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Un Américain exécuté pour un cheveu qui n'était pas le sien

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  • Un Américain exécuté pour un cheveu qui n'était pas le sien

    Des tests ADN ont prouvé que l'unique élément sur lequel Claude Jones a été condamné et exécuté appartenait à la victime du braquage qu'il commettait.

    Un cheveu relance la polémique sur le risque d'erreurs dans les affaires de peine capitale aux Etats-Unis. Des tests ADN ont prouvé jeudi que le cheveu, unique élément sur lequel un Américain a été condamné en 1990 et exécuté en 2000, n'était pas le sien mais celui de la victime. Cette découverte ne peut innocenter à elle seule Claude Jones, tué par injection létale, en décembre 2000, pour avoir abattu le propriétaire du magasin qu'il braquait avec deux complices. Ce cheveu n'exclut pas sa présence sur le lieu du crime. Mais il montre que Claude Jones, 60 ans au moment de son exécution, a été condamné à la peine capitale sur une preuve fallacieuse.

    Le 14 novembre 1989, Allen Hilzendager, propriétaire d'un magasin d'alcools et de spiritueux, est abattu lors du braquage de son commerce. La police retrouve les malfaiteurs : Claude Jones, Kerry Daniel Dixon et Timothy Jordan. Jordan a été l'instigateur du braquage et a fourni l'arme du crime. Dixon et Jones ont pris place dans la camionnette qui s'est arrêtée à la hauteur de la boutique de Point Blank. L'un des deux hommes reste dans le véhicule tandis que l'autre pénètre dans le magasin et abat Allen Hilzendager. Les témoins de la scène n'ont jamais pu distinguer le visage du tireur. Toute l'enquête va donc reposer sur les témoignages des trois voleurs et ce cheveu de 2,5 cm. Dixon et Jones s'accusent mutuellement d'avoir été le braqueur. Mais Jordan assure que Jones lui a confié avoir appuyé sur la gâchette. Or dans le droit texan, le témoignage d'un complice ne suffit pas pour condamner à mort quelqu'un, il faut une preuve supplémentaire. D'où l'importance capitale de ce cheveu.

    Doutes de l'expert en 1990

    Lors du procès de Jones en 1990, les tests ADN n'existent pas encore. On pratique une comparaison de plusieurs cheveux sous microscope. L'expert engagé par la justice estime d'abord que le cheveu trouvé dans le magasin n'est pas apte à être testé avant de changer d'avis. Il l'examine aux côtés de cheveux de Dixon, de Jones et d'Hilzendager et de douze autres personnes qui ont pénétré dans le magasin le jour du meurtre. A la barre, il «pense que le cheveu provient de Jones même si la technologie utilisée n'est pas assez avancée pour désigner avec certitude le propriétaire du cheveu». Qu'importe cette nuance, le cheveu fait basculer le jury. Le témoignage de Jordan, qui avouera des années plus tard avoir été contraint par la police à charger Jones, et le passé de l'accusé pèsent lourds. Claude Jones n'a rien d'un enfant de choeur. Arrêté à de nombreuses reprises, il a déjà fait au moment du braquage trois séjours en prison pour vol, agression et vol à main armée. Lors d'une de ces périodes d'emprisonnement au Kansas, il a immolé son codétenu.

    Si les tests ADN ont pu être pratiqués jeudi, 21 ans après les faits et 10 ans après l'exécution de Jones, c'est grâce à la détermination de l'ONG anti-peine de mort the Innocence Project, du fils de Jones et du quotidien The Texas Observer. Au terme d'un combat judiciaire de trois ans, ils ont obtenu le droit d'analyser à nouveau cette pièce à conviction centrale, malgré l'opposition du procureur de l'époque. «Les résultats montrent que la possibilité d'erreur judiciaire mortelle est élevée dans notre système. On peut courir le risque de se tromper et d'exécuter la mauvaise personne», dénonce Barry Scheck, cofondateur de the Innocence Project. La famille de Jones ne compte pas relancer l'affaire. «Ces résultats ne sont pas un soulagement mais une déception : on a manqué une occasion de rétablir la justice. J'espère que cette découverte fera prendre conscience que notre système judiciaire doit être corrigé si on veut continuer à appliquer la peine capitale», a expliqué le fils de Claude.

    L'oubli des collaborateurs de Bush

    Le sort de Claude Jones le révolte d'autant plus que Barry Scheck est persuadé que le sexagénaire a été privé d'un procès en appel à cause d'une erreur administrative. Claude Jones avait déposé auprès du gouverneur du Texas de l'époque, George W. Bush, une demande de sursis d'exécution de 30 jours, le temps de pratiquer des tests ADN sur le cheveu, la technologie étant enfin au point. Mais pour une raison inconnue, les collaborateurs de George W. Bush ont omis dans le résumé de l'affaire, transmis au gouverneur, de mentionner cette requête de test ADN. George W. Bush n'a donc pas trouvé de raison suffisante pour accorder à Jones un délai. Un oubli lourd de conséquence pour Barry Scheck. Claude Jones, qui a toujours clamé son innocence, a été le dernier condamné à mort à être exécuté sous le mandat texan de Bush.

    Le rebondissement de l'affaire Jones renforce les opposants de la peine de mort au Texas. L'Etat est leader en matière d'exécutions aux Etats-Unis - 464 en 30 ans mais plusieurs affaires ont jeté le doute sur la fiabilité des verdicts dans des affaires relevant de la peine capitale. Le mois dernier, Anthony Graves est ressorti libre après 18 ans en prison, dont 12 dans le couloir de la mort. Un procureur indépendant a estimé que les preuves qui l'incriminaient étaient insuffisantes. Dans une autre affaire, celle d'un homme, accusé d'avoir allumé l'incendie ayant tué ses enfants et exécuté en 2004, plusieurs experts dénoncent une enquête bâclée et incohérente. Cependant depuis le rétablissement de la peine de mort aux Etats-Unis,aucun condamné n'a vu son innocence prouvée après son exécution, rappelle l'agence Associated press.

    source : Le Figaro
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