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Des Africaines en lutte contre la polygamie

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  • Des Africaines en lutte contre la polygamie

    En région parisienne, à Chanteloup, Fatoumata, employée municipale d'origine mauritanienne, aide les femmes à sortir de «l'esclavage».

    Rendez-vous devant la boucherie musulmane de la cité Lanoë à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Ce soir-là, Fatoumata Yatera, médiatrice sociale, recevait chez elle des amies africaines pour préparer un repas de fête. Au menu : poulet, mafé, brochettes... Avant de pénétrer dans le salon et de prendre place sur la grande banquette de velours damassé, chaque invitée se déchausse. Des pages du coran brodées et les photos de Fatoumata en boubou décorent la pièce. La dernière fille de la maison, tout juste rentrée de l'école, regarde Disney Channel. Entre deux programmes, elle se précipite dans sa chambre pour «chatter» sur Internet avec ses copines. Comme toutes les filles de son âge.

    Chez Fatoumata, c'est un peu l'Afrique. Sénégalaise, Malienne, Mauritanienne, ces femmes qui partagent un thé viennent toutes d'Afrique de l'Ouest. Elles parlent la même langue, le soninké, la même culture, celle du fleuve Sénégal, et la même religion, l'islam. Fatoumata Yatéra est une figure locale. A 64 ans, cette Mauritanienne a engagé la lutte contre la polygamie. Cette employée municipale aide le maire Pierre Cardo (UMP) à «comprendre un peu mieux le terrain».

    Dans le bahut du salon, elle conserve les articles de magazines qui racontent son parcours. Arrivée en France en 1967 à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, cette mère de quatre enfants a vu débarquer une deuxième épouse en 1974. Son mari, ouvrier chez Citroën, ne lui a pas demandé son avis. Au bout de cinq ans, elle demande le divorce et part avec ses enfants. «A l'époque, j'étais une pionnière, raconte-t-elle. Ma propre soeur m'a rejetée. Je ne pouvais plus tenir. Mes enfants souffraient de la promiscuité. Ils devaient dormir dans le salon car l'autre épouse avait pris leur chambre. Je n'acceptais pas de partager ma maison avec elle.» Sans ressources, Fatoumata est repartie en Mauritanie chez ces parents. Cinq ans plus tard, sans travail, avec des enfants déracinés, elle est revenue à Paris. «Là j'ai vraiment connu la galère, les squats, les sous-locations. Parfois je dormais dans une voiture avec mes enfants.» Ce n'est qu'au cours des années 80 qu'elle obtiendra un logement à Chanteloup. Parmi les femmes dont elle s'occupe, Mami. Son destin ressemble au sien avec vingt ans d'écart. Depuis quatre mois, cette Sénégalaise de 29 ans a quitté le domicile conjugal. Elle vit depuis trois mois à l'hôtel Formule 1 de Chanteloup. Le Samu social lui paie sa chambre. Mami a atterri à Chanteloup en 1998. Mariée en 1995 au pays, elle a rejoint son mari trois ans plus tard. Dans le F4, elle découvre une première épouse avec déjà sept enfants. Entre 1999 et 2004, la jeune Sénégalaise met quatre enfants au monde sans pour autant trouver sa place dans le foyer de son mari. Elle raconte les bagarres permanentes avec la première épouse. «En 2002, elle m'a frappée alors que j'étais enceinte», dit-elle.

    Une population qui ne cesse de croître

    Aujourd'hui, Mami n'a en poche qu'un titre de séjour de trois mois de la préfecture des Yvelines. Ses trois aînés passent leurs nuits à la crèche Babylou, ouverte 24 heures sur 24. La Ligue des droits de l'homme défend son dossier de régularisation. «On veut éradiquer la polygamie, tempête Fatoumata, mais il faut aider les femmes à quitter le domicile conjugal. La plupart sont entrées en France sans papiers et parlent mal le français. Elles sont tenues en esclavage.»

    Fatou, sénégalaise, travaille elle aussi comme médiateur social. Cette mère de famille de 37 ans s'occupe de soutien scolaire. «Tous les matins, je me dis que je vais rentrer au pays», plaisante-t-elle. Elle n'en peut plus de l'hiver «trop long», des «années qui passent comme une journée». «Si ce n'était pas pour le travail, on ne serait jamais venu ici», affirme-t-elle. Pour elle, la France, c'est cette cité Lanoë construite entre 1974 et 1975 pour les ouvriers de Poissy. «Au début, 300 Portugais s'y sont installés, puis les Marocains, raconte Pierre Cardo. Ensuite la machine s'est emballée. On a envoyé tous les relégués de la région parisienne. Les travailleurs sociaux payaient la caution des familles à problèmes.» Le résultat se lit dans les chiffres : 20% de loyers impayés, recrudescence de mères seules, quinze foyers polygames et une population qui ne cesse de croître au rythme des regroupements familiaux. Selon Pierre Cardo, arrivés à partir de la fin des années 90, les Africains sont passés de 10% à 20% de la population au cours des cinq dernières années.

    Par Le Figaro
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