Au deuxième trimestre, ce pays de 77 millions d'habitants aux portes de l'Europe a enregistré, avec 10,2 %, la plus forte croissance économique de la planète derrière la Chine.
Ils n'inaugurent plus une usine par jour, comme il y a deux ans, mais les « tigres anatoliens », ainsi qu'on surnomme cette classe émergente d'entrepreneurs pieux du centre de la Turquie, ont encore « mangé du lion ». Ils ont contribué au deuxième trimestre de cette année à la plus forte croissance économique (10,2 %) de la planète derrière la Chine, souligne Pekin Baran, vice-président de la Tusiad, l'homologue turc du Medef.
Désormais, ce pays de 77 millions d'habitants est un ténor du BTP et des postes de télévision, le deuxième producteur mondial de verre plat, le sixième de ciment ou de textiles et le septième partenaire commercial d'une Union européenne à laquelle il est candidat depuis 1987. Belle leçon de dynamisme de la part d'un pays qui s'avère en outre mieux respecter les critères de Maastricht que la plupart des pays de la zone euro : sa dette publique a été ramenée à 40 % du PIB.
Depuis la grave crise financière de 2001, la Turquie a aligné consécutivement six excédents budgétaires (avant service de la dette) de 6 % du PIB. Aujourd'hui, son risque de défaut de paiement est inférieur à celui de l'Espagne, selon les marchés.
Tandis que les économistes de tous bords saluent cette discipline macro-économique, les entrepreneurs s'enthousiasment, à l'image d'Ekrem Yener, directeur international de Turkcell, devenu un des grands européens de la téléphonie mobile : « Le cabinet AKP de Recep Tayyip Erdogan est le plus favorable au business des 63 gouvernements qui se sont succédé dans le pays » depuis la révolution d'Atatürk en 1923.
Ekrem Yener est typique de cette classe d'entrepreneur conciliant ouverture européenne et conservatisme sur le plan des moeurs, qui concurrence la caste bureaucratique et militaire ayant tenu le pays pendant 80 ans et constituant la base électorale du principal parti d'opposition, le CHP. Ce dernier incarne la défense de la laïcité face à un AKP soupçonné de promouvoir l'islamisation de la société turque mais qui semble revenu à plus de prudence.
A travers l'affrontement entre l'AKP, apparemment assuré de gagner les législatives de juin prochain et qui vient de remporter largement un référendum constitutionnel, et un CHP « ossifié » au dire même de certains sympathisants, ce sont aussi deux classes moyennes qui se concurrencent. La première, proche du pouvoir et assise sur le commerce et les 2 millions de PME ouvertes à la mondialisation, la seconde liée à la distribution de rentes derrière des barrières douanières.
Pour autant, l'AKP a repoussé de la poussière « sous le tapis », ou plutôt « sous l'escalier », comme on dit des ateliers clandestins. Le gouvernement ne s'est pas vraiment attaqué à l'économie grise, qui représenterait le quart du PIB. Il est vrai qu'elle permet de minorer les statistiques du chômage (10 % environ), estime Haluk Tükel, président de l'Institut du Bosphore, créé l'an dernier pour « débloquer » le dialogue politique avec la France. Ankara n'a pas non plus réformé un marché de l'emploi très rigide ni une fiscalité constituée pour deux tiers d'impôts indirects frappant les pauvres. L'Etat providence demeure coûteux, avec un départ en retraite à... 50 ans, et des inégalités criantes.
Au point que le pays compte 28 milliardaires en dollars, plus que le Japon, s'insurge une députée du CHP, Gülsün Bilgehan. Surtout, la productivité y demeure assez faible, souligne Seyfettin Gunsell, professeur d'économie à l'université Bahçesehir. Pour lutter contre une inflation qui a atteint jadis 1.000 %, (8 % aujourd'hui), la banque centrale indépendante maintient les taux d'intérêts à des niveaux musclés, ce qui dope la lira et pénalise les exportateurs, souligne Ersdal Karamercan, patron du conglomérat Eczacibasi.
D'ailleurs, « les investisseurs viennent ici pour le marché intérieur, pas tellement pour exporter », souligne Seyfettin Gunsell, qui s'inquiète à terme du déficit de la balance des paiements, de 40 milliards de dollars. Mais la capacité d'adaptation des entrepreneurs turcs, qui ont déjà traversé d'innombrables crises, est impressionnante. Ils ont déjà recréé la moitié du million d'emplois perdus depuis 2008.
Yves Bourdillon
Les Echos
Ils n'inaugurent plus une usine par jour, comme il y a deux ans, mais les « tigres anatoliens », ainsi qu'on surnomme cette classe émergente d'entrepreneurs pieux du centre de la Turquie, ont encore « mangé du lion ». Ils ont contribué au deuxième trimestre de cette année à la plus forte croissance économique (10,2 %) de la planète derrière la Chine, souligne Pekin Baran, vice-président de la Tusiad, l'homologue turc du Medef.
Désormais, ce pays de 77 millions d'habitants est un ténor du BTP et des postes de télévision, le deuxième producteur mondial de verre plat, le sixième de ciment ou de textiles et le septième partenaire commercial d'une Union européenne à laquelle il est candidat depuis 1987. Belle leçon de dynamisme de la part d'un pays qui s'avère en outre mieux respecter les critères de Maastricht que la plupart des pays de la zone euro : sa dette publique a été ramenée à 40 % du PIB.
Depuis la grave crise financière de 2001, la Turquie a aligné consécutivement six excédents budgétaires (avant service de la dette) de 6 % du PIB. Aujourd'hui, son risque de défaut de paiement est inférieur à celui de l'Espagne, selon les marchés.
Tandis que les économistes de tous bords saluent cette discipline macro-économique, les entrepreneurs s'enthousiasment, à l'image d'Ekrem Yener, directeur international de Turkcell, devenu un des grands européens de la téléphonie mobile : « Le cabinet AKP de Recep Tayyip Erdogan est le plus favorable au business des 63 gouvernements qui se sont succédé dans le pays » depuis la révolution d'Atatürk en 1923.
Ekrem Yener est typique de cette classe d'entrepreneur conciliant ouverture européenne et conservatisme sur le plan des moeurs, qui concurrence la caste bureaucratique et militaire ayant tenu le pays pendant 80 ans et constituant la base électorale du principal parti d'opposition, le CHP. Ce dernier incarne la défense de la laïcité face à un AKP soupçonné de promouvoir l'islamisation de la société turque mais qui semble revenu à plus de prudence.
A travers l'affrontement entre l'AKP, apparemment assuré de gagner les législatives de juin prochain et qui vient de remporter largement un référendum constitutionnel, et un CHP « ossifié » au dire même de certains sympathisants, ce sont aussi deux classes moyennes qui se concurrencent. La première, proche du pouvoir et assise sur le commerce et les 2 millions de PME ouvertes à la mondialisation, la seconde liée à la distribution de rentes derrière des barrières douanières.
Pour autant, l'AKP a repoussé de la poussière « sous le tapis », ou plutôt « sous l'escalier », comme on dit des ateliers clandestins. Le gouvernement ne s'est pas vraiment attaqué à l'économie grise, qui représenterait le quart du PIB. Il est vrai qu'elle permet de minorer les statistiques du chômage (10 % environ), estime Haluk Tükel, président de l'Institut du Bosphore, créé l'an dernier pour « débloquer » le dialogue politique avec la France. Ankara n'a pas non plus réformé un marché de l'emploi très rigide ni une fiscalité constituée pour deux tiers d'impôts indirects frappant les pauvres. L'Etat providence demeure coûteux, avec un départ en retraite à... 50 ans, et des inégalités criantes.
Au point que le pays compte 28 milliardaires en dollars, plus que le Japon, s'insurge une députée du CHP, Gülsün Bilgehan. Surtout, la productivité y demeure assez faible, souligne Seyfettin Gunsell, professeur d'économie à l'université Bahçesehir. Pour lutter contre une inflation qui a atteint jadis 1.000 %, (8 % aujourd'hui), la banque centrale indépendante maintient les taux d'intérêts à des niveaux musclés, ce qui dope la lira et pénalise les exportateurs, souligne Ersdal Karamercan, patron du conglomérat Eczacibasi.
D'ailleurs, « les investisseurs viennent ici pour le marché intérieur, pas tellement pour exporter », souligne Seyfettin Gunsell, qui s'inquiète à terme du déficit de la balance des paiements, de 40 milliards de dollars. Mais la capacité d'adaptation des entrepreneurs turcs, qui ont déjà traversé d'innombrables crises, est impressionnante. Ils ont déjà recréé la moitié du million d'emplois perdus depuis 2008.
Yves Bourdillon
Les Echos
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