Personnellement, ce qui m'interpelle, c'est les "droits" de la défense : interdit de séjour au Maroc pour avoir fait son travail d'avocat...
Quand je pense que l'ancien avocat du FIS s'occupe d'une ONG toujours active en Algérie, je me dis que la situation n'est pas si mauvaise dans ce dernier...
"Hassan II, de Gaulle, Ben Barka, ce que je sais d'eux", de Maurice Buttin : le combat d'une vie
L'histoire, qui restera comme l'une des plus grandes affaires du XXe siècle en France, est connue. Le 29 octobre 1965, l'opposant socialiste marocain Mehdi Ben Barka est enlevé en plein Paris, lors d'une opération organisée par les services marocains avec la complicité de policiers français assistés de malfrats. Mais jamais on ne retrouva le corps, et jamais les circonstances exactes des derniers jours de cette figure tiers-mondiste ne furent établies.
Malmenés par de multiples vraies-fausses "révélations", sa femme et ses cinq enfants, tous résidant en France, à part l'un des fils qui vit en Suisse, sont toujours à la recherche de la vérité, soutenus dans leur quête épuisante par leur avocat français, Maurice Buttin.
Pour le 40e anniversaire de la disparition de Ben Barka, ce dernier retrace le paysage de l'époque, redonne vie aux principaux protagonistes de l'affaire et décrypte l'enquête. Car, comme il l'écrit, "pour tourner une page, il faut d'abord l'avoir lue".
Avec un souci du détail parfois rébarbatif, Me Buttin a rassemblé tous ses documents personnels, les dossiers judiciaires et ses propres souvenirs. Né lui-même au Maroc, à Meknès, en 1928, inscrit au barreau de Rabat en 1954, il a commencé à défendre des nationalistes marocains poursuivis devant des tribunaux ordinaires ou militaires. Jusqu'à "l'affaire", qui l'envoie à Paris défendre sa première plaidoirie.
"Le jour où je franchirai le Rubicon, expose-t-il, c'est-à-dire où je me déplacerai à Paris pour le premier procès dans l'affaire Ben Barka, en septembre 1966, je ne quitterai pas le Maroc... mais le Maroc me quittera ! Le retour au pays m'est interdit après ma plaidoirie."
Il n'y reviendra, pour la première fois, que dix-sept ans plus tard, en janvier 1983, comme membre de la délégation française accompagnant François Mitterrand...
Entre-temps, il y aura l'inscription au barreau de Paris, deux procès, en 1966 et 1967, devant la cour d'assises de la Seine, pour "enlèvement et séquestration", une deuxième plainte en octobre 1975 pour "assassinat", plusieurs juges, de multiples auditions, la levée du secret-défense sur le dossier en France, et toujours aucune conclusion.
Me Buttin n'a pas eu à s'occuper du dossier d'un client légendaire. Il fréquentait Ben Barka avant sa disparition et en dresse un portrait chaleureux : "Tous ceux qui l'ont connu relatent son intelligence de l'instant, son pragmatisme, sa promptitude dans le choix d'une décision, (...) son dynamisme." "Ben Barka, poursuit-il, ne fut jamais communiste, contrairement à ce que certains ont écrit ou affirmé (...). Révolutionnaire, il l'était pour autant. Mais réaliste, il admettait la notion d'étapes..."
Pour mieux en parler, l'avocat fait un long détour par l'histoire, la résistance marocaine au protectorat, puis il décrit le contexte, "les complots d'Hassan II", les tortures, l'élimination de ministres, les enlèvements d'opposants, avant d'ouvrir le chapitre de l'affaire elle-même.
Un combat de quarante ans, à l'issue duquel Me Buttin se dit convaincu que l'opposant marocain est mort par "accident", dans la villa de Fontenay-le-Vicomte (Essonne) où il fut séquestré, à la suite des coups qui lui ont été portés.
Quant à la recherche du corps, qui a donné lieu à d'innombrables versions - il aurait été enterré en Ile-de-France, transféré dans le plus grand secret au Maroc, dissous dans l'acide... -, l'avocat s'efface derrière le romancier Pierre Schoendoeffer auquel il emprunte cette citation : "Nous croyons que la vérité est têtue. Qu'elle finit toujours par sortir du puits, un jour ou l'autre."
HASSAN II, DE GAULLE, BEN BARKA, CE QUE JE SAIS D'EUX de Maurice Buttin. Karthala, 504 p.
Quand je pense que l'ancien avocat du FIS s'occupe d'une ONG toujours active en Algérie, je me dis que la situation n'est pas si mauvaise dans ce dernier...
"Hassan II, de Gaulle, Ben Barka, ce que je sais d'eux", de Maurice Buttin : le combat d'une vie
L'histoire, qui restera comme l'une des plus grandes affaires du XXe siècle en France, est connue. Le 29 octobre 1965, l'opposant socialiste marocain Mehdi Ben Barka est enlevé en plein Paris, lors d'une opération organisée par les services marocains avec la complicité de policiers français assistés de malfrats. Mais jamais on ne retrouva le corps, et jamais les circonstances exactes des derniers jours de cette figure tiers-mondiste ne furent établies.
Malmenés par de multiples vraies-fausses "révélations", sa femme et ses cinq enfants, tous résidant en France, à part l'un des fils qui vit en Suisse, sont toujours à la recherche de la vérité, soutenus dans leur quête épuisante par leur avocat français, Maurice Buttin.
Pour le 40e anniversaire de la disparition de Ben Barka, ce dernier retrace le paysage de l'époque, redonne vie aux principaux protagonistes de l'affaire et décrypte l'enquête. Car, comme il l'écrit, "pour tourner une page, il faut d'abord l'avoir lue".
Avec un souci du détail parfois rébarbatif, Me Buttin a rassemblé tous ses documents personnels, les dossiers judiciaires et ses propres souvenirs. Né lui-même au Maroc, à Meknès, en 1928, inscrit au barreau de Rabat en 1954, il a commencé à défendre des nationalistes marocains poursuivis devant des tribunaux ordinaires ou militaires. Jusqu'à "l'affaire", qui l'envoie à Paris défendre sa première plaidoirie.
"Le jour où je franchirai le Rubicon, expose-t-il, c'est-à-dire où je me déplacerai à Paris pour le premier procès dans l'affaire Ben Barka, en septembre 1966, je ne quitterai pas le Maroc... mais le Maroc me quittera ! Le retour au pays m'est interdit après ma plaidoirie."
Il n'y reviendra, pour la première fois, que dix-sept ans plus tard, en janvier 1983, comme membre de la délégation française accompagnant François Mitterrand...
Entre-temps, il y aura l'inscription au barreau de Paris, deux procès, en 1966 et 1967, devant la cour d'assises de la Seine, pour "enlèvement et séquestration", une deuxième plainte en octobre 1975 pour "assassinat", plusieurs juges, de multiples auditions, la levée du secret-défense sur le dossier en France, et toujours aucune conclusion.
Me Buttin n'a pas eu à s'occuper du dossier d'un client légendaire. Il fréquentait Ben Barka avant sa disparition et en dresse un portrait chaleureux : "Tous ceux qui l'ont connu relatent son intelligence de l'instant, son pragmatisme, sa promptitude dans le choix d'une décision, (...) son dynamisme." "Ben Barka, poursuit-il, ne fut jamais communiste, contrairement à ce que certains ont écrit ou affirmé (...). Révolutionnaire, il l'était pour autant. Mais réaliste, il admettait la notion d'étapes..."
Pour mieux en parler, l'avocat fait un long détour par l'histoire, la résistance marocaine au protectorat, puis il décrit le contexte, "les complots d'Hassan II", les tortures, l'élimination de ministres, les enlèvements d'opposants, avant d'ouvrir le chapitre de l'affaire elle-même.
Un combat de quarante ans, à l'issue duquel Me Buttin se dit convaincu que l'opposant marocain est mort par "accident", dans la villa de Fontenay-le-Vicomte (Essonne) où il fut séquestré, à la suite des coups qui lui ont été portés.
Quant à la recherche du corps, qui a donné lieu à d'innombrables versions - il aurait été enterré en Ile-de-France, transféré dans le plus grand secret au Maroc, dissous dans l'acide... -, l'avocat s'efface derrière le romancier Pierre Schoendoeffer auquel il emprunte cette citation : "Nous croyons que la vérité est têtue. Qu'elle finit toujours par sortir du puits, un jour ou l'autre."
HASSAN II, DE GAULLE, BEN BARKA, CE QUE JE SAIS D'EUX de Maurice Buttin. Karthala, 504 p.
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