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Football: Dans la nébuleuse des ultras serbes

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  • Football: Dans la nébuleuse des ultras serbes

    Assis dans l'Irish pub de Belgrade, Marko et Miro se contentent de siroter leur bière en silence. Ce soir, ils ne refont pas le match parce qu'il n'y a rien à raconter : le Partizan s'est fait battre 1-0 à domicile par les Portugais du SC Braga. "Tout ou rien !", titrait le matin le principal quotidien sportif de Belgrade, faisant monter la pression sur les Noir et Blanc, qui n'avaient pas brillé lors de leur déplacement au Portugal (0-2). Les fans du Partizan, les "Grobari" (fossoyeurs) espéraient ardemment une victoire de leur club, qui dispute cette saison la Ligue des champions dans le groupe de Braga, du Shakhtior Donetsk et d'Arsenal. Mais tout ce qu'ils ont récolté, c'est "un match à mourir d'ennui", soupire Marko.

    "Mauvaise équipe, mauvais match ", le taquine mollement Miro. Si Marko soutient depuis son enfance les Grobari, lui est un " zvezdash ", un fan de la Crvena Zvezda, l'Etoile rouge de Belgrade – certainement le club le plus populaire dans l'ex-Yougoslavie. La rivalité entre les deux équipes est légendaire et culmine traditionnellement avec le derby belgradois, un des événements les plus redoutés (et les plus encadrés) par les forces de l'ordre. "Et si vous vous cassiez la gueule, les gars ?, suggère le serveur. On ne va pas laisser notre ami de France rentrer bredouille…"

    A Belgrade, on aime l'humour noir, l'autodérision aussi. Certainement un réflexe hérité de l'époque de Slobodan Milosevic, marquée par un nationalisme effréné, des guerres fratricides (y compris contre l'aviation de l'Alliance atlantique en 1999), un isolement international et une crise économique sans fin… Pourtant, ce qui s'est passé il y a un peu plus d'un an dans ce même pub ne fait rire personne : c'est ici qu'a été littéralement massacré Brice Taton, un jeune Français venu avec ses amis soutenir son équipe, le FC Toulouse, qui jouait contre le Partizan le 17 septembre 2009. Quatorze personnes doivent comparaître pour ce meurtre à partir du 8 novembre, lors d'un procès plusieurs fois ajourné notamment à cause du désistement des témoins

    HOMOPHOBIE, FOOT ET ULTRANATIONALISME

    Depuis cette agression, les hooligans serbes n'ont pas fait profil bas, loin de là. Ni les nombreuses arrestations effectuées par la police serbe dans les jours suivants, ni la volonté affichée des autorités de faire de la lutte contre les supporteurs ultranationalistes "une priorité essentielle" de la Serbie, ne leur ont fait baisser la garde. Bien au contraire. Le 10 octobre dernier, ils se sont livrés à une véritable démonstration de force dans les rues de Belgrade, saccageant et pillant tout sur leur passage en marge de la Gay Pride, qui n'avait pas eu lieu depuis dix ans parce qu'elle attire tout ce que le pays compte de casseurs et d'ultranationalistes. Deux jours plus tard, les ultras serbes mettaient à sac un stade à Gênes, lors du déplacement de l'équipe nationale de football, provoquant des scènes d'une violences inouïe dont les images ont fait le tour du monde. "A défaut d'avoir pu ‘casser du pédé' à Belgrade, ils sont allés montrer leur force à Gênes", estime Svetlana Lukic, qui dirige le webzine Pescanik et anime une émission de radio du même nom. Il s'agit des mêmes personnes, elle en est sûre : " Homophobie et ultranationalisme ne font qu'un en Serbie. Ces gens sont unis par un même sentiment de haine contre l'Occident, les homosexuels étant perçus comme une incarnation de la dégénérescence de l'Ouest. Le foot n'est qu'un prétexte dans cette histoire."

    Pourtant, l'alliance du nationalisme et du football ne date pas d'hier en ex-Yougoslavie ; on dit même que c'est un match de foot qui a dégénéré entre le Dinamo de Zagreb et l'Etoile rouge de Belgrade le 13 mai 1990 qui a donné le signal de la désagrégation du pays. Depuis, les clubs de supporteurs ont constitué un inépuisable vivier pour les chefs de guerre, tel le tristement célèbre Zeljko Raznatovic dit "Arkan" (tué en 2000). Ce dernier s'était même fait élire à la tête du club de supporteurs de l'Etoile rouge, les "Delije" (les Preux), avant de s'offrir un petit club de deuxième division, le FK Obilic, qu'il a fait monter en tête du championnat à coups de pots-de-vins et de menaces. Aujourd'hui, les grands clubs continuent d'entretenir des liens troubles avec la classe politique, dont de nombreux représentants siègent au sein des conseils d'administration, aux côtés d'hommes d'affaires à la réputation douteuse. Les présidents des associations de supporteurs gèrent, eux, de confortables fortunes amassées grâce à la revente de billets achetés en gros ; ils disposent de surcroît d'une véritable milice privée, constituée de jeunes facilement manipulables et prêts à se battre.

    HOOLIGANS DES QUARTIERS CHICS

    "Les hooligans, avec leur xénophobie et leur culture du secret, constituent un milieu très difficile à infiltrer", reconnaît Slobodan Vukolic, chef de la police de Belgrade. Pourtant, les limiers serbes ont vite identifié ceux qu'ils accusent d'être derrière l'assassinat de Brice Taton. Leur enquête a fait ressortir une hiérarchie précise, comprenant au sommet un donneur d'ordres, un chef opérationnel sur le terrain et plusieurs groupes de "fantassins" communiquant entre eux par téléphone mobile. La presse serbe a aussi découvert que ces hooligans n'étaient pas tous des jeunes provinciaux paumés, issus de familles pauvres et sans perspectives d'avenir. Parmi eux, se trouvent de nombreux fils de notables, à l'instar de celui que les médias italiens ont surnommé "Ivan le terrible", le " vojd " (chef) des ultras serbes à Gênes. Ivan Bogdanov habite chez ses parents dans un quartier chic de Belgrade, en face de l'ambassade d'Israël et à quelques rues de la résidence d'Ivica Dacic, le ministre de l'intérieur.

    Unis par leur haine de l'Occident, mais aussi par une "idéologie du sol et du sang", ces hooligans ont, à la différence de leurs homologues occidentaux, une importante dimension politique. "Ils sont une force de nuisance", reconnaît un responsable sécuritaire occidental. "Ils veulent saboter l'intégration européenne de la Serbie", s'insurge Svetlana Lukic. Ainsi, les hooligans ne cachent pas leur appartenance à diverses organisations ultranationalistes et d'extrême droite, dont ils constituent la partie la plus visible et la plus violente. Certains de ces groupes, comme Obraz, "1389" (l'année de la bataille du Kosovo) ou Sabor Dveri ont une dimension nationale ; d'autres, une implantation plus locale : Nacionalni Stroj (Voïvodine), Nasi (Serbie centrale), Nomokanon (Belgrade)… Mais dans la rue, ils agissent de concert, ne se contentant pas de hurler "mort aux pédés !". En 2008, ils ont fait parler la poudre à deux reprises, transformant Belgrade en zone de guerre : lors de la proclamation de l'indépendance du Kosovo (que la Serbie ne reconnaît pas), puis lors de l'arrestation de Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie recherché pour crimes de guerre par le Tribunal de La Haye.

    L'ÉGLISE COMME CAUTION MORALE

    Ce qui inquiète le plus les milieux pro-européens de Belgrade, ce sont les liens que cette "nébuleuse de l'ombre" peut avoir avec des hommes politiques jugés "fréquentables", tels ceux du Parti démocratique de Serbie (DSS) de l'ancien premier ministre Vojislav Kostunica. Et surtout avec l'Eglise orthodoxe serbe. "En Serbie, on ne critique pas l'Eglise. Or c'est souvent elle qui apporte une caution morale à ces extrémistes, quand ce n'est pas une aide matérielle", accuse Svetlana Lukic. Ce qui peut expliquer, dit-elle au passage, la relative impunité dont bénéficient ces extrémistes lorsqu'ils sont traduits en justice…


    Mais écrire et, a fortiori, enquêter sur cette nébuleuse n'est pas chose aisée en Serbie. Svetlana Lukic dit être régulièrement insultée dans la rue et recevoir des menaces de mort.


    Bravache, elle assure ne pas y accorder d'importance pour pouvoir "continuer à travailler". Dans le cas de sa consœur Brankica Stankovic, le ministère de l'intérieur a pris ces menaces très au sérieux. Productrice d'une émission de télévision très regardée en Serbie, elle avait consacré plusieurs épisodes aux liens des ultras avec le monde interlope. En décembre 2009, lors d'un match de Partizan retransmis en direct à la télévision, les fans du club se sont acharnés sur une poupée gonflable à son effigie, scandant des injures et des menaces de mort. Depuis, la jeune femme vit sous protection policière.

    Le procès d’un lynchage

    Le procès des membres du groupe suspectés d'avoir mortellement agressé Brice Taton reprend le 8 novembre et devrait durer jusqu'au 26, date à laquelle est attendu le verdict. Quatorze personnes sont accusées de "meurtre aggravé" et risquent jusqu'à 40 ans de prison. Deux individus, considérés comme les donneurs d'ordre, sont toujours en cavale. Selon l'enquête policière, les Toulousains auraient été repérés et pistés dès leur arrivée en ville. Leur agression a eu lieu en plein jour, sur la terrasse de l'Irish pub, dans une rue piétonne très fréquentée.

    Les jeunes Français ont juste eu de le temps de noter un étrange manège autour de leur table : des jeunes Serbes qui leur tournaient autour, passant plusieurs coups de fil, avant de disparaître.

    Ensuite une vingtaine d'hommes armés de battes de base-ball, le visage dissimulé derrière un masque chirurgical, ont déferlé sur eux, s'acharnant plus particulièrement sur Brice Taton. Mis à terre, roué de coups, il a été traîné sur plusieurs mètres avant d'être jeté du haut d'un muret. Il plonge dans le coma à son arrivée à l'hôpital, pour ne plus en sortir. Brice Taton décèdera à Belgrade, entouré de sa famille, le 29 septembre 2009, douze jours après son agression. Ajourné à deux reprises depuis avril 2010, le procès traîne en longueur notamment à cause du désistement de plusieurs témoins du drame.

    Par Le Monde

  • #2
    il y'a aussi leurs collegues russes, de veritables hooligans. En europe les plus ultras restent les grecques
    And ye shall know the truth and the truth shall make you free.

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