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    Une décision qui pourrait «casser la culture du pillage»


    (Le Temps.ch 11/11/2010)

    Un arrêt de la Cour de cassation autorise une enquête judiciaire française sur la manière dont trois présidents africains se sont constitué un important patrimoine parisien

    Audacieux, l’arrêt de principe rendu mardi par la Cour de cassation ouvre des perspectives nouvelles aux associations qui dénoncent la corruption et agissent pour en faire condamner les responsables, aussi puissants soient-ils. En relançant l’enquête sur les «biens mal acquis» par trois potentats d’Afrique, la plus haute juridiction judiciaire française peut aussi faire frémir quelques palais du continent. En filigrane, elle réaffirme aussi, dans une affaire sensible, la prééminence du juge d’instruction que Nicolas Sarkozy souhaitait supprimer.
    La Cour autorise l’ouverture d’une enquête judiciaire visant à élucider la façon dont trois chefs d’Etat africains ont acquis à Paris un impressionnant patrimoine, notamment immobilier. Elle le fait d’une façon nette, sans renvoyer le dossier devant une autre juridiction, devant laquelle le parquet, hiérarchiquement lié au Ministère de la justice, aurait pu continuer de faire obstruction.
    L’arrêt, salué comme «historique» par les associations anticorruption, leur donne satisfaction en jugeant recevable leur plainte visant le délit de «recel de détournement de fonds publics». Les organisations en question soupçonnent les présidents du Gabon (Omar Bongo, mort en 2009, et Ali Bongo, son fils et successeur), du Congo-Brazzaville (Denis Sassou-Nguesso) et de Guinée-Equatoriale (Teodoro Obiang), d’avoir financé sur fonds d’Etat leur patrimoine parisien.
    Ces organisations non gouvernementales (ONG), telle Sherpa, un groupe de juristes spécialisés dans la défense des droits de l’homme et Transparence International France (TIF), section française de Transparency International, considèrent que les biens en question n’ont pu être acquis qu’avec de l’argent public détourné, tant est grande la disproportion entre leur valeur et les revenus affichés par les chefs d’Etat. Les associations plaignantes réclament la restitution aux pays concernés des sommes utilisées dont, selon elles, les citoyens ont été spoliés.
    Mardi, les hauts magistrats ont cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui, le 29 octobre 2009, avait déclaré irrecevable la plainte de TIF, empêchant l’ouverture d’une information judiciaire. Ils ont estimé que les délits reprochés, s’ils étaient établis, «seraient de nature à causer» à TIF «un préjudice direct et personnel en raison de la spécificité du but et de l’objet» de la mission de l’association.
    Dans le passé, des actions judiciaires visant la restitution de «biens mal acquis» ont été menées à terme au Royaume-Uni et en Suisse, mais elles avaient été ouvertes à l’initiative d’Etats spoliés (Nigeria et Haïti) après la chute de dictateurs et non à l’initiative d’une ONG internationale. Daniel Lebègue, président de TIF, salue, cette fois, «une décision de portée universelle». «Nous allons pouvoir agir par-delà les frontières et surmonter l’obstruction des Etats et des parquets», espère-t-il. Moins enthousiaste, l’avocat d’Ali Bongo, Me Patrick Maisonneuve, craint «une inflation de plaintes» et l’«instrumentalisation de la procédure pénale».
    Conséquence de l’arrêt, la désignation d’un ou plusieurs juges d’instruction devrait intervenir prochainement, ouvrant la perspective, lointaine sinon hypothétique, d’un procès. «C’est le début de la fin de l’impunité de ceux qui appauvrissent leur pays pour leur profit personnel», exulte Me William Bourdon, avocat de TIF et président de Sherpa. Il salue une décision qui «casse la culture du pillage» et «renforce les Africains qui, au péril de leur vie, luttent pour l’intégrité de leurs dirigeants».
    A Bangkok, en Thaïlande, où se tient le congrès de Transparency International, la décision française a été ovationnée, mardi. Gregory Ngbwa Mintsa, un militant gabonais qui fut associé un temps à la plainte de TIF, a salué «une grande victoire», estimant que les «détournements de fonds en Afrique sont responsables d’au moins un mort chaque jour».
    Quant à Marc Ona Essangui, autre figure gabonaise de la lutte anticorruption, il estime que l’arrêt français peut «pousser les responsables africains à réduire le phénomène de «main basse» sur les ressources, opéré au détriment des populations qui croupissent dans la misère».
    La décision de la Cour de cassation intervient au terme de trois années de bataille judiciaire entre les ONG et les autorités françaises, peu désireuses de voir mis en cause des chefs d’Etat considérés comme des «amis de la France».
    Une première plainte, déposée en 2007, reposait sur un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) recensant les avoirs détournés par des chefs d’Etat. Elle avait donné lieu à une enquête préliminaire confiée à l’Office central de répression de la grande délinquance financière, menée en 2007, dont Le Monde avait révélé le contenu en février 2008. Il était ainsi établi qu’Omar Bongo et ses proches possédaient en France 33 biens immobiliers (appartements, maisons et hôtel particulier), ainsi que 11 comptes bancaires et une considérable flotte de voitures de luxe.
    Le président congolais Sassou-Nguesso, lui, détenait au total 18 biens. Sa fille et deux des enfants Bongo se partageaient un hôtel particulier parisien acheté 18,875 millions d’euros en 2007. Quant au président équato-guinéen Obiang, il se distinguait par les trois Bugatti à 1 million d’euros pièce fabriquées spécialement pour son fils Teodorin. C’est cette enquête sans précédent, stoppée à la fin 2007 par une décision de «classement sans suite» du parquet de Paris, qui va être rouverte.

    Philippe Bernard jeudi11 novembre 2010
    وإن هذه أمتكم أمة واحدة
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