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Pour une coopération franco-algérienne

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    Pour une coopération franco-algérienne

    La France et l'Algérie sont deux grands pays qui n'ont plus voulu vivre ensemble mais qui ne peuvent s'ignorer. C'est une évidence : tous deux sont malades l'un de l'autre. En France, le silence absolu, quasi religieux lors de la projection du film Des hommes et des dieux mais aussi le boycottage plus ou moins organisé du film Hors-la-loi, quelqu'en soit la qualité cinématographique, sont les symptômes d'un malaise profond qui se colore d'attentes déçues. Que de polémiques stériles, que de déconvenues, que de signes d'un divorce qui n'en finit pas. La liste est longue qui convainc l'observateur que les routes ne cessent de diverger alors qu'elles ne demandent qu'à converger : il y a le déclin irréversible du port de Marseille, la considérable réduction de la mobilité avec l'obstacle des visas. Il y a aussi le projet de loi avortée sur les bienfaits de la colonisation et les films qui soulignent l'humiliation des harkis livrés aux ralliés de la dernière heure ou bien alors parqués dans des camps qui resteront la honte de notre République.

    La mémoire algérienne de la France est encore douloureuse du fait d'une colonisation qui a duré trop longtemps : cent trente deux ans de fausses promesses et de violences. N'est-il pas étrange que les anciens combattants français de la guerre d'Algérie ne se réunissent que très rarement ? Leur silence est assourdissant. Deux de mes frères ont fait la "guerre d'Algérie" mais, comme des dizaines de milliers d'anciens soldats ou appelés, ils ne veulent jamais en parler. Tout comme la France officielle qui conserve les archives d'une guerre qui a longtemps été niée et qui ne veut pas les dévoiler parce qu'elles sont terrifiantes. Qu'elles viennent à être rendues publiques et les mythes bâtis des deux côtés de la Méditerranée, après la fin de la guerre d'Algérie, viendraient à s'effondrer…

    Réciproquement, l'Algérie est malade de la France. Les trois anciens départements français sont partis à la dérive. Les Algériens sont malades car ils ont perdu leur identité et ont vu leur histoire occultée, réécrite. Lors du match Egypte-Algérie, la presse égyptienne n'a-t-elle pas titré "Les Algériens ne sont pas des Arabes, mais des Européens du Sud !".


    Un peuple sans mémoire devient malade, anxieux et parfois haineux. Orgueil, crispation et susceptibilité caractérisent de nombreux Algériens malades de leur passé douloureux et de leur avenir confisqué. La violence de la guerre est encore dans les esprits comme l'est ce que fut l'humiliation de l'indigène soumis à des lois iniques tel cet infâmant code de l'indigénat. Et voilà que les longues procédures pour obtenir un visa font renaître cette humiliation, cette sensation d'être mis en quarantaine. La France et l'Europe maintiennent l'Algérie à bonne distance et ses voisins immédiats en profitent. Pourtant, l'histoire aurait pu être différente. Les jeunes algériens ont faim du monde mais aussi de France. Il suffit de se souvenir de cette visite de Jacques Chirac en Algérie en 2003. Rien n'est perdu, tout est encore possible entre ces deux pays.

    Comme pour la France et l'Allemagne en 1945, il faut trouver un remède de cheval pour se guérir mutuellement. Comme la France et l'Allemagne se sont attelés, en 1951, à la création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), avant de consacrer le mariage en 1957 par le traité de l'Union, il faudrait que l'Algérie et la France jettent les bases d'une coopération énergétique ambitieuse, révolutionnaire, qui entraînerait toute l'Europe et tous les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée.

    Si l'on veut favoriser le développement d'une zone de prospérité qui inclurait l'Europe et les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, il faut s'appuyer sur un moteur fort. Un moteur que sauraient constituer une France et une Algérie définitivement réconciliés et décidés à écrire un nouveau chapitre, glorieux cette fois-ci, de leur histoire commune. Il faudrait de l'imagination, de l'audace ! Pourquoi ne pas lier l'énergie dont dispose l'Algérie et la capacité de la France à moderniser l'économie de ce pays grâce à un vrai programme de codéveloppement ? Renouons le dialogue et mettons sur papier, les termes d'un échange gagnant-gagnant. Dans la perspective du 5 juillet 2012, date du jubilé de l'indépendance de l'Algérie, il est encore temps d'apaiser les passions pour donner à ces deux pays l'envie de s'aimer.

    Jean-Louis Guigou, délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen

    Article paru dans l'édition du 24.11.10 (© Le monde)
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