. Ils interdisaient mais en expliquant pourquoi. Le non a ses vertus.
Avez-vous eu envie parfois d’un parcours plus trash, plus “vie de la cité” ?
(Remontée) ça veut dire quoi “vie de la cité” ? Et pourquoi ça serait plus trash ? Et puis on ne va pas réclamer les emmerdes quand même ! Je suis ravie d’avoir vécu une enfance heureuse dans un immeuble qui se tient, qui ne sent pas la pisse.
Est-ce qu’aujourd’hui vous osez dire que vous êtes écrivain ?
Oui, depuis peu je ne dis pas seulement “j’écris”, je dis “je suis écrivain”, mais ça ne vient pas facilement non plus.
Pensez-vous avoir progressé depuis votre premier roman ?
Je ne sais pas. Je trace ma route, je travaille, je ne me pose pas trop de questions.
Vos livres vont-ils sortir au Maroc ?
On peut les commander par Internet, les trouver en librairie. Et j’ai même eu un article sur Confidences à Allah dans un journal assez conservateur. On a jugé le livre cru mais pas blasphématoire. Tant mieux. C’est ma religion, jamais je ne la blasphémerai.
Y a-t-il une insulte que vous aimez dire ?
Non… Après les gens ne retiennent que ça… Je ne m’en soucie pas, mais je ne vais pas attiser ce que disent les cons et les connards ! Tiens, voilà, tout ce qui finit en “ard”, “connard”, encore mieux, “espèce de connard” ! Et en arabe, mon père disait souvent “hamar ben lhamar l’akhar”.
Vous venez de jouer dans une comédie, L’Italien…
Je joue la petite sœur de Kad Merad, un Arabe qui se fait passer pour un Italien pour avoir un appartement et un job. Je fais la gueule. Je me suis dit que faire la gueule pendant huit jours sur un tournage et gagner de l’argent, je devrais m’en sortir !
Saphia Azzeddine écrivain, scénariste, réalisatrice, bientôt actrice ?
Non. Sauf si je me fais moi-même tourner un jour.
Et votre prochain livre ?
Ce sera sur un personnage historique, Zénobie, la reine de Palmyre en Syrie, en 250 après Jésus-Christ. La première femme arabe à avoir défié l’Empire romain et pris le pouvoir. Je ne supporte pas quand on dit que les femmes sont plus fragiles ou plus douces que les hommes.
TelQuel
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, chez nous elle trouvera pas facilement de mari
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